L’irrémédiable œuvre du temps 

David Bélanger, En savoir trop, nouvelles, Longueuil, L’instant même, 2019, 138 pages, 19,95 $.
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Publié 03/05/2020 par Paul-François Sylvestre

Directeur de rédaction d’XYZ La revue de la nouvelle, David Bélanger a récemment publié un recueil intitulé En savoir trop. Dès la première page, la dédicace pique notre curiosité: «À ceux et celles dont j’ai pillé les angoisses.»

Situations étranges

Dans ce recueil de quinze nouvelles, les lieux et les situations, aussi familiers soient-ils, basculent tranquillement vers l’étrange.

Ainsi, un petit garçon est «emprisonné toute sa vie dans le sous-sol d’une église, ayant pour geôlier son diacre de grand-père qui n’avait jamais digéré Vatican II et, pour la pureté de son âme, avait choisi de l’élever dans le latin de son enfance».

Plus loin, on ne saurait dire si le soleil se lève ou se couche. Un couple marche vers la garderie, le siège de la poussette est vide, il ignore s’il allait porter la petite Raphaëlle à la garderie ou plutôt tout bonnement la chercher…

Rebondissements

En lisant un recueil de nouvelles, j’ai tendance à commencer par les plus courtes. J’aime ça lorsqu’il y a un punch final.

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J’ai été bien servi par un texte d’une page et demie qui commence sur ce ton: «Il avait le pas traînant de ceux qui ont trop voyagé…» et qui se termine sur cette courte phrase: «Le vieil homme retourna l’arme contre lui.»

Les récits sont rythmés et, l’air de rien, un personnage se désagrège.

L’amoureux d’une dame est d’une telle carrure qu’elle craint que la toilette perfore le sol lorsqu’il se hasarde à y trôner. Quelque chose dans sa conscience s’est lézardée, «l’idée de la permanence du sol, de la solidité des matériaux, la possibilité qu’à chaque défécation, il tombe là où va la merde».

Combats perdus d’avance

Chaque nouvelle semble avoir été inspirée par des gens ordinaires brillamment observés par un auteur que l’on devine amusé, voire un peu cynique.

Comme ce prof qui s’écrie devant ses étudiants: «Vous pouvez pas comprendre. Parce que, pour vous autres, je suis juste un gars qui pète sa coche. Un professeur trop sévère un peu surmené.»

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Peut-être qu’en terminant la lecture d’En savoir trop, vous vous demanderez si vous êtes prêts à continuer de mener des combats que vous savez perdus d’avance… L’important, c’est de bien saisir «l’irrémédiable œuvre du temps».

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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