La Commission accepte le fait que Gilles Caron utilise le français mais estime que, si les services d‘un interprète sont nécessaires, c’est lui qui doit payer pour ce service. Le texte des 51 pages de la transcription de l’audience du 28 juin 2007 où la juge a dû assumer la fonction de l’interprète, illustre bien le genre d’obstacles à franchir par les justiciables désirant utiliser le français devant les tribunaux de l’Alberta.
Le 14 septembre 2007, la juge Joanne Veit rend une décision favorable à Gilles Caron: elle somme le gouvernement de l’Alberta de payer les services d’un interprète pour l’audition d’une révision judiciaire « puisque M. Caron a le droit constitutionnel de s’exprimer en français au cours de l’audience, il est nécessaire d’avoir une transcription officielle de ses prétentions ».
Toutefois, cette ordonnance est portée en appel par la Commission. Le 5 août 2008, les juges Constance Hunt, Keith Ritter et Patricia Rowbotham, de la Cour d’appel de l’Alberta, confirment que l’appel de la Commission sera entendu. Par après, la Commission décide de mandater un juriste bilingue pour plaider cette cause et se désiste de son appel, privant ainsi les justiciables d’une décision judiciaire qui aurait pu clarifier l’exercice du droit d’employer le français devant les tribunaux albertains.
Le droit à utiliser le français n’est pas un droit à l’interprète sinon c’est réduire la langue française au rang d’un dialecte non reconnu devant le tribunal. Le droit à utiliser le français devant le tribunal est le droit d’être compris en français par le juge et, cela, sans interprète. Dans sa responsabilité constitutionnelle de voir à la bonne administration de la justice, l’Alberta a l’obligation de fournir un interprète non pas pour le juge mais pour les parties qui pourraient ne pas comprendre la langue utilisée par l’autre partie.
Pour donner une apparence de générosité envers les justiciables d’expression française, les législateurs albertains ont inscrit dans le texte de la Loi linguistique le droit de chacun d’employer le français ou l’anglais dans les communications verbales dans les procédures devant la Cour d’appel, la Cour du banc de la Reine et la Cour provinciale de l’Alberta.