Péladeau: une biographie qui se lit comme un roman

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Publié 01/04/2008 par Paul-François Sylvestre

Pierre Péladeau est décédé à 21h45 le 24 décembre 1997. Séparatiste, maniaco-dépressif, ex-alcoolique, cet homme d’affaires a fait couler beaucoup d’encre tout au long de sa prestigieuse carrière. Dix ans après la mort de ce magnat de la presse québécoise, le journaliste Julien Brault publie une biographie non autorisée qui se lit comme un roman. Elle s’intitule Péladeau: une histoire de vengeance, d’argent et de journaux.

L’auteur nous apprend que Péladeau s’est lancé en affaires parce qu’il voulait venger son père qui avait fait faillite un an avant sa naissance. Voilà pour la vengeance. Il n’acceptait pas d’investir un cent dans une entreprise sans en détenir la majorité des actions. Voilà pour l’argent. «Pour lui, un journaliste devait employer un registre de langue simple, accessible au plus grand nombre, et couvrir des sujets qui touchaient ses lecteurs.» Voilà pour les journaux.

La biographie que brosse Julien Brault regorge d’anecdotes savoureuses, de commentaires lapidaires et d’analyses succinctes, à l’image du personnage lui-même. L’auteur écrit que Péladeau était «tour à tour perçu comme étrange, diabolique ou génial… jamais comme un homme ordinaire». Il note que l’homme d’affaires devait toujours être son propre patron. Il précise que la souveraineté du Québec ne fut jamais le combat de Pierre Péladeau; «son combat était apolitique et son succès allait se mesurer en dollars».

Le livre nous décrit un homme qui a voué une haine au clergé catholique. Péladeau aimait fréquenter toutes les femmes dont il avait envie.

Il n’y a pas une religion qui allait l’en empêcher. Dans une entrevue pour la revue Châtelaine, Péladeau a avoué ceci: «Je crois que faire l’amour à tous les jours, c’est dire la plus belle des prières.»

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Pourtant, il ne croyait pas à l’amour, seulement «à des instants d’amour». Il n’a jamais dit à une femme qu’il l’aimait, pas plus qu’il ne le disait à ses enfants de vive voix. «Sa mère fut la seule femme qui comptât vraiment dans sa vie.» C’est elle qui lui prêta le premier 1 500 $ pour acheter son premier journal.

Pierre Péladeau vivait à cent milles à l’heure. Il collectionnait les succès en affaires le jour et les fêtait la nuit. Tout lui réussissait, sinon sa vie familiale, qui était presque inexistante.

Riche, très riche, voire richissime, Péladeau n’aimait pas dépenser inutilement. Ses études de marché, il les faisait en bavardant avec un chauffeur de taxi, pas en engageant de coûteuses firmes de sondages.

Avide de conquêtes féminines et financière, Pierre Péladeau n’a jamais songé à prendre sa retraite. Il est mort à la tâche et son testament a obligé ses deux fils, Pierre-Karl et Éric, à travailler ensemble. Ses filles n’ont pas eu un droit de regard, peu importe leur implication dans l’entreprise.

Cela a donné lieu à plusieurs poursuites internes. «Tout ce qui n’était pas explicitement prévu devenait une source de conflits. En un mot, la famille Péladeau s’entre-déchira après la mort du père comme une dictature tombe en guerre civile à la mort de son dictateur.»

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C’est avec brio que Julien Brault a réussi à nous dévoiler un homme de contradictions. Il lève le voile sur Pierre Péladeau et nous le montre sous toutes ses coutures: du progressiste qui a fait évoluer les médias au patron de presse réactionnaire, de ses problèmes d’alcoolisme à ses bonnes actions en passant par sa maniaco-dépression.

Julien Brault, Péladeau: une histoire de vengeance, d’argent et de journaux, biographie, Éditions Québec Amérique, Montréal, 2008, 288 pages, 24,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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