Muettes et embêtantes

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Publié 29/01/2008 par Martin Francoeur

Depuis que j’écris dans ces pages, j’ai eu l’occasion de traiter de plusieurs difficultés de la langue française. Mais il me semble que je ne me suis jamais vraiment arrêté sur la question de ces lettres qui donnent du fil à retordre lorsque vient le temps d’écrire correctement certains mots. Je parle des lettres muettes, qui se trouvent généralement à la fin d’un mot et qui nous obligent à l’écrire en tenant compte d’une embûche. Une autre…

Les consonnes muettes font en sorte que la forme écrite n’a parfois rien à voir avec sa prononciation. Ces lettres sont présentes principalement pour des raisons étymologiques, ce qui fait dire à plusieurs auteurs qu’elles constituent une des plus importantes difficultés de la langue française.

Souvent, les lettres muettes passent inaperçues dans des mots archiconnus. On sait tous comment écrire des mots comme chaud, nord, pied, froid, jamais, bras, cours, toujours, vous, jus, outil, nez, loup ou aéroport. Mais il y a bien d’autres mots dont l’orthographe cause parfois quelques mots de tête.

Les lettres muettes les plus fréquentes en fin de mot sont le d, le s, le t et le x. On pourrait aussi ajouter la lettre r pour les verbes du premier groupe à l’infinitif qui se terminent par er. On ne dit pas «parlère», mais bien «parler». Ce qui n’est pas le cas des verbes en ir, où il est absolument nécessaire de prononcer le r.

Avec la lettre «d», on n’a qu’à penser à des mots qui se terminent par «and», par «ard», par «aud», par «ond» ou par «ord». La liste est longue: brigand, goéland, gourmand, banlieusard, bavard, brouillard, canard, clochard, corbillard, épinard, foulard, regard, traquenard, costaud, crapaud, échafaud, blond, fécond, moribond, nauséabond, plafond, profond, accord, fjord, record…

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Il y en a d’autres. On peut aussi penser à quelques mots dont la terminaison n’est pas comprise parmi les cinq précédentes: différend, froid, pied, lourd, nid, nœud, sourd.

Les mots qui se terminent par un «s» muet sont aussi très nombreux. On n’a qu’à penser à des mots en «ais» comme frais, harnais, jais, jamais, palais, rabais ou relais. À des mots en «as» comme amas, canevas, frimas, gras, glas, judas, lilas, matelas, repas, verglas. Ou encore à des mots qui se terminent par «ès» comme abcès, accès, après, cyprès, décès, excès, progrès, succès et très.

Il ne faudrait pas oublier les mots en «is» comme avis, brebis, châssis, colis, pis, parvis, ris, rubis, souris, torticolis, ou tapis, de même que les mots en «ois» comme anchois, carquois, fois, parfois, pois et toutefois. Les mots en «ous» et en «us» allongent la liste: absous, dessous, dissous, remous, sous, vous, abus, confus, dessus, inclus, intrus, obus, pus, refus et talus.

Certaines terminaisons sont plus rares: ailleurs, certes, corps, héros, néanmoins, pers, plusieurs, poids, pouls, puits, remords, temps, volontiers.

Les «t» muets à la fin de certains mots sont fréquents comme dans l’adjectif fréquent, justement. En fait, tous les adverbes en –ment sont des exemples! Tous les adjectifs ou les noms formés sur des adjectifs en «ant» et en «ent» en sont aussi.

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Il y a également des mots en «at» comme achat, crachat, candidat, carat, climat, soldat et lauréat. Des mots en «ert» comme vert, camembert, concert, découvert, expert, ouvert et transfert s’ajoutent à la liste.

Ajoutons quelques mot en «it» comme petit, appétit, délit, écrit, interdit, lit, profit et répit, par exemple. Ou quelques mots en «ort», dont confort, effort, roquefort et sort. Les mots en «ot» sont nombreux: abricot, berlingot, complot, coquelicot, escargot, javelot, paquebot, paletot et tricot sont tirés de cette liste.

Viennent enfin les mots en «out» ou en «oût» comme août, atout, ajout, goût, marabout, moût et partout. Plus rares sont des mots aux terminaisons irrégulières comme artichaut, aspect, assaut, doigt, emprunt, exempt, instinct, prompt, respect, tribut et vingt.

Enfin, toujours dans les lettres les plus fréquentes, on considère aussi les terminaisons en «x» comme étant fréquemment muettes: affreux, creux, deux, mieux, preux, choix, croix, noix, voix, courroux, doux, époux, jaloux, roux, saindoux, toux, afflux, flux, influx, reflux, chaux, crucifix, faux, paix, perdrix, prix, taux…

Voilà pour les d, les r, les s, les t et les x. Mais le français nous réserve aussi quelques surprises avec d’autres consonnes finales, plus rares, qui sont aussi muettes à la fin d’un mot. C’est le cas du b dans aplomb, plomb ou radoub. C’est aussi le cas du c dans accroc, banc, blanc, caoutchouc, clerc, croc, estomac, escroc, flanc, franc, porc et tronc.

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La lettre f est parfois muette à la fin d’un mot, comme dans cerf, clef, nerf ou serf. Mais il arrive que c’est lorsque certains mots sont au pluriel que le f devient muet: bœufs et œufs, par exemple. La lettre g ne se prononce pas dans bourg, coing, étang, faubourg, hareng, harfang, joug, long, poing, rang, sang ou shampoing. Et le h, que l’on sait souvent muet en début de mot (hache, hareng, hélice, par exemple) peut aussi l’être à la fin: almanach, aneth, ayatollah, bismuth, bobsleigh, luth, mammouth, vermouth ou zénith.

Des mots comme fusil, gentil, nombril, outil, persil ou sourcil nous démontrent que la lettre l peut aussi être muette en finale d’un mot. Tout comme beaucoup, coup, camp, cantaloup, champ, coup, drap, galop, loup, sirop, sparadrap et trop le font pour le p. Enfin, des consonnes rarissimes comme le w et le z se retrouvent muettes dans bungalow, show, bow-window, squaw, nez, raz ou riz.

Enfin, il faudra parfois résister à la tentation de placer une consonne finale à un mot qui n’en prend pas. L’erreur est parfois due au fait que des mots de même famille présentent une consonne suivant la terminaison qui nous fait douter: abri, esquimau, noyau, bazar, coma, numéro, bijou, caillou, faisan, paysan, favori, rigolo, cauchemar, cran, horizon, schéma, clou, écu, loin, tuyau. Et même lorsqu’on n’est pas en présence de dérivés prenant une consonne, on hésite quand même: nénuphar, azimut… Là aussi la liste est longue.

Il n’y a hélas! pas de règle précise pour savoir bien écrire les mots présentant (ou non) une consonne finale. Si plusieurs cas se règlent d’instinct, d’autres nous forcent parfois à recourir au bon vieux dictionnaire…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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