Pas de limite pour l’art de rue

L’Alliance française bientôt couverte de graffiti

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Publié 30/04/2013 par Camille André-Poyaud

Que ce soit des fresques ou des graffitis, nos rues sont recouvertes de traces de l’art urbain. Cette notion d’art est parfois discutable pour les passants qui prêtent plus ou moins d’attention à ce qui défile sous leurs yeux. Depuis un mois, deux artistes s’appliquent à dépasser les limites des cadres conventionnels, en prenant comme support des murs de lieux en chantier.

Dans un projet en collaboration avec l’Alliance française de Toronto et le Labo, Pascal Paquette et Patrick Thompson, deux artistes de rue, recouvrent les murs de la cour privée de la compagnie Krown (33 rue Parliament) et s’attaqueront bientôt à l’Alliance française.

Le vernissage de cette «exposition» se tenait mercredi dernier à l’Alliance. Une exposition bien loin des conventions puisque les œuvres n’étaient pas visibles sur place. Une première originalité parmi tant d’autres dans ce projet qui porte bien son nom: Au-delà des limites, l’art s’en mêle.

Cadre légal

Les limites dont il est question sont nombreuses et de natures diverses. Il y a les limites du cadre. L’espace de la rue est illimité, mais aussi les limites des institutions publiques: l’Alliance française et la compagnie Krown sortent complètement de leurs domaines respectifs en rejoignant l’expérience. On peut également rajouter le cadre légal qui est un aspect important de la culture de l’art urbain.

Dans ce projet, les limites sont faites pour être dépassées.

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Catherine Sicot, commissaire de l’exposition, explique ainsi à L’Express: «La question des limites est importante, dans le monde de l’art on s’en impose généralement beaucoup trop et moi j’ai tendance à penser que ça crée une forme d’art très académique y compris dans l’art contemporain. Donc là, on s’est donné beaucoup plus de liberté, c’est d’ailleurs assez difficile à gérer avec les institutions, mais les artistes eux sont très à l’aise dans ce cadre.»

Abstrait

Patrick Thompson et Pascal Paquette se connaissent depuis maintenant trois ans. Si tous les deux ont un style abstrait, Patrick Thompson inclut également des éléments et des objets dans ses créations. Ils ont eu carte blanche dès le départ, et travaillent sur le moment sans rien planifier précisément.

Alors que le projet n’est pas encore terminé (il devrait aboutir au mois de juin), les premiers résultats sont très colorés avec des formes dynamiques, beaucoup de formes abstraites, mais également des objets et des éléments plus concrets.

En travaillant ensemble, chacun a dû s’adapter au style de l’autre. C’est un véritable travail de communication, où les deux se répondent à travers l’art.

Performance

Pour ce qui est de la légalité, tout est respecté dans ce projet. Si bien que les deux artistes qui devaient initialement peindre les murs du chantier de l’alliance française n’ont pas eu le droit d’accéder à la zone de construction.

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En réponse à ce contretemps inattendu, un accord a été trouvé et une performance devrait se dérouler mardi 30 avril et mercredi 1er mai dans l’après-midi (à vérifier auprès de l’Alliance française).

Si Patrick Thompson et Pascal Paquette ne peuvent pas entrer sur le chantier, ce sont donc des employés qui vont peindre à leur place. Les deux artistes donneront des ordres à deux ouvriers, qui reproduiront sur les murs ce qu’ils comprennent.

Patrick Thompson nous explique: «Ça va être quelque chose de fou! Dans un temps limité, le jeu du téléphone arabe va être très intéressant. Nous n’avons aucune idée de ce que ça va donner, mais ça va être fun!»

Art éphémère

Les deux lieux qui servent de support sont voués à terme à être détruits à la fin de leurs travaux respectifs. Cet aspect temporel fait entièrement partie de la culture de l’art urbain.

Catherine Sicot nous explique: «C’est un aspect qui m’est assez cher et qui fait partie prenante de leur travail. C’est éphémère, on sait que ce sera détruit, c’est la jubilation du moment qui compte.»

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Dans le même esprit, Patrick Thompson ne porte pas non plus d’importance à la durabilité des choses. Il nous explique: «On sait qu’au final tout sera détruit, toi, moi, etc. Alors je ne suis pas préoccupé par cette idée de permanence. »

Traces vidéo

Pour pallier à ce côté éphémère, Didier Charrette a été embarqué dans le projet. Réalisateur et reporter pour BRBR, l’émission musicale de TFO, il suit pour le Labo les deux artistes depuis un mois et collecte des films de leurs travaux.

Si l’avenir du documentaire est encore incertain sur le format, Didier Charrette a pour mission de documenter l’expérience des deux artistes. Des courts extraits étaient diffusés lors du vernissage à l’Alliance française, des images en rafale, avec des plans serrés pour ne pas dévoiler le résultat.

Avec un œil extérieur, il se préoccupe également au comportement des gens qui passent devant ces fresques. Il nous explique: «La réaction des gens est intéressante, généralement ils comprennent le produit fini, mais tout au long du processus ils ne comprennent pas trop et puis il y aussi le côté légal qui est très important dans l’inconscient des gens.»

Médias sociaux

Didier Charrette garde donc une trace de ce projet voué à la destruction, mais il le fait également vivre en simultanée en utilisant les réseaux sociaux tels que Instagram ou le tout récent Vine (une nouvelle application qui permet de prendre des courtes vidéos limitées à 6 secondes).

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Il expose ainsi le travail de la rue sur le web et casse au passage la limite de l’espace et de la visibilité. «Les médias sociaux c’est un peu comme le street art, c’est disponible, c’est devant toi, mais est-ce que tu t’arrêtes pour le regarder?».

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À lire aussi: Le vrai graffiti est-il nécessairement illégal?

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