Ontario et Québec: deux mondes différents

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Publié 26/01/2011 par Alain Laliberté

Étant Québécois de souche (la ville de Québec) ayant migré en Ontario en 2002, j’ai pu avec le temps expliquer à qui voulait l’entendre les différences et les nuances entre les deux plus importants marchés de vente de boissons alcooliques au Canada.

Initialement, j’insistais sur le fait que le Québec voyait une consommation de vin beaucoup plus européenne alors que l’Ontario et les autres provinces anglophones favorisaient les vins dits du Nouveau Monde (Ontario, Californie, Australie, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Chili, Argentine). J’ajouterais d’ailleurs que la sélection ontarienne en produits européens inclut les vins allemands et autrichiens, peu prisés au Québec possiblement par la méconnaissance de la production et du fait que la bouteille rhénane rappelle le vin dit « sucré ».

En gros, au Québec, les ventes de vins français et italiens poursuivent leurs ascensions avec respectivement 3,3 % et 5,2 % des ventes en milliers de litres alors que les ventes de vins américains, possiblement grâce au taux de change favorable, explosent avec 21,9 % (de 6 872 à 8 378 milliers de litres). L’Argentine et l’Espagne suivent aux quatrième et cinquième rangs avec des baisses respectives de 4,3 % et 4,8 % des ventes.

En Ontario, les vins canadiens composent pour 22,4 % des ventes (27,8 % en volume) suivi de l’Italie avec 17,2 % (16,2 % en volume), l’Australie à 14,1 % (11,5 % en volume), la France avec 11,7 % (8,8 % en volume) et les États-Unis avec 10,9 % des ventes (10,1 % en volume).

J’ajoutais enfin que les régions d’Ottawa et de Gatineau ont le meilleur des deux mondes avec une sélection de vins inexistante ailleurs dans le monde. Là s’arrêtait mon exposé.

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La distinction s’avère beaucoup plus complexe comme l’atteste le tableau suivant.

VENTES EN LITRES PAR CATÉGORIES DE PRODUITS

Ventes de vin 77,9 % (Qc) 29 % (Ont.)
Ventes de spiritueux 14,8 % 13 %
Ventes de bières 1,5 % 52 %

VENTES PAR COULEUR

Ventes de vin rouge 73 % 54,6 %
Ventes de vin blanc 23 % 34,5 %
Ventes de vin rosé 4 % 2,3 %

Alors que la France et l’Italie voient la consommation moyenne de vin par personne fondre comme neige au soleil, le Québec a vu la moyenne passer de 15,4 litres en 2000 à 21,4 litres. Seuls le Yukon (20,5 l) et la Colombie-Britannique (19,7 l) se comparent aux résultats au Québec. L’Ontario traîne de la patte au cinquième rang avec une consommation moyenne par personne âgée de quinze ans et plus avec 13,7 litres.

Pour la petite histoire (et je laisse le soin d’imaginer pourquoi), le Yukon domine toutes les catégories sauf le vin (2e) concernant la consommation moyenne par personne en litres d’alcool absolu (13 l), bières (134,5 l) et spiritueux (15 l). Question de sourire un peu plus, le second plus important consommateur de bières est Terre-Neuve-et-Labrador avec 96,5 litres. Toujours dans la catégorie bières, le Québec suit avec 94,5 litres alors que l’Ontario est bon dernier au Canada avec 76,5 litres.

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Je remercie monsieur Chris Layton, coordonnateur des relations avec les médias à la RAO et madame Linda Bouchard, responsable des relations avec la presse à la SAQ pour avoir fourni ces statistiques récentes datant de 2009 et de 2010.

Boutique en ligne de la RAO

Trois fois par mois en moyenne, la RAO invite la presse spécialisée à découvrir les nouveaux produits de la catégorie Vintages un mois avant la livraison et les nouveaux vins ou les nouveaux millésimes des vins répertoriés au référencement général. Donc deux vendredis par mois à déguster près d’une centaine de vins alors que le troisième, Dieu merci, voit une vingtaine de produits (vin, bière, spiritueux) offerts en dégustation.

Pour amorcer l’année sur les chapeaux de roue, nous avions une surprise lors de la première séance de dégustation de l’année 2011. La RAO a ajouté une vingtaine de vins à la centaine de la livraison du 19 février prochain.

Dorénavant, nous avons le privilège et le plaisir de déguster certains des vins offerts en vente dans la boutique en ligne. Cette section n’est pas évidente à trouver sur le site vintages.com. Une fois repérée, il suffit de cliquer sur magasiner en haut à droite de la page d’accueil. On y trouve des petites merveilles dont les allocations sont en majorité très limitées. Au moment d’écrire ces lignes, 347 produits étaient offerts.

Si les bourgognes rouges offerts en dégustation étaient muets comme des carpes même après cinq heures d’aération, les bordeaux m’ont agréablement surpris. Disons que j’ai redécouvert Bordeaux avec des prix, toutes choses étant relatives, agréables considérant le contexte économique et le fait que certains vins payés 40 $ il y a quinze ans ont triplés et que d’autres ont vu leurs prix multipliés par vingt, voire vingt-cinq. La Revue du Vin de France titrait à la une du numéro d’octobre 2010 « Bordeaux perd la tête! » relativement aux prix demandés pour certains vins.

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Disons que la dégustation a porté un baume sur une plaie encore vive qui a vu ma consommation de Bordeaux rouge de la dernière décennie limitée aux vins de ma cave des années 1985 à 1999.

Ainsi, toute chose étant relative, le Château Nenin Pomerol 2008 (565465 89 $) est mon préféré parmi la délicieuse sélection offerte. Quel réconfort que ce vin issu de 70 % merlot, 20 % de cabernet franc et 10 % de cabernet sauvignon procure. Il dévoile délicatement des notes de torréfaction et d’anis. Corsé, campé sur des tanins ultrafins tricotés serrés, il offre une matière gracieuse qui emplit la bouche et tient un long moment. Nenin 2008 est tout simplement attrayant et gourmand. Si la volonté y est (il en faut beaucoup dans le cas présent), il sera encore bien frais au tournant de la présente décennie. **** $$$$($)

Le Château Prieuré-Lichine Margaux 2004 (120550 79 $) est encore ici un bel exemple qu’on peut trouver d’excellents vins de Bordeaux sous la barre des quatre-vingts dollars. Après des décennies de production irrégulière, il semble que cette propriété de Cantenac soit remise sur les rails. Bien dessiné sur la tangente délicatesse et élégance, ce margalais aux arômes complexes et insistants de sous-bois et floraux persiste de longues secondes après avoir avalé. Moyennement corsé avec substance et chair, du nerf en retrait, il dispose des éléments assurant un certain passage voire un passage certain en cave. Les tanins relativement souples procurent une satisfaction immédiate pour ce vin long, séveux, harmonieux et agréable qui tiendra la route jusqu’en 2020. ***(*) @ **** $$$$($)

J’accorde aussi deux bonnes mentions pour le Château Bellevue Saint-Émilion Grand Cru 2006 (564435 75 $), un vin puissant et chaleureux, délicieux maintenant pour son fruit, tout en procurant une matière souple et serrée pour un prix un peu élevé ***(*) $$$$($) alors que La Fleur de Gay Pomerol 2007 (102590 98 $) du Château La Croix de Gay demeure retenu au premier abord. Harmonieux et corsé, dense et flatteur avec des tanins tissés avec doigté, ce Pomerol de belle richesse séduit par la tenue et la persistance qui ne semblent pas vouloir s’éteindre. Beau, mais aussi un peu dispendieux. ***(*) $$$$($)

Enfin, parmi les bourgognes rouges suivants, je n’appose aucune évaluation étoilée. Les commentaires parlent d’eux-mêmes. Le Volnay Les Pitures Premier Cru Domaine Blain-Gagnard 2007 (182618 65 $) est complètement retenu et fermé. Les tanins sont jolis et fins. Attendre possiblement 2015 – 2017. Le Corton Hautes Mourottes Domaine D’Ardhuy 2008 (154310 89 $) a une bonne attaque, mais tombe court en milieu de bouche. Il a une tenue faible en finale alors que la persistance aromatique est moyenne. Le Morey-Saint-Denis Les Ruchots Premier Cru Domaine Pierre Amiot & Fils 2006 (103135 75 $) est lui aussi totalement retenu et pas bavard du tout.

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Les Bourguignons disent que le pinot noir se referme après trois ou quatre ans de bouteille, et ce, pour cinq à huit ans selon les vins. Cette crise d’adolescence a toutefois le dos large puisqu’on applique cette obstruction à la dégustation à toutes les sauces.

Y a t-il un docteur dans la salle pour m’expliquer que d’autres vins de même millésime s’en donnent à cœur joie pour procurer du plaisir à qui le boit? J’avoue qu’avec mes dix-neuf ans d’expérience, je n’ai toujours pas compris le pinot noir. Il faudra sûrement que je passe au moins une semaine en Bourgogne pour le comprendre.

À petites doses, il m’arrive quelques fois de cracher vers l’intérieur (lire : avaler). Ceci arrive en fin de dégustation pour décompresser de cinq heures debout à sentir, goûter et cracher. Je suis retourné pour revoir les deux vins suivants.

Un vin intense et ferme que ce Nuits-Saint-Georges Les Pruliers Premier Cru Domaine Henri Gouges 2007 (154914 75 $). Riche, dense et concentré, il s’avère un judicieux choix pour l’amateur qui ne jure que par le pinot noir. Les arômes sont pénétrants et s’incrustent pour un long deux minutes. Les tanins relèvent d’un travail d’orfèvre. Superbe. **** $$$$($)

Du même village, ce Nuits-Saint-Georges Les Boudots Premier Cru Vieilles Vignes Domaine Jean Tardy & Fils 2006 (106567 99 $) est tout simplement époustouflant. Toute chose étant relative (encore!), j’en boirais jusqu’à plus soif. Sauf qu’il faut que j’en laisse pour les autres dégustateurs. Avec substance et éclat, cette douceur caressante au palais renferme beaucoup d’extraits. Totalement ouvert, posé sur de très fins tanins, l’ensemble qui déploie droiture et corps glisse admirablement bien. Franc de goût et bien rafraîchissant, il vieillira une dizaine d’années à partir d’aujourd’hui. Je ne pourrais résister au charme envahissant et pénétrant d’une telle merveille. **** $$$$($)

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PLUS TERRE-À-TERRE

Les lecteurs constants auront noté mon faible pour les vins italiens. Ceux qui auront osé essayer quelques-unes de mes recommandations ne voudront pas manquer celle-ci. Produit en Sardaigne avec le cépage carignan, le Cantine Santadi GrottaRossa Carignano del Sulcis 2008 (121137 15,95 $) dévoile un nez lourd et pénétrant de cerise, de pot-pourri, d’épices, de bois et de terre. Les arômes suivent, persistent et ne finissent pas de revenir hanter le palais. Le nez rubis soutenu moyennement intense jette des feux et brille sans arrêt. Tendre et aérien, moyennement corsé, tout est fondu et glisse bien avec une acidité efficace qui confère fraîcheur et droiture. Prêt à boire, il a tout du vin agréable qui plaira aux amateurs en quête de découvertes. *** $ ($)

L’évaluation
* : Banal
** : Honnête
*** : Très bien
**** : Excellent
***** : Le 7e ciel
(*) : Équivaut à une demi-étoile
♥♥♥ : Coup de coeur

Les prix
($) : jusqu’à 9$
$ : jusqu’à 13$
$($) : jusqu’à 17$
$$ : jusqu’à 24$
$$($) : jusqu’à 30$
$$$ : jusqu’à 40$
$$$($) : jusqu’à 50$
$$$$ : jusqu’à 70$
$$$$($) : jusqu’à 110$
$$$$$ : plus de 110$

Plus de * que de $, le vin vaut largement son prix.
Autant de * que de $, il vaut son prix.
Moins de * que de $, il est cher, voire très cher.

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Vous pouvez écrire à Alain Laliberté à [email protected]

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