Parité hommes-femmes en politique: encore loin du compte

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Le mouvement des suffragettes pour le droit de vote des femmes a débuté en Grande-Bretagne au début du XXe siècle. Ici à Londres. Photo: Wikimedia Commons, domaine public
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Publié 02/03/2025 par Marc Poirier

En 1917, deux femmes étaient élues à l’Assemblée législative de l’Alberta. Ce fut un premier «petit pas» vers la parité en politique canadienne, un objectif qui n’est toujours pas atteint, 108 ans plus tard.

Si on connaît le nom d’Agnes Macphail, première femme élue à la Chambre des communes en 1921, ceux de Louise McKinney, élue en juin 1917 à l’Assemblée législative de l’Alberta, et de Roberta MacAdams, qui l’a rejointe plus tard cette même année, sont moins présents dans la mémoire collective.

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Agnes Macphail. Photo: Yousuf Karsh, Bibliothèque et Archives Canada/Fonds Yousuf Karsh

Agnes (Campbell) Macphail fait son entrée aux Communes deux ans après que les femmes furent autorisées à se porter candidates aux élections fédérales. Oratrice talentueuse, elle était organisatrice pour les Fermiers unis de l’Ontario.

Elle siégera jusqu’en 1940, mais il faudra attendre 14 ans pour qu’une deuxième femme soit élue à Ottawa, soit Martha Louise Black.

Née à Chicago, cette dernière s’est présentée aux élections de 1935 dans une circonscription du Yukon qui était représentée par son mari, George Black. Celui-ci avait été élu en 1921 et était devenu président de la Chambre des communes, mais il avait renoncé à se porter candidat aux élections de 1935 parce qu’il souffrait d’une dépression.

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Carrière à l’Assemblée législative de l’Ontario

Quant à Agnes Macphail, elle poursuivra sa carrière politique à l’Assemblée législative de l’Ontario, où elle est élue en 1940.

Elle est l’une des deux premières femmes à avoir siégé en Ontario. Elle sera l’autrice d’un premier projet de loi sur l’équité salariale, luttera pour la création des allocations familiales et le droit des femmes à demander le divorce.

Entretemps, le Sénat canadien accueillera une première femme en 1930. Il s’agit de Cairine Wilson (née Cairine Reay Mackay), de Montréal. Elle était la fille de Robert Mackay, sénateur et ami personnel de Wilfrid Laurier.

Sa nomination par le premier ministre William Lyon Mackenzie King survient quatre mois seulement après le dénouement de la célèbre affaire «personne».

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Caricature d’Arthur Racey dans le Montreal Star montrant une Québécoise devant une affiche indiquant que la Turquie permet aux femmes de voter en 1934 alors qu’au Québec, ce droit ne leur sera accordé qu’en 1940. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

L’affaire «personne»

Même si les femmes pouvaient être candidates aux élections fédérales, elles n’étaient pas admissibles à une nomination au Sénat.

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En 1928, la Cour suprême du Canada avait statué que les femmes n’étaient pas des «personnes» selon les termes de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, première constitution canadienne. Elles ne pouvaient ainsi pas être nommées au Sénat.

Cinq suffragettes albertaines, surnommées les «Célèbres cinq» (Famous Five), réussissent à faire pression sur le gouvernement fédéral pour que cette affaire soit soumise au comité judiciaire du Conseil privé de Londres, qui constituait à l’époque le plus haut tribunal d’appel pour le Canada et toutes les colonies britanniques.

Le 18 octobre 1929, le comité judiciaire infirme la décision de la Cour suprême du Canada.

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Le monument Les femmes sont des personnes!, installé près de la Colline du Parlement à Ottawa, représente les «Célèbres cinq» fêtant leur victoire dans l’affaire «personne». Photo: Wikimedia Commons – CCA 4.0 international

Lente accélération

Malgré ces grandes premières, la présence des femmes dans la sphère politique canadienne évolue lentement. Le Québec sera la dernière province à accorder le droit de vote aux femmes, en 1940.

Ce n’est qu’en 1957 qu’une première femme, Ellen Louks Fairclough, est nommée à un cabinet fédéral.

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Au début des années 1970, cinquante ans après l’élection d’Agnes Macphail, il n’y a que cinq femmes députées aux Communes, soit un maigre 2% des membres de la Chambre. Cette proportion augmente lentement pour atteindre 5% en 1980, puis 20% lors du scrutin de l’an 2000.

La proportion de députées fédérales fait pratiquement du surplace au cours de la décennie suivante; elle n’atteint même pas tout à fait les 25% en 2011.

Justin Trudeau
Le premier ministre Justin Trudeau au début de son premier mandat.

«Parce qu’on est en 2015»

Le rythme s’accélère par la suite et, aux élections de 2021, plus de 30% des parlementaires à la Chambre des communes sont des femmes.

Entretemps, le premier ministre Justin Trudeau a fait avancer les choses plus rapidement à l’exécutif en nommant, pour la première fois au Canada, un cabinet paritaire en 2015, avec 15 femmes et 15 hommes. Amené à expliquer sa décision, Justin Trudeau avait eu cette réplique qui avait beaucoup retenu l’attention: «Parce qu’on est en 2015».

Cela dit, aucune femme n’a jusqu’à présent été élue première ministre du Canada, même si on est en 2025. Seule l’éphémère Kim Campbell a occupé ce poste pendant quatre mois en succédant au premier ministre Brian Mulroney comme cheffe du Parti progressiste-conservateur en 1993.

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Le plafond de verre des femmes francophones

Scène fédérale:

1972 : Élection des trois premières francophones à la Chambre des communes, soit les Québécoises Monique Bégin, Albanie Morin et Jeanne Sauvé (Jeanne Sauvé fera œuvre de pionnière à bien des égards, en devenant la première femme francophone nommée au cabinet fédéral [1972], la première femme à la présidence de la Chambre des Communes [1980] et enfin la première femme au poste de gouverneur général du Canada [1984].)

1988 : Élection et entrée au Cabinet fédéral de la première francophone de l’extérieur du Québec, soit la Franco-Ontarienne de Sudbury Diane Marleau.

1997 : Élection de la première Acadienne, Claudette Bradshaw (née Arsenault), de Moncton.

1998 : Claudette Bradshaw devient la première Acadienne au cabinet ministériel.

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Claudette Bradshaw. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Scène provinciale:

1987 : Élection des deux premières francophones à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, soit Pierrette Ringuette et Aldéa Landry (cette dernière deviendra la même année la première Acadienne à entrer au Cabinet du Nouveau-Brunswick).

1999 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de l’Ontario, soit Claudette Boyer.

2024 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, soit Jacqueline Roy.

Quand on se compare…

La quête vers l’égalité des sexes en politique se poursuit toujours, mais celles et ceux qui croient que le Canada est avant-gardiste dans ce domaine, détrompez-vous.

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Selon le palmarès du pourcentage de femmes dans les parlements nationaux que met à jour mensuellement l’Union interparlementaire, le Canada n’arrivait qu’au 69e rang dans le monde en janvier 2025, avec environ 30 % de femmes à la Chambre des communes.

Ce classement montre qu’à peine six pays dans le monde ont déjà atteint la parité hommes-femmes à leur parlement national: le Rwanda (avec près de 64% de femmes), Cuba (56%), le Nicaragua (55%), le Mexique (50%), l’Andorre (50%) et les États arabes unis (50%).

Les États-Unis, quant à eux, font encore pire figure que le Canada. Ils arrivent au 77e rang de ce palmarès, avec 28,7% de femmes élues au Congrès.

De toute évidence, l’œuvre des suffragettes est loin d’être terminée…

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