On ne badine pas avec l’amour… ou à ses dépens

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Publié 28/10/2008 par Guillaume Garcia

Ah l’amour… La découverte de l’autre, le refus, la jalousie et l’orgueil sont des étapes qui jalonnent la vie et construisent l’expérience, parfois douloureuse de chaque être humain. Voilà maintenant plus de 150 ans qu’Alfred de Musset a écrit On ne badine pas avec l’amour et la pièce a gardé toute sa saveur. Les émotions traversent le temps puisqu’elles décrivent les relations amoureuses et la recherche de soi. Présentée jusqu’au 8 novembre par le Théâtre français de Toronto, l’oeuvre mise en scène par Diana Leblanc réjouit le public.

Fraîchement détenteur d’un doctorat obtenu à Paris, le jeune Perdican (Nicolas Van Burek, le fils du directeur artistique du Théâtre du P’tit Bonheur, ancêtre du TfT) retrouve les terres de son enfance chez le baron son père (Raymond Accolas). Sa jeune cousine Camille (Julie Le Gal) revient quant à elle du couvent où elle recevait son éducation.

Fier et charmeur, Perdican complimente tout de suite Camille sur sa beauté, lui qui ne l’a plus revu depuis des années. Mais le passé commun des deux cousins ne semble plus toucher Camille. Perdican s’en offense et s’en désole. Ce séducteur invétéré n’accepte pas le refus de Camille de succomber à ses charmes. Le château de leur enfance devient un instant le tombeau de leur amour, amour que le père de Perdican comptait bien finaliser par un mariage.

Maître Bridaine (John Gilbert), le curé du village, Maître Blazius (Robert Godin), le gouverneur de Perdican, et Dame Pluche (Louise Nolan), la gouvernante de Camille, participent à ses retrouvailles ratées tout en essayant de préserver leurs positions, leurs privilèges. Les accrochages qui surviennent entre ces personnages secondaires et typiques de l’Ancien Régime français, le curé et le gouverneur bons vivants qui essaient de s’attirer les bonnes grâces du Baron, la gouvernante pieuse et prisonnière de sa vie solitaire, apportent de la légèreté dans une pièce dominée par le dramatique de la situation que vivent Perdican et Camille.

La situation s’envenime et l’orgueil des deux personnages principaux Perdican et Camille – De Musset s’est sans doute inspiré de l’amour qu’il éprouvait pour Georges Sand – les empêchent de se dire honnêtement ce qu’ils peuvent ressentir l’un pour l’autre. S’en suit des situations singulières où chacun se convainc que l’autre porte tous les torts. Perdican noie son désespoir, qu’il refuse malgré tout d’admettre, en courtisant Rosette (Mélanie Beauchamp), une paysanne vivant sur les terres familiales.

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Des scènes magistrales, dont la tirade anticléricale de Perdican critiquant l’éducation religieuse de Camille et le dégoût des hommes qui en émane, captent l’attention du public appuyées par un très bon duo Nicolas van Burek – Julie Le Gal, qui fait bien transparaître les émotions des personnages même si parfois le choix d’une mise en scène comique se fait au détriment du drame romantique originel de la pièce de Musset.

Si le public a été ravi, à en croire les rires nombreux pendant la représentation, on aimerait que les tiraillements intérieurs des deux protagonistes et leurs questionnements personnels soient mis en valeur plus efficacement. Le fil de l’intrigue dramatique perd un peu de sa saveur au profit d’un approche plus naïve, au sens «jeune et innocent» du terme, de l’amour et des sentiments des deux personnages.

Un retournement de situation intervient pour rendre Camille furieuse, et l’on touche ici à la trahison et au mensonge puisque les desseins de Perdican sont teintés de vengeance. Il s’agit là certainement de la partie la plus intéressante de la pièce où tour à tour l’amour, la jalousie, la vengeance et le mensonge qui composent le drame romantique écrit par De Musset prennent leur envol. On retrouve alors la profondeur ténébreuse de la pièce qui s’était parfois éteinte.

Mais il faut savoir faire avec l’ambiance et et les possibilités qu’offre chaque théâtre. Si l’on perd du côté dramatique, on s’amuse des péripéties des personnages et la proximité avec les comédiens permet d’apprécier leur jeu et leur capacité à faire ressortir les émotions. On ne badine pas avec l’amour reste un chef d’oeuvre qui touchera chaque spectateur, qui reconnaîtra dans le texte des sentiments où des expériences qu’il a pu ressentir et vivre. Les grandes questions sur l’Amour sont posées dans le texte: L’amour peut-il exister sans souffrance? L’amour dure t-il toujours? Peut-on mourir d’amour?

Une pièce qui traverse les âges et qui mérite d’être vue.

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Infos: www.theatrefrancais.com

Auteur

  • Guillaume Garcia

    Petit, il voulait devenir Tintin: le toupet dans le vent, les pantalons retroussés, son appareil photo en bandoulière; il ne manquait que Milou! Il est devenu journaliste, passionné de politique, de culture et de sports.

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