Lucas Cranach: un peintre au don poétique

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Publié 01/03/2011 par Gabriel Racle

Lucas Cranach, peintre très célèbre en son temps, puis quelque peu oublié jusqu’à ce que Picasso notamment le redécouvre au siècle dernier, fait maintenant l’objet d’expositions rétrospectives qui permettent de redécouvrir ce peintre dont on a loué l’immense talent. La possibilité nous est donnée de découvrir cet artiste majeur de la Renaissance germanique, par l’exposition Lucas Cranach et son temps, présentée au Musée du Luxembourg à Paris jusqu’au 23 mai, que les personnes qui se rendent dans cette ville iront certainement voir, et que d’autres découvriront grâce à un somptueux catalogue, qu’il ne faut pas manquer de se procurer, tant est grand l’intérêt des tableaux et des articles de cette publication artistique.

L’artiste

Cranach, dit l’Ancien pour le distinguer de son fils Lucas Cranach le Jeune, est né en 1472 en Allemagne, à Kronach, d’où son nom. C’est une Franconien comme le célèbre graveur Dürer, plus jeune d’un an, qui parfois lui servira de modèle. On ne sait rien de son père, un peintre, ni des premières années de sa vie.

En 1503 il est à Vienne et produit ses premières œuvres connues: une Crucifixion dramatique, des portraits et le célèbre Repos pendant la fuite en Égypte, «une invention poétique», dit un historien.

En 1504, il s’établit à Wittenberg, siège de la cour de Saxe, et il restera jusqu’à son décès le peintre attitré des Électeurs de Saxe, des princes régnant sur cet État, membres du collège qui élisait l’empereur du Saint-Empire romain germanique. Cranach produit ses premiers chefs-d’œuvre, dont le retable de Sainte Catherine (1506) et les nus qui sont sa spécialité.

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En 1508, il se rend aux Pays-Bas et étudie la peinture flamande. Il subit aussi l’influence de l’art italien, du fait peut-être de l’artiste italien Jacopo de’ Barbari, fixé à Wittenberg.

Il associe des paysages de rêve avec des forêts, des montagnes dominées par des burgs. De plus en plus, il fait travailler ses fils et des apprentis. De son atelier sortent des tableaux en multiples exemplaires. Il produit aussi des gravures sur bois.

Ami de Luther, dont il fera des portraits, il contribue à la propagation de ses idées et réalise des tableaux bibliques. La venue au pouvoir de Charles Quint bouleverse le paysage politique. Son protecteur, le jeune Électeur Jean-Frédéric, rangé dans la coalition protestante, est battu, capturé, condamné à mort. Cranach va intercéder en sa faveur auprès de l’empereur et accompagne sa captivité et son retour à Weimar, nouvelle résidence électorale. Cranach y meurt en 1553.

Découvrir Cranach

Il y a deux façons de découvrir Cranach, visiter l’exposition et/ou s’en procurer le catalogue, un ouvrage magistral qu’il vaut la peine d’obtenir: Cranach et son temps, RMN –Skira-Flammarion, grand format, 315 x 230, 272 p., 361 illustrations. Cet ouvrage permet de «découvrir son œuvre et d’en approfondir la connaissance en la replaçant dans un contexte historique où les échanges étaient intenses et riches».

L’exposition propose quatre thèmes que le catalogue permet de suivre: L’Artiste. La cour, les Pays-Bas et l’Italie, Une peinture de la beauté féminine, Un acteur de la réforme protestante. Pour chacun de ces thèmes, le catalogue donne les reproductions des tableaux ou gravures exposés, avec une notice explicative et parfois un tableau de comparaison.

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La beauté féminine

«Le nu occupe une place centrale dans l’œuvre de Cranach.» Ses figures féminines d’une grande sensualité, sont empruntées à la mythologie (Vénus, Diane…) ou à la Bible (Ève, Judith…). «Aux formes lourdes et plates de Dürer, Cranach préfère des créatures au corps gracile, à la petite tête ronde, aux jambes longues, écrit E.C. Flamand, historien d’art.

Leurs seins sont ceux d’une vierge, mais le regard que laissent filtrer leurs yeux bridés est plein de provocation et le sourire de leurs lèvres est plein d’équivoque.» (Histoire générale de la peinture, 12, 86))

Cranach «représente des corps à la beauté parfois inquiétante, dont le canon se distingue très nettement des proportions idéales prisées à la Renaissance. Ces images ambiguës, mêlant érotisme et morale, à la signification souvent complexe, ont rencontré un énorme succès» (Prologue). Avec les nombreuses reproductions du livre, le lecteur pourra se faire sa propre idée. Le Musée des beaux-arts d’Ottawa possède une Vénus de Cranach.

Regards

Avant de présenter les œuvres de l’exposition, l’ouvrage offre des regards sur Cranach, couvrant divers aspects de ses travaux, comme peintre et graveur. Ces pages constituent une excellente introduction à la compréhension du maître.

«Sa notoriété de peintre, écrit le commissaire, sa position dans la société des puissants, sa proximité avec les cercles intellectuels, font de Lucas Cranach une des personnalités parmi les plus originales et les plus étonnantes du XVIe siècle européen.» Vraiment, une occasion à ne pas manquer de découvrir un peintre à «l’incontestable don poétique qui se manifeste dans ses nus et dans ses paysages.» (Flamand)

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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