En 2005, Micheline Lachance a publié une biographie romancée de Lady Cartier. Cet ouvrage m’a séduit et j’en ai parlé élogieusement. J’ignore si c’est pour cette raison que la romancière m’a envoyé sa nouvelle création intitulée Les Filles tombées. Chose certaine, elle m’a une fois de plus séduit. Le roman Les Filles tombées sera assurément un de mes coups de cœur en 2009.
Micheline Lachance illustre avec brio qu’une romancière a le privilège de partir d’un fait véridique, pour ensuite laisser vagabonder son imagination. Elle le fait en s’appuyant sur une recherche minutieuse, en architecturant une savante intrigue et en créant des personnages savoureusement attachants. Le fait véridique est la situation des filles-mères dans le Bas-Canada de 1852. On les nomme «filles tombées», non pas parce qu’elles sont tombées enceintes d’un commerce illicite, selon l’expression consacrée, mais plutôt parce qu’elle sont tombées… dans le péché.
La romancière nous plonge dans le Montréal de 1852. Le 8 juillet de cette année-là, quatre filles tombées accouchent à la Maternité de Sainte-Pélagie. Il y a Noémi Lapensée, petite servante engrossée par son patron, Elvire Tanguay, prostituée du Red Light, Maddie O’Connor-Cork, alias Mary Steamboat, immigrante irlandaise fraîchement débarquée d’un bateau vapeur, et Mathilde Mousseau, fille d’un banquier.
Noémi meurt en couches, sous les yeux de ses compagnes d’infortune qui blâment le médecin et jurent de venger la mort de leur amie. Au matin, coup de théâtre! le médecin succombe à un empoisonnement à l’arsenic. C’est Rose, surnommée «la fille des empoisonneuses», qui raconte l’histoire. Elle a dix-huit ans et cherche à percer le mystère de sa naissance. Laquelle des quatre filles tombées est sa mère…?
Au début du roman, l’auteure écrit que, «sous leur carapace, les orphelins sont fatalistes, voire résignés, sans doute à cause de l’illégitimité de leur naissance.» Mais le tempérament combatif de Rose détonne. Coûte que coûte, elle veut savoir. Plus loin, la romancière ajoute qu’il y a deux façons de survivre à l’abandon: «tuer l’espoir en vous ou encore vous fixer un but qui vous occupera nuit et jour». C’est la seconde solution que choisit Rose, une jeune femme qui fait preuve de ténacité. Elle se raidit constamment contre l’adversité et, malgré les revers, elle garde toujours le moral.