Livre blanc sur les médias francophones de l’Ontario: des visées nationales

Le président de l'AFO, Carol Jolin, parle de son Livre blanc sur les médias... aux médias.
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Publié 26/09/2017 par Julien Cayouette

La création d’un Observatoire neutre des médias minoritaires canadiens est l’une des plus ambitieuses recommandations parmi les 27 que contient le Livre blanc sur les médias francophones de l’Ontario de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Les recommandations couvrent un large éventail de domaines et visent à créer un environnement propice à la survie des médias francophones de la province et du Canada.

L’Observatoire proposé aurait deux rôles: s’assurer que les changements auxquels consentirait un gouvernement sont appliqués — changements pour la publicité, le financement ou autres —  et être un outil de mesure de l’auditoire des médias francophones hors Québec.

Les systèmes actuels de calcul du public n’ont pas été conçus pour tenir compte des radios et des chaînes de télé qui œuvrent en milieu minoritaire. «Les radios savent qu’elles sont écoutées, mais quand tu n’as pas de chiffre», il devient difficile de le prouver aux annonceurs, souligne le président de l’AFO, Carol Jolin.

Il ne faut pas supposer que cet Observatoire aurait un pouvoir contraignant si un gouvernement ne respectait pas ses promesses. Il reviendrait donc aux divers organismes porte-paroles francophones de faire de nouvelles pressions sur le gouvernement, confirme M. Jolin.

Le directeur général des Médias de l’épinette noire — qui possède la radio CINN FM et le journal Le Nord à Hearst —, Steve Mc Innis, croit également que cet Observatoire est essentiel. «Quand tu essaies d’aller chercher de plus gros clients au niveau national, il faut des preuves comme que tu es écouté. Ça donne de la crédibilité à ta station aussi», explique-t-il.

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Andrée Newell, du CLÉ (Centre de leadership et d'évaluation), a aidé l'AFO à produire son Livre blanc sur les médias.
Andrée Newell, du CLÉ (Centre de leadership et d’évaluation), a aidé l’AFO à produire son Livre blanc sur les médias.

Financement

M. Mc Innis apprécie tout particulièrement la première recommandation, qui demande que 5% des budgets des campagnes publicitaires gouvernementales soit réservé aux médias francophones de l’Ontario, ce qui respecte le poids démographique des Franco-Ontariens. «Juste ça, ça partirait vraiment du bon côté», croit-il.

Même s’il est satisfait du document présenté par l’AFO, M. Mc Innis ne croit pas que toutes les recommandations pourront être appliquées. «Je ne sais pas où les gouvernements iraient chercher l’argent.»

Parmi les autres mesures, on compte l’adoption par le gouvernement ontarien d’une politique similaire à celle en cours pour le financement des médias ethniques et s’assurer que les municipalités continuent de publier leurs avis dans les journaux.

On suggère aussi d’appuyer le mouvement national de médias qui exige qu’il ne soit plus possible pour les annonceurs de profiter d’un crédit d’impôt lorsqu’ils annoncent sur Facebook et Google. Ce crédit avait originalement été créé pour la publicité dans les médias locaux.

Radios

Une recommandation vise plus particulièrement les radios francophones qui, en plus de la baisse de la publicité des gouvernements, ont perdu un programme d’appui en 1995. En suivant le modèle qui existe présentement au Québec, on suggère un financement de 50 000 $ par année pour les radios existantes et de 100 000 $ la première année pour de nouvelles stations.

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Steve Mc Innis avance que «ça prend absolument ça». «Ça nous permettrait de respirer et justement d’arrêter de faire des collectes de fonds et de concentrer ces énergies-là à créer du contenu.»

Il reconnait que CINN FM est dans une situation plus avantageuse que les autres radios communautaires de la province, avec une communauté qui appuie fortement sa station. Par exemple, à la mi-septembre, leur radiothon a permis d’amasser 21 500 $.

M. Jolin rappelle que les radios communautaires sont en danger et que le Mouvement des intervenants en communications radio de l’Ontario (MICRO) a dû fermer ses bureaux et mettre à pied son personnel. «Ce serait l’idéal d’avoir plus de radios communautaires, mais il faut s’assurer en premier lieu de faire vivre celles que l’on a», précise-t-il.

Numérique

Le rapport met à l’avant-plan le déploiement d’internet haute vitesse dans les régions éloignées et les récentes promesses du gouvernement canadien et du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’assurer que toutes les régions du Canada aient accès à une vitesse de téléchargement d’au moins 25 Mb/s d’ici 5 ans.

Du côté de Hearst, cet enjeu est d’ailleurs majeur. «C’est pathétique internet ici. Si on atteint 3 Mb/s, on est heureux», lance Steve Mc Innis. Ceci limite l’intérêt pour Le Nord et CINN FM de mettre plus de contenu en ligne, comme des vidéos ou même les fichiers audio de leurs émissions de radio.

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M. Jolin souligne que les ressources limitées des petits médias ne leur permettent pas de se lancer à «plein régime» dans le développement de stratégies web. «Si on veut être capable de suivre la vague, ça prend de la formation, ça prend des sous et ça prend une expertise». Une recommandation propose justement le financement d’un salaire à demi temps afin que les médias puissent améliorer leur offre numérique, et ce, jusqu’au rétablissement des revenus de publicités.

M. Mc Innis confirme cet état de fait, soulignant que la petite équipe de Hearst n’arrive pas à gérer ses sites internet aussi fréquemment qu’elle le voudrait.

Contenu

Le texte du Livre blanc rapporte que plusieurs intervenants qui ont participé aux consultations suggèrent une alliance plus forte entre les médias francophones et l’éducation de langue française. Que se soit en intégrant les jeunes dans la production de contenu ou par la mise sur pied d’un comité de travail incluant des représentants des conseils scolaires, du ministère de l’Éducation et des médias afin que ceux-ci fassent partie des stratégies d’aménagement linguistique.

On parle également d’appuyer la création d’un fonds journalistique par le gouvernement du Canada, le développement d’une application mobile qui serait un point d’entrée unique pour tous les médias francophones ontariens et une plus grande collaboration entre les médias d’une même région.

TFO et Radio-Canada

Les deux médias publics ne sont pas mis de côté dans le document. On suggère une modification du financement de TFO afin de mieux appuyer sa nouvelle culture numérique et ses projets «par et pour» les Franco-Ontariens.

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On recommande également l’abolition de la publicité à la télé de Radio-Canada avec une augmentation du financement fédéral pour compenser. Les auteurs croient qu’il sera ainsi plus facile pour la société d’État de donner plus de temps d’antenne aux communautés francophones, puisque le réseau n’aura plus à se soucier de plaire principalement à son plus grand bassin d’auditeurs, qui se trouve à Montréal et au Québec.

Prochaines étapes

Carol Jolin souligne que ce Livre blanc — comme un récent rapport du Commissariat aux langues officielles — rappelle que «Patrimoine canadien à une responsabilité dans la vitalité de la francophonie partout au Canada, et cette vitalité à besoin de ses médias».

«Je suis ouvert à d’autres recettes, mais celle qu’on préconise est le retour de la publicité. C’est ce que nous allons dire à la ministre Mélanie Joly pour qu’elle comprenne bien ce que nos médias vivent présentement», affirme-t-il.

L’AFO compte présenter le Livre blanc aussitôt que possible à la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Marie-France Lalonde, ensuite à Patrimoine canadien.

Carol Jolin mentionne que les autres livres blancs produits par l’AFO ont été très appréciés par les parlementaires, qui lui ont dit que ce sont des documents avec lesquels ils peuvent travailler. «C’est une source consultée», précise-t-il.

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On pourrait argumenter que le premier livre blanc de l’AFO, celui sur la santé, a permis d’obtenir des résultats concrets après plusieurs années de travail, alors qu’on souligne pourtant dans ce Livre blanc sur les médias que la situation est urgente.

Peut-on s’attendre à des actions plus rapides? M. Jolin espère que oui, et est encouragé par le nouveau financement obtenu récemment par le Conseil des arts de l’Ontario, quelques mois seulement après le dépôt de leur Livre blanc sur les arts et la culture.

Avant la conférence de presse de l'AFO au restaurant de l'Assemblée législative, la ministre Marie-France Lalonde organisait son troisième petit-déjeuner «French-ment bon!» auquel ont participé plusieurs parlementaires des trois partis, hauts fonctionnaires et chefs de conseils scolaires et organismes communautaires.
Avant la conférence de presse de l’AFO au restaurant de l’Assemblée législative, la ministre Marie-France Lalonde organisait son troisième petit-déjeuner «French-ment bon!» auquel ont participé plusieurs parlementaires des trois partis, hauts fonctionnaires et chefs de conseils scolaires et d’organismes communautaires.

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