Pauline Marois se raconte sereinement

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Publié 29/04/2008 par Paul-François Sylvestre

Souverainiste et sociale-démocrate déterminée, Pauline Marois a occupé les plus hautes fonctions dans les gouvernements de René Lévesque, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry. Elle a mené certaines des plus importantes réformes qui ont transformé la société québécoise. Dans un récit autobiographique intitulé Québécoise!, elle nous fait revivre toute l’histoire contemporaine du Québec.

Écrit dans un style sans fioritures et sur un ton intimiste, Québécoise! clame haut et fort que, «ensemble, sereinement, nous pouvons aller au bout de nos rêves».

L’auteure suit une trajectoire linéaire, de son enfance dans une famille modeste à son accession à la direction du Parti Québécois, en passant par ses années de formation, son mariage avec Claude Blanchet avec qui elle aura quatre enfants, ses années de travail dans le réseau des affaires sociales et ses nombreux combats comme députée et ministre.

Le premier emploi de Pauline Marois la conduit à Hull, dans l’Outaouais québécois, pour oeuvrer dans le milieu des affaires sociales, alors que son mari travaille à Ottawa pour l’homme d’affaires franco-ontarien Robert Campeau. L’auteure note: «J’étais arrivée dans l’Outaouais en m’identifiant comme canadienne-française. Je le quitterais en m’identifiant à jamais comme Québécoise.»

Le couple Marois-Blanchet est un peu aux antipodes. Pauline est formée en service social et Claude travaille dans le monde capitaliste. Femme et mari discutent à fond et se rendent comptent que l’économie et le social ne peuvent se réconcilier que si une discipline se met au service de l’autre. «Cela s’appelle la social-démocratie.»

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Le livre nous apprend que c’est lors de l’Année internationale de la femme (1975) que Pauline Marois-Blanchet reprend son nom de jeune fille. À peu près à la même époque, elle suit des cours de Jacques Parizeau à l’École des Hautes Études commerciales; c’est là qu’elle apprend qu’on ne peut pas faire de la politique en prévoyant et planifiant tout d’avance. La conjoncture, les médias et les controverses internes modifient constamment le paysage politique.

Élue députée à 32 ans, Pauline Marois est nommée ministre de la Condition féminine, puis ministre de la Main-d’œuvre par René Lévesque. Parizeau lui confie le ministère de la Famille et la présidence du Conseil du Trésor (elle sera aussi brièvement ministre des Finances et du Revenu).

Lucien Bouchard la nomme ministre de l’Éducation. Puis Bernard Landry lui demande de ne pas se présenter contre lui à la direction du Parti Québécois… tout en lui promettant de la nommer vice-première ministre et de lui confier le portefeuille qu’elle voudra (Marois sera nommée ministre des Finances et de l’Économie, puis on y ajoutera plus tard l’Industrie et le Commerce).

Je ne sais pas si c’est une confidence… toujours est-il que livre révèle ce que Pauline Marois a lu entre les lignes en 1995. Le 3 novembre, Parizeau la nomme ministre des Finances et l’heureuse élue comprend que, «sans qu’il m’en fasse la confidence, [Parizeau] voulait, en m’attribuant cette lourde responsabilité, me mettre en selle pour l’avenir».

Lorsque Lucien Bouchard confie les destinées du ministère de l’Éducation à Pauline Marois, la titulaire réussit à mettre de l’ordre dans un système quasi archaïque. Elle fait adopter une loi qui déconfessionnalise les commissions scolaires en les remplaçant par des institutions linguistiques francophones et anglophones (elles passent de 156 à 72). Pauline Marois est aussi ministre et c’est à elle qu’on doit les «garderies à cinq dollars» (aujourd’hui à sept).

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Dans le cadre de ses fonctions de ministre de la Famille, de la Santé ou de l’Éducation, Marois a participé à nombre de conférences internationales. Elle a été confrontée à toutes sortes de situations, difficiles ou inquiétantes, réjouissantes ou embarrassantes. Elle s’est même découvert une spécialité, celle de «réparatrice des pots casés», notamment lors de la préparation du Sommet de la Francophonie devant se tenir au Vietnam. Marois a dû réconcilier un représentant de la France et le président d’une organisation internationale d’universités.

Marois a aussi participé, bien entendu, à nombre de conférences fédérales-provinciales où, fédéralisme oblige, tout était considéré sur le même pied: tourisme au Nunavut, pommes de terre à l’Î.-P.-É., péréquation au Québec. Elle sortait de ces conférences en se disant: «Si tous les Québécois pouvaient assister à une telle réunion aussi surréaliste qu’inutile, l’indépendance serait vite faite».

À la direction du ministère de la Santé, Marois trempait souvent dans l’eau chaude. En dépit de son bon rendement, elle ne se doutait pas que son image en pâtirait. Sa cote de popularité (comme éventuelle chef du Parti Québécois) est alors passée de 36 à 21,6, puis à 18,8 %.

Au sujet de la course à la direction du Parti Québécois, gagnée par André Boisclair, l’auteure note que le débat idéologique n’a pas eu lieu. Il y a plutôt eu un «irrationnel combat d’image». Misant sur sa jeunesse, Boisclair «se présentait comme celui qui passerait le flambeau du projet souverainiste à la jeune génération».

Quand Boisclair a perdu les élections et a démissionné, Marois s’est dit: «Tu crois à la souveraineté. Tu crois à la social-démocratie. Tu crois que tu peux contribuer à faire avancer le Québec. Ne le regretteras-tu pas si tu refuses aujourd’hui d’aller au bout de tes convictions, au bout de ton engagement.» Elle est devenue chef du Parti Québécois, en route pour devenir Première ministre et l’avenir nous le dira.

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Pauline Marois, Québécoise!, autobiographie, Éditions Fides, Montréal, 2008, 264 pages, 24.95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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