On ne peut pas prétendre ne pas être soi-même

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Publié 30/04/2013 par Gérard Lévesque

Il est possible de résister à une arrestation qui est illégale, mais, pour éviter des obligations, on ne peut pas prétendre ne pas être soi-même. C’est ce qui ressort de la décision du 26 mars 2013 du juge Fergus ODonnell, de la Cour provinciale de l’Ontario, dans l’affaire R. c. Matthew Duncan.

Alliant fort adroitement les préceptes de la justice avec un bon sens de l’humour et une grande érudition, le juge ODonnell a écrit un remarquable jugement que liront avec grand plaisir les personnes faisant face à tout individu cherchant à éviter, par différents subterfuges pseudo juridiques, la responsabilité de ses actes ou omissions.

Au Palais de justice de St. Catharines, Duncan faisait face à une accusation de voies de fait contre un agent de la paix avec intention de résister à une arrestation.

Les faits peuvent être résumés de la façon suivante:

Deux policiers ont vu une automobile tourner à droite sans signaler cette manœuvre. Ils ont suivi cette auto jusque dans le stationnement de l’édifice où demeurait le conducteur. Ils ont demandé à ce conducteur de s’identifier. Celui-ci a refusé de leur montrer un permis de conduire, mais leur a offert un cartable contenant de la documentation.

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Lorsque les agents ont voulu procéder à l’arrestation du conducteur pour refus de s’identifier, celui-ci a résisté au point où il a fallu qu’un agent le neutralise à l’aide d’une décharge d’un pistolet Taser.

Au procès, le juge a décidé que la police et la Couronne n’avaient pas démontré une base légale justifiant la tentative d’arrestation du prévenu. En effet, en soi, effectuer un tournant sans signaler cette manœuvre n’est pas interdit par le Code de la route. Pour que l’accusé soit déclaré coupable, il faut prouver que le signalement était requis parce que la manœuvre risquait d’entraver la circulation d’un autre véhicule, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

Si ce cas est devenu célèbre dès la diffusion du jugement sur Internet, c’est en raison, d’une part, de l’humour et du caractère théâtral et littéraire du jugement et, d’autre part, des arguments de Matthew Duncan.

Celui-ci alléguait ne pas être la personne qui était accusée parce qu’il avait signé (devant lui-même) une déclaration assermentée confirmant l’existence d’un contrat entre sa personne naturelle et une entité portant son nom écrit d’une façon légèrement différente. Et, d’après lui, l’effet de ce contrat faisait en sorte qu’il n’était pas la même personne qui portait son nom et, qu’en conséquence, le tribunal n’avait pas autorité sur lui.

Le juge ODonnell a estimé sans mérite cet argument, affirmant qu’il s’agissait là d’un gaspillage de ressources judiciaires, d’un manque de respect à l’endroit des autres justiciables et que cela ne justifiait pas d’autres commentaires.

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Cependant, au bénéfice de l’accusé et de ceux qui seraient tentés d’utiliser de telles tactiques d’obstruction, il a fait référence à la décision rendue dans la cause matrimoniale Meads c. Meads où le juge J. D. Rooke, juge en chef associé de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, a répertorié les différentes tactiques utilisées par des personnes qui s’ingénient à tenter de trouver des moyens de ne pas avoir d’obligations envers les gouvernements, la société ou même leur famille.

J’ai lu les 183 pages de la décision Meads et j’ai été surpris du nombre de causes où des tactiques similaires ont été utilisées devant les tribunaux pour tenter d’éviter, par exemple, d’être déclaré coupable d’une infraction au Code de la route, de payer des impôts ou de payer une pension alimentaire pour un conjoint et des enfants.

Tout cela démontre qu’il y a beaucoup de personnes prêtes à payer des «gourous» pour apprendre toutes sortes de trucs laissant croire qu’il serait possible de ne pas avoir à payer des sommes dues, par exemple, à l’Agence du revenu du Canada ou au Bureau des obligations familiales de l’Ontario.

Ces trucs ne remportent pas le succès espéré. Cependant, ils coûtent chers à l’administration de la justice, et souvent, les principales victimes sont le conjoint et les enfants de ceux qui tentent de fuir leurs responsabilités.

Renseignements:

R. v. Duncan, 2013 ONCJ 160
Meads v. Meads, 2012 ABQB 571

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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