Nathalie Choquette, ou le frisson démocratique

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Publié 01/03/2006 par Dominique Denis

Ça nous parvient parfois par l’entremise du cinéma (on pense à Diva ou, plus récemment, à Les choristes), parfois grâce au charisme et aux dons de communication d’un artiste. Soudain, on est des tas à (re)découvrir l’opéra ou le chant choral, la viole de gambe de Marin Marais ou le piano de Scott Joplin. En-gouements passagers, certes, mais qui ont le mérite de nous changer du pablum de la pop actuelle.

Grâce à son personnage de diva comique, la soprano québécoise Nathalie Choquette a fait plus que sa part pour initier le vaste public aux plaisirs de l’opéra, n’hésitant pas à en déboulonner les monuments et les archétypes pour nous les rendre plus accessibles.

Avec la trilogie Aeterna, Choquette remise costumes, grimaces et accessoires au profit d’un concentré d’émotion plus conventionnel. Alors que le premier volet explorait le répertoire sacré, Aeterna Romantica (Disques Isba – Distribution BMG-Sony) nous prend fermement par les sentiments, en choisissant ses frissons du côté de Tchaikovsky, Monte-verdi ou même de l’opérette (le célèbre Barcarolle d’Offenbach, ici l’occasion d’un touchant duo avec le haute-contre David Lee).

Quant à ces mélodies qui nous sont familières dans leur incarnation symphonique, Choquette n’a pas hésité à leur prêter sa plume polyglotte. C’est ainsi qu’un thème tiré de la cinquième symphonie de Mahler se transforme ici, le plus naturellement du monde, en un Immenso Amore qu’on imagine volontiers Bocelli reprendre sur son prochain disque.

Nul doute que les puristes, habitués à ce que le plaisir de l’aria se mérite au terme d’un parcours plus ardu, trouveront un brin excessif l’approche «best of» de Aeterna Romantica, mais le grand public sera nul doute ravi de renouer avec cette artiste qui ne cesse de trouver des façons de nous démocratiser le frisson.

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Les trompettes de la mémoire

En choisissant, comme première carte de visite discographique, un hommage au répertoire traditionnel québécois, puisant tantôt dans le fonds commun (Les raftsmen, La bastringue), tantôt chez Vigneault, le quintette de cuivres Buzz s’ins-crit droit dans la lignée du Canadian Brass, cet autre ensemble féru de projets crossover.

Et pourtant, aux oreilles francophones, cet opus 1 éponyme (Disques XXI – Distribution SRI) risque plutôt d’évoquer les folies de la Bottine Souriante, version cuivrée, dont Buzz semble partager le redoutable alliage d’humour et de rigueur. Dans un cas comme dans l’autre, la référence augure bien pour notre plaisir.

Bien sûr, de transposer une musique traditionnelle, quelle qu’elle soit, à un cadre qu’on qua-lifiera de «classique» (deux trompettes, deux trombones et un tuba, en l’occurrence), n’est pas sans présenter de risques. Question d’habiller un matériau mélodique aussi simple que familier, le jeune ensemble québécois a sorti tous les trucs du métier de compositeur et d’arrangeur: changements de tonalité, passage du majeur au mineur, juxtapositions inattendues de registres (de la mélancolie à l’humour), le tout agrémenté de quelques dissonances et de judicieux couacs, comme si Prokofiev avait été engagé pour mettre en musique les Soirées canadiennes de notre passé.

Même si les audaces de Buzz sont, tous comptes faits, assez convenues, l’effet d’ensemble est des plus réjouissants, tant pour ceux qui arriveraient au folklore par le biais de la musique de chambre que pour ceux qui emprunteraient le chemin inverse.

La danse de l’archet

À mon humble avis, il est fâcheux, voire honteux, que le nom de Jorane soit désormais sur toutes les lèvres (ayant même attiré l’attention du Grand Métisseur Peter Gabriel), tandis que son homologue Claude Lamothe demeure l’affaire d’une poignée d’initiés. Certes, la belle a la voix et le physique d’une sirène, mais les contributions de Lamothe au décloisonnement du violoncelle sont, à mes oreilles, nettement plus substantielles.

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Inaugurant sa collaboration avec l’étiquette montréalaise Analekta, Vivace (qu’il convient de prononcer à l’italienne) poursuit la démarche éclectique que nous découvrions il y a près de dix ans avec l’étonnant Nu, sur lequel Lamothe jouait par moments les Hendrix du violoncelle. Avec le temps, il a élargi ses horizons sty-listiques, sans pour autant sacrifier son côté décoiffant.

Avec la complicité de Jacques Roy, qui co-réalise l’album et en co-signe plusieurs morceaux, Lamothe se fait homme-orchestre, usant de l’enregistrement multi-pistes pour superposer le pizzicato et l’archet, se métamorphoser en quatuor à cordes, voire en orchestre capable de puissants crescendo.

Si la technique – et la technologie à l’appui – ont de quoi impressionner, Lamothe a sagement choisi d’ancrer ses audaces dans des paramètres stylistiques conventionnels, où sa passion pour la valse, le flamenco ou le tango (forcément piazzollien!) se traduit par une fougueuse danse de l’archet sur l’instrument. Ce n’est que sur ses étonnantes Variations sur le thème de l’Hymne au printemps que Lamothe se réserve une plus grande marge de liberté, nous révélant le potentiel insoupçonné derrière la mélodie de Félix.

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