Pensionnats autochtones : comment s’éduquer davantage?

Pensionnats autochtones
Un mémorial à Cross Lake, au Manitoba, en hommage aux 215 enfants dont les restes ont été retrouvés sur le site d’un pensionnat autochtone de Kamloops en Colombie-Britannique. Photo: Courtoisie du bureau de la députée Niki Ashton
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Publié 06/06/2021 par Inès Lombardo

Dans la foulée de la terrible découverte des restes de 215 enfants dans un des anciens pensionnats autochtones, à Kamloops, en Colombie-Britannique, la semaine dernière, les discours et les hommages se sont multipliés. Dans le processus de réconciliation avec les Premières Nations, entrepris depuis plusieurs années au pays, le travail d’éducation s’annonce encore long et laborieux.

Lors d’un débat exploratoire aux Communes le 1er juin, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré l’importance de devoir passer à l’action.

«Présenter des excuses pour les tragédies du passé ne suffit pas. Cela ne suffit pas pour les enfants qui sont morts, ni pour leur famille, ni pour les survivants et les communautés. Ce n’est qu’avec nos actions que nous pouvons choisir une voie meilleure pour l’avenir et ce sera toujours l’objectif du gouvernement.»

À Kamloops, le plus grand des pensionnats autochtones

Depuis une semaine, hommages, danses, chants et appels à l’action immédiate sont parvenus de tous les coins du pays envers les premiers concernés par l’histoire des pensionnats autochtones: les membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits, notamment de la communauté Tk’emlúps te Secwépemc.

Cette dernière est la communauté d’origine du pensionnat de Kamloops, qui a été la plus grande école du système des pensionnats du ministère des Affaires indiennes. Les pensionnats autochtones ont existé pendant 165 ans. Le premier ayant ouvert en 1831, en Ontario Et le dernier ayant fermé ses portes en 1996, en Saskatchewan.

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Des élèves et enseignantes d’un pensionnat pour les Autochtones. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Publier les documents des pensionnats autochtones

Depuis la découverte des dépouilles, les partis d’opposition exhortent le gouvernement d’appliquer les appels à l’action 71 à 76, relatifs aux enfants disparus et à l’inhumation, de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada (CVR).

Ces appels à l’action 71 à 76 demandent entre autres:

  • de rendre publics les documents concernant les corps des enfants décédés lorsqu’ils étaient dans les pensionnats,
  • de tenir un registre en ligne des cimetières de ces pensionnats,
  • d’informer les familles des lieux de sépultures,
  • de protéger les cimetières ou lieux où les enfants ont été inhumés,
  • et de procéder à la réinhumation sur demande des familles dans leur communauté d’origine.

Appel à effectuer d’autres fouilles

Des appels à multiplier les fouilles comme celles de Kamloops dans les anciens pensionnats autochtones du pays ont été lancés.

En Ontario, un projet de loi est en cours de développement pour examiner les sites d’anciens pensionnats de la province à la recherche de sépultures d’enfants autochtones.

La recherche de sépultures est l’un des moyens de passer à l’action vers la réconciliation, selon Catherine Duquette, professeure en didactique de l’histoire au Département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).

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«Pour mes collègues innus, avoir retrouvé les corps est essentiel pour conscientiser», dit-elle.

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Catherine Duquette, professeure à l’UQAC.

Un travail de documentation à rattraper

L’une des actions de réconciliation serait de combler un vide béant: rassembler les informations sur les enfants qui étaient dans les pensionnats.

Au site de Kamloops, aucune documentation n’a été retrouvée pour connaître l’identité de ces 215 enfants, leur lieu d’origine, qui étaient les membres de leurs familles, la cause de leur décès, etc.

Il s’agit de l’une des ressources clés manquantes, selon l’historien Maurice Guibord, en entrevue à l’émission Boulevard du Pacifique de Radio-Canada en Colombie-Britannique.

«On signale que les dossiers du pensionnat ne mentionnaient souvent qu’un nom pour un enfant ou parfois aucun, et encore moins le sexe de l’enfant. Plusieurs d’entre eux n’avaient qu’un seul nom que les religieux reconnaissaient, soit le nom imposé au moment d’un baptême précipité», explique-t-il.

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Le «pensionnat indien» de Kamloops en 1970, devenu une école de jour. Source: Bibliothèque et Archives Canada

Des projets locaux éducatifs

Pour Catherine Duquette, des projets éducatifs existent au primaire et au secondaire et se déclinent au niveau local. La professeure affirme qu’ils sont «relativement peu connus, mais ils ne sont pas uniques. Il y a de ces projets locaux dans toutes les provinces.»

Selon elle, un partage de culture serait donc une piste de plus pour faire comprendre aux allochtones cette partie majeure de l’histoire du Canada, dès le plus jeune âge.

Des exemples de projets en milieu scolaire :

  • Le Projet du cœur, fondé en 2007 par Sylvia Smith, permet d’aborder l’histoire des pensionnats en classe, avec notamment un dialogue avec des Aînés de communautés autochtones.
  • À l’Université de Colombie-Britannique (UBC), un centre d’histoire et de dialogue sur les pensionnats autochtones est né il y a quelques années.
  • Le projet Petapan, à l’école des Quatre Vents de Chicoutimi-Nord. Un projet sur deux ans mis sur pied dès 2017 pour travailler sur la «sécurisation culturelle» des enfants autochtones.

Valoriser les publications des chercheurs autochtones

«On oublie aussi beaucoup les publications de chercheurs autochtones», déplore Catherine Duquette.

«Et les universités donnent de plus en plus de cours sur le concept de sécurisation culturelle ou sur l’histoire autochtone. Ce qui est sûr, c’est que la documentation et l’éducation historique sont des passages obligés.»

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Ce sont là deux éléments qui pourraient participer au processus de décolonisation.

«Si ce processus n’est pas mené, on considérerait comme réel un passé que les Premières Nations réfutent. Eux attendent que l’on rappelle une autre histoire, la leur, et les personnages importants qui la constituent et qui ne sont pas les mêmes. Il faut toujours remettre en question et déterminer dans quelles mesures les auteurs ont écrit les faits, quels intérêts ils avaient.»

Le premier Premier ministre du Canada, John A. Macdonald, est associé à la décision de confier les enfants des Premières Nations aux pensionnats religieux. Source : Bibliothèque et Archives Canada

Pour en savoir plus sur l’histoire des pensionnats autochtones

Livres :

Livres jeunesse :

  • Je ne suis pas un numéro, de Jenny Kay Dupuis et Kathy Kacer (Éditions Scholastic).
  • Quand on était seuls, de David Alexander Robertson (Éditions des Plaines).
  • Quand j’avais huit ans, de Christy Jordan-Fenton et Margaret Pokiak-Fenton (Éditions Scholastic).

Films :

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Wapikoni mobile, un projet qui donne la possibilité aux jeunes Autochtones de créer des films documentaires. Ce sont, entre autres, des studios ambulants dotés d’équipements qui «roulent vers» des communautés autochtones.

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Un atelier de Wapikoni mobile. Photo: Mathieu Buzzetti

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