Il est bien rare d’avoir l’occasion de lire le récit de la vie d’un Autochtone et de la façon dont il réagit à la colonisation par les «Euricanadiens» de la contrée dans laquelle il vit. C’est assez dire tout l’intérêt des mémoires d’un Inuk que nous présente, avec beaucoup de discrétion, Thibault Martin, professeur de sociologie à l’Université du Québec en Outaouais.
Un Inuk parle
Le professeur Martin, qui a travaillé avec son auteur à la mise au point du texte d’Eddy Weetaltuk, un Inuk «né dans la neige alors que ma mère coupait du bois pour tenir sa famille au chaud», en a assuré non sans difficulté la publication: aucun éditeur canadien n’a voulu le faire et c’est, paradoxalement, un éditeur français qui a publié l’ouvrage: Eddy Weetaltuk, E9-422, Paris, carnetsnord, 2009, 386 p.
Le récit que nous fait Eddy Weetaltuk n’est pas banal et se lit comme un roman, plus que comme une biographie, étant donné le style et les détails, amusants ou significatifs, parfois épiques ou surprenants, d’un Inuk qui passe «de la toundra à la guerre de Corée», comme l’indique le sous-titre, et rentre chez lui après un passage en Allemagne, non dépourvu de la cocasserie d’un amoureux emprisonné.
Mais les 300 pages du texte d’Eddy Weetaltuk vont bien au-delà d’un simple récit des épisodes marquants de la vie hors du commun d’un Inuk, ce qui n’est déjà pas dépourvu d’intérêt, bien au contraire, et il faut en réserver les surprises au lecteur, plutôt que d’en faire un résumé qui serait forcément dépourvu du sel souvent humoristique que l’auteur y a mis. Mais les mémoires d’Eddy Weetaltuk nous donnent un aperçu du revers de la médaille de la colonisation.
Un texte novateur
Avec beaucoup de discrétion, le professeur Martin, qui a grandement contribué à la publication de ce livre original, s’est effacé devant Eddy Weetaltuk et n’intervient qu’à la page 313. Mais son apport est essentiel à la bonne compréhension du texte, et le lecteur soucieux de bien saisir certaines remarques d’Eddy, devrait commencer par lire ce chapitre intitulé «Histoire d’un témoignage».