Le jour où je donne rendez-vous à Maryem Tollar près de l’atrium de Radio-Canada, on se croirait aux Nations Unies: aux quatre murs sont suspendus des drapeaux de tous les continents, placés là à l’occasion du Festival du film de Human Rights Watch. Rien de plus approprié, me dis-je, pour accueillir cette chanteuse torontoise qui a toujours voulu faire de sa musique un espace de dialogue transculturel, où l’identité se fond dans un discours œcuménique sans toutefois s’y perdre. Mais avec les événements des dernières années, qui ont eu pour effet de polariser l’Occident et le monde arabe, Maryem ressent plus que jamais l’urgence de reconnaître – et de célébrer – les différences, pour qu’elles ne deviennent pas des clivages irréconciliables.
Le rire facile et contagieux, le regard illuminé par des idées qui sortent en cascade de son esprit débridé, Maryem Tollar est, malgré sa taille menue, une force de la nature. Et l’ambitieux projet qu’est Family Values, une performance multimédia montée avec son oncle, le poète montréalais Ehab Lotayef, démontre clairement que chez elle, l’expression artistique et l’engagement social, voire politique, sont en parfaite symbiose.
«Quand on songe à tout ce qui se passe au Moyen-Orient, c’est facile de perdre espoir et de penser qu’on ne peut rien y faire. C’est pourquoi il faut penser à la façon de changer les attitudes. Une des nouvelles chansons d’Ehab s’appelle How To Kill a Suicide Bomber. Quand j’ai lu le titre, j’étais moi-même choquée, mais le message de la chanson est très simple: si vous donnez la justice à ces gens, s’ils n’étaient pas si désespérés, il n’y aura pas [d’attentats suicide].»
Pour que son message atteigne le plus grand nombre de gens, surtout parmi ceux qui auraient développé une méfiance à l’égard de l’islam et du monde arabe en général, Lotayef – qui est d’origine égyptienne – a pris le parti d’exprimer sa poésie en arabe et en anglais.
Mais son engagement envers le dialogue ne se traduit pas uniquement sous forme de vers: en décembre dernier, en tant que représentant du Congrès arabe canadien, il se rendait à Bagdad dans l’espoir de négocier la libération de James Looney et Harmeet Sooden, deux travailleurs humanitaires canadiens des Christian Peacemaker Teams.