Non, on ne peut pas diagnostiquer le TDAH par un «scan» du cerveau

TDAH
La neuro-imagerie – invasive et coûteuse – ne permet pas de poser un diagnostic de TDAH ni d'identifier une forme particulière de ce trouble. Photo: iStock.com/Bulat-Silvia
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Publié 21/03/2025 par Kathleen Couillard

Doit-on procéder à un examen d’imagerie médicale du cerveau — un « scan », en anglais — pour mieux diagnostiquer le TDAH? C’est ce que prétendent depuis quelques années certaines cliniques médicales. Pourtant, cette approche coûteuse n’a aucune base scientifique.

Des publicités sur les réseaux sociaux prétendent qu’il existe différentes formes de TDAH et qu’en les identifiant, on peut adapter le traitement et augmenter son efficacité.

Le psychiatre Daniel Amen

Les différents types de TDAH (au nombre de 5 ou de 7, selon les sources) ont été décrits il y a au moins 20 ans par le Daniel Amen, un psychiatre américain. L’origine de sa première publication est obscure, a écrit le New Scientist l’an dernier.

Daniel Amen
Daniel Amen. Photo: Razorface914 Wikimedia Commons

Wikipédia décrit le Dr Amen comme une «célébrité» aux États-Unis, mais une rapide recherche révèle qu’il a été à la fois encensé et critiqué.

Sur le site web de la clinique qu’il a fondée et qui porte son nom, on lit donc que chaque forme de TDAH nécessiterait son propre traitement. Son équipe utilise à cette fin une technique d’imagerie du cerveau — la tomodensitométrie par émission de photons uniques (TEMP, ou SPECT en anglais) — pour déterminer le type de TDAH de chaque client.

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Existe-t-il vraiment différents types de TDAH ?

L’une des faiblesses de cette théorie est que le système du Dr Amen inclut des types de TDAH complètement nouveaux, écrivaient en 2012 des chercheurs de la Pennsylvanie.

Leur article s’intéressait à l’utilisation des techniques d’imagerie médicale pour les diagnostics en psychiatrie. Il se trouve que la classification utilisée par le Dr Amen est exclusivement basée sur des observations réalisées par lui-même. Aucune donnée révisée par des pairs n’existe pour soutenir la validité de ces catégories.

Autrement dit, ces types de TDAH ne correspondent à rien de ce que l’on retrouve dans le DSM-5, le livre de référence pour le diagnostic des troubles mentaux et psychiatriques. Celui-ci décrit plutôt trois catégories de TDAH: inattentif, hyperactif/impulsif et combiné.

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Cinq type de TDAH selon une application SPECT française.

Aucune étude sérieuse

L’imagerie SPECT est une technique qui mesure le mouvement, dans le cerveau, d’un marqueur radioactif qui a été injecté au préalable dans le sang. Elle entre donc dans la catégorie des approches médicales dites « invasives ».

Ce qu’affirme le Dr Amen depuis les années 2000, c’est qu’on peut de cette façon améliorer le diagnostic du TDAH. Pour justifier cette conclusion, il se base sur les 200 000 examens du cerveau qu’il aurait pratiqués au fil des années avec l’imagerie SPECT.

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En 2020, une évaluation par imagerie SPECT à l’une des cliniques du Dr Amen coûtait 4000 $.

Dès 2009, dans une critique de l’un des livres du Dr Amen, le médecin Andrew Leuchter déplorait qu’aucune analyse systématique n’ait été effectuée pour démontrer que cette approche est plus efficace que l’approche traditionnelle.

En 2010, les médecins Bryon Adinoff et Michael Devous rapportaient que le Dr Amen avait refusé l’offre du Brain Imaging Council de la Société de médecine nucléaire qui avait proposé qu’une analyse indépendante de ses données soit réalisée.

Deux ans plus tard, les scientifiques de la Pennsylvanie notaient que les arguments utilisés par les cliniques du Dr Amen continuaient de n’être basés que sur des anecdotes et des témoignages. Ils soulignaient que les études vantant les mérites du SPECT avaient été menées par des chercheurs qui, comme ceux de la clinique Amen, avaient des intérêts financiers dans la procédure.

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Une vision américaine du TDAH. Photo: iStock.com/Anna-Bergbaue

Des différences trop subtiles pour le diagnostic

L’argument central du Dr Amen est que les résultats d’imagerie montreraient des différences entre les cerveaux avec ou sans TDAH. Le psychologue américain Joel Nigg remarquait toutefois en 2020 que ces différences n’étaient pas assez importantes pour établir quoi que ce soit.

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Il faisait une analogie avec la taille: généralement, les hommes sont plus grands que les femmes. Cependant, on ne peut pas mesurer une personne pour déterminer son sexe. Le même problème se présente si l’on tente de réduire un diagnostic de TDAH à une imagerie médicale.

Cette interprétation était partagée par les chercheurs de la Pennsylvanie, qui soulignaient en 2012 qu’il est difficile d’appliquer des comparaisons de moyennes à des individus.

Une approche non recommandée

Dans une prise de position de 2018, l’Association américaine de psychiatrie (APA) affirmait qu’à l’exception de la détection d’anomalies comme une lésion ou une atrophie du cerveau, la neuro-imagerie n’avait pas d’impact significatif sur le diagnostic ou le traitement des patients atteints de troubles psychiatriques.

Selon l’APA, pour qu’une telle approche soit utilisée pour effectuer des diagnostics, elle doit avoir une sensibilité et une spécificité d’au moins 80%. Elle doit aussi être fiable, reproductible, non invasive et peu coûteuse. Enfin, elle doit avoir été validée par au moins deux études indépendantes publiées dans des journaux avec un processus de révision par les pairs.

À ce jour, aucune technique d’imagerie ne répond à ces critères pour le diagnostic du TDAH.

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Et aucune association médicale professionnelle ne sanctionne l’utilisation de l’imagerie SPECT pour les diagnostics neuropsychiatriques.

Verdict

La neuro-imagerie SPECT ne permet pas de poser un diagnostic de TDAH ni de déterminer si une personne est atteinte d’une forme particulière de ce trouble. Cette approche est à la fois invasive et coûteuse et devrait donc être évitée puisqu’elle ne comporte pas d’avantages pour le patient.

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