#MoiAussi à visage découvert

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Publié 19/10/2017 par François Bergeron

La majorité libérale à l’Assemblée nationale du Québec a adopté cette semaine son projet de loi sur la «neutralité religieuse de l’État» qui prévoit, entre autres, que les services publics provinciaux et municipaux devront être «offerts et reçus» à visage découvert.

Les oppositions péquiste, caquiste et solidaire ont voté contre, dans le cas des deux premières parce que la future loi n’irait pas assez «loin» ou manquerait de «mordant». En Ontario, sur la scène fédérale et dans la plupart des grands médias anglophones, on s’est plutôt inquiété des «libertés religieuses» bafouées…

Minimum

Selon moi, c’est un minimum que de s’attendre, en tant que citoyen, à ce que les fonctionnaires qui vous accueillent à un guichet, le personnel des écoles, des hôpitaux, du système judiciaire, le fassent à visage découvert (c’est-à-dire, soyons clairs, sans niqab ou burqa, mais aussi sans masques, maquillages, ou autres tenues vestimentaires ou accessoires offensants, ce qui couvre une foule de symboles religieux, politiques ou culturels).

Rappelons qu’un juge ontarien a été réprimandé pour avoir porté au tribunal une casquette rouge «Make America Great Again», à la blague, le lendemain de l’élection américaine en novembre 2016. Je ne vois pas, franchement, en quoi la liberté d’expression des opinions politiques serait moins importante que celle des croyances religieuses.

Bravo, donc, pour les services «offerts» à visage découvert (par les employés et représentants de l’État).

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Autobus

Mais c’est moins clair pour les services «reçus» (par les usagers et contribuables), notamment dans les transports en commun.

Exigera-t-on vraiment qu’une musulmane intégriste se dévoile en entrant dans un autobus et reste dévoilée «tout au long du trajet», comme l’a assuré la ministre québécoise de la Justice? Et ça va aussi s’appliquer aux vêtements d’hiver et même aux lunettes de soleil, pour faire croire que ce n’est pas seulement une affaire de religion? Ce n’est pas réaliste ni souhaitable.

Des exceptions à la loi devront également être prévues pour les services d’urgence et de santé: on ne va tout de même pas refuser de transporter en ambulance une femme voilée blessée!

Jeux politiques

Les Libéraux entretiennent là-dessus un flou artistique pour discréditer l’opposition et, selon certains, pour faciliter la contestation de la loi devant les tribunaux (bien que la clause «nonobstant» de la Constitution peut, ultimement, supplanter un jugement défavorable de la Cour suprême).

Le gouvernement garde un oeil sur l’échéance électorale de l’an prochain.

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Le PQ et la CAQ affirment qu’en choisissant la «neutralité» à l’ontarienne (?) plutôt que la «laïcité» à la française (!), on ne parvient pas à clore le débat.

Car tout le monde prétend vouloir passer à autre chose (les «vraies affaires» économiques, sociales, environnementales…), à commencer par les Libéraux qui doivent redorer leur blason au sein de la majorité francophone sans perdre leurs votes anglophones et immigrants, mais qui agitent l’épouvantail séparatiste-populiste-raciste dès que l’opposition réclame une meilleure promotion du français ou une meilleure gestion de l’immigration.

L’immigration, de juridiction fédérale, est d’ailleurs à la source des problèmes associés chez nous aux voiles islamiques (heureusement encore rares): on devrait mieux expliquer aux immigrants ce qu’on attend d’eux au Canada, ou choisir des candidats plus compatibles avec nos valeurs.

Racisme

Au lendemain d’un remaniement ministériel suivant la perte d’un siège libéral (remporté par la CAQ) lors d’une élection partielle à Québec, le gouvernement de Philippe Couillard vient également de changer le nom et le mandat de la consultation sur le «racisme systémique», qui s’enlisait dans une joute d’invectives.

Ce sera maintenant un «Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte contre la discrimination», organisé directement par le ministère plutôt que par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Souhaitons qu’on traitera là aussi des «vraies affaires»: les difficultés des minorités à trouver du travail, un logement, à s’intégrer.

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Détail qui serait comique si le sujet n’était pas si sérieux: depuis plusieurs mois, la présidente de la Commission québécoise des droits de la personne est accusée d’arrogance et d’abus de pouvoir ayant entraîné des démissions et des congés de maladie qui paralysent son action. On ne parle pas d’inconduites sexuelles à la Weinstein, Salvail ou Rozon, mais la coïncidence est troublante.

Succès

Le succès de la campagne #MoiAussi ne se dément pas: de plus en plus de femmes sont encouragées à dénoncer des patrons ou collègues qui les ont agressées ou harcelées, afin que de tels comportements finissent par être éradiqués dans tous les milieux.

Je sais, c’est un «amalgame», mais voici: le voile islamique représente lui aussi une agression à éradiquer.

Cacher ainsi le visage de la femme vient de sa réduction à un statut d’objet ou de propriété (d’un homme ou d’une communauté). Les relations humaines à visage découvert, comme les relations hommes-femmes sécuritaires, c’est ça qui est civilisé.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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