Paronymes, suite et fin

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Publié 26/02/2008 par Martin Francoeur

Je crois bien que je me suis emballé en abordant le sujet des paronymes, lors de notre dernier rendez-vous dans ces pages. En fait, j’avais tellement d’exemples que j’ai dû me limiter aux verbes. Mais il y a aussi des noms et même des expressions complètes qui sont d’étonnants paronymes. Suite et fin de cette petite aventure…

On se rappellera qu’un paronyme est un mot dont la prononciation et l’orthographe ressemblent à celles d’un autre mot, mais dont le sens diffère. On appelle «paronymie» cette ressemblance formelle entre deux mots qui, bien souvent, est une source d’erreurs.

Dans ma dernière chronique, je concluais en mentionnant qu’on pouvait aussi bien «sabler le champagne» que le «sabrer». En fait, on peut même faire l’un après avoir fait l’autre!

«Sabrer le champagne» est une chose plutôt rare de nos jours. Mais l’expression persiste, justement parce qu’elle est très proche, sur les plans phonétique et graphique, de «sabler le champagne», plus courante.

L’expression sabler le champagne signifie «boire du champagne pour célébrer un événement joyeux ou lors d’une cérémonie». Dans cette expression, le verbe «sabler» signifie «boire d’un trait». Il pourrait avoir deux origines. Autrefois, le verbe était employé dans le domaine de la fonderie et signifiait «couler dans un moule de sable».

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Par une extension de sens évoquant le métal en fusion qui était coulé d’un jet dans un tel moule, on donnait au verbe un sens similaire à «boire».

D’autres sources indiquent que l’expression sabler le champagne viendrait d’une coutume selon laquelle on tapissait de sucre les parois de la flûte à champagne après les avoir embuées d’un souffle, ce qui leur donnait un aspect sablé. Il semble que cette préparation faisait mousser le vin, qu’il fallait boire d’un trait.

Quant à l’expression sabrer le champagne, elle fait directement référence à une action qui consiste à ouvrir une bouteille de champagne en tranchant son goulot d’un coup, avec une lame assez lourde, comme celle d’un sabre. La tradition qui consistait à sabrer le champagne aurait des origines militaires.

Certaines paires de paronymes sont tellement confondantes qu’elles entraînent souvent des emplois fautifs. Prenons «accident» et «incident». L’Office québécois de la langue française nous dit que bien que ces mots aient un sens et une prononciation proches, ils ne peuvent être substitués l’un à l’autre.

Un «accident» est un «événement fortuit qui suspend ou modifie le cours des choses», d’où l’expression par accident, qui signifie «par hasard».

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Le terme signifie aussi «hasard fâcheux» et, le plus souvent, «événement imprévu et malheureux, qui survient soudainement et entraîne des dommages matériels ou corporels». 

Le mot «incident», quant à lui, désigne un «événement perturbateur qui survient au cours d’une entreprise» de même que «petit événement qui se produit inopinément». Il y a bel et bien une nuance.

On confond aussi souvent une «écharde», qui est un petit fragment de bois ou de métal qui entre dans la peau, et une «écharpe», qui désigne un foulard.

«Jury» et «juré» sont aussi source de confusion. Leur prononciation différente ne tient qu’à la voyelle finale. Leur sens est pourtant différent. En gros, on peut retenir qu’un «juré» est un membre d’un «jury».

Mais le terme «juré» est surtout utilisé dans le sens judiciaire du mot «jury». Dans un concours jugé par un jury, on désignera les membres de celui-ci comme étant les juges, tout simplement.

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On pourrait aussi parler de «continuation» et de «continuité», de «conjecture» et de «conjoncture», d’«avènement» et d’«événement», d’«intégralité» et d’«intégrité»… La liste est longue. Et elle n’est surtout pas exhaustive.

Si les paires de paronymes sont nombreuses, il existe aussi des trios de paronymes, plus rares. C’est le cas de «blanchissage», «blanchissement» et «blanchiment». Ils sont tous les trois formés à partir du verbe blanchir, mais dans des sens différents. Le premier désigne l’action de rendre le linge propre ou de rendre le sucre plus blanc.

Chez nous, il désigne aussi une victoire sportive au cours de laquelle l’adversaire n’a marqué aucun point. Le second fait référence au fait de devenir blanc: le blanchissement de la peau ou des cheveux, par exemple.

Enfin, blanchiment désigne l’action de recouvrir de blanc ou, dans un sens étendu, de donner une existence légale à des fonds dont l’origine est illicite ou douteuse.

C’est aussi le cas de «allocation», qui est le fait d’attribuer une somme d’argent ou encore un montant que l’on verse à des personnes, «allocution», qui désigne un discours bref à caractère officiel, et «élocution», qui désigne la manière d’articuler les sons lorsqu’on les prononce ou la manière de choisir les mots avec lesquels on s’exprime.

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Décidément, on en a plein les bras avec ces paronymes, qui s’ajoutent aux difficultés déjà considérables que présentent les homonymes et homophones. J’espère avoir «éclairci» un peu ce mystère, tout en vous ayant «éclairés» sur le sujet…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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