Méridien de Greenwich: la bataille pour le point zéro

Greenwich
Carte postale de l’Observatoire royal de Greenwich en 1920. Photo: Wikimedia Commons, domaine public
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Publié 09/12/2023 par Marc Poirier

Dans la nuit du 18 au 19 mars 1911, le temps s’est arrêté en France. Toutes les horloges se sont figées pendant exactement 9 minutes et 21 secondes, afin que l’Hexagone s’harmonise avec le temps universel fixé par le méridien de Greenwich.

Le temps et le méridien sont les revers d’une même médaille. Une médaille britannique, dans le cas de Greenwich, du nom d’une banlieue de Londres et de l’observatoire où la ligne imaginaire allant du pôle Nord au pôle Sud a été tracée, premièrement au XVIIe siècle, puis légèrement modifiée à quelques reprises avant d’être reconnue comme le méridien de référence par la plupart des pays industrialisés en 1884.

Depuis près de 150 ans donc, le méridien de Greenwich constitue la référence internationale, la longitude «zéro», qui sert à calculer la distance Est-Ouest et le temps.

Cette idée de «méridien zéro» ou de «premier méridien» remonte au monde romain. Au IIe siècle apr. J.-C., le grand savant grec Ptolémée avait fixé le «premier méridien» au point le plus à l’Ouest connu à son époque, soit les îles Canaries, à l’Ouest du Maroc actuel.

Globe
Le méridien de Greenwich traversant le globe de nord au sud. Photo: Wikimedia Commons, domaine public.

Plusieurs premiers méridiens, un seul l’emportera

Depuis le XVe siècle, chaque puissance maritime de l’Europe s’était choisi son propre méridien comme repère pour la navigation.

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Pourquoi différents méridiens? Pour calculer la latitude, il ne peut y avoir qu’une ligne centrale à l’horizontale autour de la Terre, à son point le plus large, c’est-à-dire un «équateur».

Mais pour ce qui est des longitudes, n’importe quelle ligne verticale peut diviser la Terre en deux. L’établissement d’une longitude – ou d’un méridien – de base doit faire l’objet d’un consensus.

La France est non seulement à l’origine d’un des grands méridiens de base des Temps modernes, mais elle en a offert probablement la définition la plus poétique.

En effet, le cosmographe et pilote hauturier Jacques Devault décrivait ainsi cette ligne en 1583: «Méridien est une ligne qui se imagine de l’un des polles du monde à l’autre et passe droict par-dessus nostre tête auquel le soleil en y arrivant faict midy à tous ceux qui habittent desoubz icelle ligne.»

En plus d’être beau, c’est tout à fait exact.

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En 1634, une ordonnance du roi Louis XIII rend obligatoire le méridien fixé par Ptolémée.

Au cours du même siècle naît ensuite le méridien de Paris, qui aura une très longue vie. Il a été mesuré en 1667 par des mathématiciens de l’Académie royale des sciences fondée un an plus tôt par Jean-Baptiste Colbert, principal ministre de Louis XIV.

Ce nouveau méridien de base français remplacera peu à peu celui fixé en 1634 sous Louis XIII.

Paris
Carte de 1683 montrant le méridien de Paris traversant la France. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Adieu Paris, welcome Greenwich

Chez le voisin du Nord, on avait aussi tracé un méridien, soit en 1676, à l’Observatoire royal de Greenwich, en banlieue de Londres.

C’était l’époque où un Stuart portait encore la couronne d’Angleterre, plus précisément Charles II, fils du premier Charles, celui qui avait littéralement perdu la tête pendant la première révolution anglaise.

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La longitude, qui passait sur un point situé dans l’institution, a été modifiée à quelques reprises avec l’arrivée de nouveaux instruments plus précis.

Pendant le XIXe siècle, le méridien de Greenwich aura la cote parmi les marins, si bien qu’au début des années 1880, les deux-tiers des navires de par le monde, dont ceux des États-Unis, l’utilisent comme référence.

Il devient alors de plus en plus nécessaire de fixer une fois pour toutes le «premier méridien», la longitude 0, afin que tous soient sur la même… longitude, si on peut dire.

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L’Observatoire royal de Greenwich a une histoire fascinante. Photo: Wikimedia Commons, Share Alike 3.0

La division en fuseaux horaires

En 1884, le président américain de l’époque, Chester A. Arthur, convoque une grande conférence internationale du méridien à Washington. Plus de 40 délégués provenant de 25 pays y convergent.

En plus de sa popularité, le choix de Greenwich s’explique du fait que le système de fuseaux horaires découlant de ce méridien était devenu la norme aux États-Unis pour fixer des heures régulières.

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Les participants adopteront à cette même conférence la division du globe en 24 zones ou fuseaux qui avait été proposée cinq ans auparavant par l’Écossais Sandford Fleming. Cet ingénieur de renom s’établira ensuite au Canada où il deviendra l’un des plus grands arpenteurs du chemin de fer.

L’heure de base fixée au méridien de Greenwich fera en sorte que la longitude à ses antipodes, littéralement à l’autre bout du monde, deviendra la ligne du changement de date, et où il est douze heures de plus qu’à Greenwich, ou de moins, selon de quel côté on se situe.

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Le méridien origine, traversant l’Observatoire royal de Greenwich. Photo : Daniel Case, Wikimedia Commons, Share Alike 3.0

Un méridien dans la gorge

La France votera contre les propositions de la conférence de Washington, dans une vaine tentative de sauver son méridien, même si la Grande-Bretagne acceptait, en contrepartie, d’adopter le système métrique.

Il faudra attendre 1911 et 9 minutes 21 secondes avant que la France ne reconnaisse Greenwich et n’aligne son «heure de Paris» à celle du fuseau horaire 0.

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Le méridien de Greenwich tracé sur le terrain de l’Observatoire. Photo : Mélanie Tremblay

Le mètre, un petit, petit bout de méridien…

Rappelons que la création du mètre est survenue au début de la Révolution française.

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Voulant mettre fin à la confusion des différentes mesures en cours et de se libérer des unités seigneuriales, le nouveau régime a voulu établir une mesure unique.

Des scientifiques ont alors défini le mètre comme étant le dix millionième partie de l’arc du méridien de Paris, entre le pôle Nord et l’Équateur, c’est-à-dire le quart de la circonférence Nord-Sud de la Terre.

Cette mesure est très similaire à l’unité proposée au XVIIe siècle par l’Anglais John Wilkins, en se basant sur la distance parcourue d’un pendule pendant une seconde, et qui mesurait… 993,7 millimètres. Coïncidence sans doute.

Le savant italien Tiato Livio Burattini redéfinit peu après la mesure de Wilkins en la nommant metro cattlico, soit «mesure universelle», et d’où vient le mot mètre.

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