Philippe Flahaut, au hasard d’un refrain

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Publié 12/06/2007 par Dominique Denis

Après nous avoir habitués, depuis quelques années, à une formule instrumentale plus étoffée, Philippe Flahaut renouera ce vendredi 15 juin avec la complicité du duo qu’il forme avec le contrebassiste Bernard Dionne, le temps d’un spectacle à l’Alliance Française de Toronto. Ayant étudié son œuvre en classe, les étudiants du cours Parlons chanson, actuellement offert à l’Alliance, ont rencontré l’auteur-compositeur torontois, qui s’est généreusement prêté au jeu de l’entrevue, faisant le point sur une carrière placée sous le signe de l’intégrité.

Votre spectacle à l’Alliance sera pour vous l’occasion de faire quelque chose de différent. Que réservez-vous à votre public ce vendredi?

C’est la première fois qu’on me demande de chanter les chansons des autres. J’ai donc pris des trucs de Jacques Brel, Georges Brassens, Maxime Le Forestier, Richard Desjardins et Alain Souchon, et je vais le mélanger à mes chansons. C’est intéressant pour moi, parce que je n’avais jamais vraiment pris le temps d’étudier les grands auteurs-compositeurs francophones.

Pourquoi pas?

Avant de faire de la chanson, j’étais bluesman, alors je suis plutôt un musicien qui est allé vers la chanson, plutôt qu’un parolier qui est allé vers la musique. J’écris toujours avec une oreille musicale, alors ça m’intéresse beaucoup de voir comment quelqu’un comme Brassens écrivait.

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C’est costaud, comme Dylan ou Leonard Cohen; il y a une sacrée intelligence là-dedans. On se sent tout petit face à des chansons comme celles-là. Tandis que chez quelqu’un comme Souchon, l’écriture est plus directe, comme quelqu’un qui parle. Au fond, chaque auteur-compositeur a sa propre façon de voir les choses.

Et vous, comment abordez-vous l’écriture?

J’aborde la chanson un peu comme un film: on voit quelqu’un qui va faire une action, et cette action va engendrer quelque chose d’imprévu, et à la fin, il y a une espèce de révélation dans le dénouement.

En venant ici, par exemple, je suis passé devant un musée. Alors, je pourrais bien imaginer une histoire qui se passe là-dedans : un gars qui va s’endormir sur un banc et devoir passer la nuit dans le musée. De là, il va voyager dans le temps, dormir avec des momies, quelque chose comme ça!

On a l’impression que le hasard joue un rôle important dans vos chansons.

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Oui, je me suis aperçu de ça l’autre jour. C’est comme ma chanson Une heure à tuer, par exemple: le point de départ, c’est ce gars qui rate son train, et qui se retrouve dans une situation tout à fait autre. De là, il peut ouvrir les yeux et trouver quelqu’un avec qui il pourrait passer le reste de sa vie. D’ailleurs, on rencontre presque toujours les gens par hasard.

Moi-même, j’ai rencontré ma femme par hasard. Je jouais dans un club aux Champs-Élysées, et elle était au pair en France. Une de ses copines lui avait dit «Peux-tu demander le numéro de téléphone de ce gars?». Alors elle l’a fait, mais moi, je ne savais pas que c’était l’autre fille qui voulait mon numéro, alors je lui ai dit: «Si tu me demandes mon numéro, alors je veux le tien en échange.» Et c’est à cause de ça qu’aujourd’hui, je me retrouve au Canada!

Est-ce que c’est difficile pour un artiste francophone de faire carrière à Toronto?

Parfois, oui. On est très peu à chanter en français à Toronto. Mais j’ai souvent joué dans des clubs où c’était des anglophones qui venaient sans savoir qui j’étais, et qui restaient parce qu’ils trouvaient ça intéressant.

La musique anglo-saxonne vous a aussi beaucoup influencée…

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Comme je l’ai dit, je viens du monde du blues, alors beaucoup des artistes qui m’ont influencé sont des anglophones. Je suis un grand fan de BB King, Freddy King, Muddy Waters, T-Bone Walker, mais j’aime aussi Dylan, Joni Mitchell, et des grands jazzmen comme Miles Davis ou John Coltrane.

Et chez les francophones, quelles sont vos influences?

En français, il y a tellement de bonnes choses aussi: Claude Nougaro, Jacques Brel, évidemment, et aussi Léo Ferré, Georges Brassens. Parmi ceux qui continuent aujourd’hui, il me semble qu’Alain Souchon est le meilleur. Quant aux plus jeunes, j’attends encore qu’ils fassent leurs preuves…

Est-ce que vous êtes capable de vivre de votre musique?

Actuellement, non. Je m’occupe encore de mes enfants, ce qui est une tâche énorme, et à côté de ça, je fais de la musique. Je sais que ça pourrait démarrer d’un seul coup, il suffit d’une chanson qui marche vraiment. Mais quand on est tout seul, c’est un travail fou, ça prend beaucoup de démarchage. Et quand on atteint la quarantaine, les gens ne sont pas forcément là pour vous aider.

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Quand même, les choses avancent. Je viens d’enregistrer trois chansons à Montréal, que je vais envoyer aux radios, aux maisons de disques et aux festivals. J’espère retourner en studio en septembre et faire un nouvel album.

En conclusion, quelle serait votre définition du succès?

Ça change de jour en jour. On voit des tas de gens qui, à vingt ans, ont un succès énorme, et deux ans plus tard, c’est des has-been. Disons que si je peux continuer de faire de la musique et avoir un public, je serai heureux. Pour moi, de pouvoir vivre de ma musique, ça me semble une bonne définition du succès.

Propos recueillis par Joan Bailey et Ruth Hannigan. Philippe Flahaut se produira à la galerie de l’Alliance Française (24, chemin Spadina, 416-922-2014) le vendredi 15 juin à 19h30. Entrée libre.

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