Nous sommes devenus bipèdes à cause des supernovas? Douteux!

Des explosions d’étoiles ont conduit les humains à marcher sur deux jambes, suggère une étude qui porte pourtant davantage sur les supernovas que sur les bipèdes.
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Publié 08/06/2019 par Pascal Lapointe

Une nouvelle, voulant que nos ancêtres aient commencé à marcher à cause d’une série de supernovas, a été beaucoup partagée sur les réseaux sociaux.

Bien que ce soit un article dans le quotidien britannique The Guardian (intitulé «Des explosions d’étoiles ont conduit les humains à marcher sur deux jambes, suggère une étude radicale») qui ait été le point de départ des partages, l’origine de cette nouvelle est bel et bien une recherche: publiée le 28 mai dans le Journal of Geology par deux chercheurs en physique du Kansas.

On y lit ce court passage: «La conversion des forêts aux savanes a longtemps été considérée comme un facteur central de l’évolution des hominidés vers le bipédalisme… Ainsi, il est possible qu’une supernova proche ait joué un rôle dans l’évolution des humains.»

Beaucoup de «si»

Le gros de cette recherche s’appuie sur une série d’empreintes géologiques qui ont permis, ces dernières années, de déduire que des étoiles ont explosé dans notre «banlieue» galactique il y a 2,6 à 8 millions d’années.

Les auteurs placent un «sommet» de ces événements cosmiques il y a 2,6 millions d’années. Ils l’attribuent à une étoile située à «seulement» 160 années-lumière — soit assez proche pour avoir été visible à l’œil nu.

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Leur hypothèse est que les radiations causées par ce dernier événement auraient été suffisantes pour perturber notre atmosphère, augmentant du coup, présument-ils, le nombre d’orages électriques, donc les éclairs, donc les feux de forêt… Et de là, concluent-ils, auraient transformé les forêts, où vivaient nos ancêtres, en savanes.

Dangers dans la savane

Il se trouve que le passage aux savanes, ou herbes hautes, a souvent été pointé du doigt par les paléontologues comme une cause de notre évolution vers la marche sur nos «pattes arrière». Dans un paysage de savane, il faut se lever pour voir approcher les prédateurs de loin…

Cela fait toutefois beaucoup de «si» et ce n’est que dans l’avant-dernier paragraphe (sur 10 pages) que les deux physiciens font cette allusion à la marche debout. Mais ils ont aussi choisi de placer cette interprétation dans leur abstract — le paragraphe d’introduction qui est censé résumer les points les plus importants d’une recherche.

Ils ont ainsi donné à leur brève allusion de l’avant-dernier paragraphe une importance démesurée.

Deux gros bémols

Dans les faits, les paléontologues conviennent plutôt depuis longtemps que le passage au «bipédalisme» constitue un phénomène complexe, impossible à attribuer à une seule cause.

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D’autres facteurs ont certainement contribué, au fil des millions d’années: génétiques, comportementaux, environnementaux, etc.

Par ailleurs, la célèbre Lucy, découverte en Éthiopie en 1974, marchait déjà debout il y a 3,2 millions d’années. Des fossiles suggèrent que sa famille Australopithecus afarensis était essentiellement bipède il y a 4 millions d’années. Moins connu, Sahelanthropus tchadensis marchait peut-être en partie sur deux jambes il y a 6 à 7 millions d’années.

Reste qu’en faisant référence, dans leur abstract, au rôle qu’auraient pu jouer les supernovas dans l’évolution vers le bipédalisme, les scientifiques ont réussi à attirer davantage l’attention que s’ils avaient parlé uniquement d’explosions d’étoiles.

Auteur

  • Pascal Lapointe

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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