L’identité volée de Jane

Ma Part manquante, un documentaire d'Aurélie Resch

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Publié 11/11/2008 par Khadija Chatar

Mardi dernier, le 4 novembre, la salle Pierre Léon de l’Alliance française de Toronto était pleine à l’occasion de la projection du dernier film d’Aurélie Resch, Ma part manquante. Un documentaire sur l’histoire d’une femme autochtone adoptée par des Québécois auxquels le gouvernement d’antan fit croire, sans scrupule, qu’elle était mexicaine.

Dans ce film, on voit Jane Dawson qui, jusqu’à ses 34 ans, croyait donc être d’origine mexicaine. Elle raconte comment, encouragée par ses parents, elle s’accrocha de façon ostentatoire à cette culture usurpée allant jusqu’à l’inclure dans son quotidien. Elle grandit ainsi avec ces plats et cette musique ensoleillés. L’été, la voilà partie dans ce pays du Sud et porter l’accoutrement folklorique mexicain.

Elle nous raconte comment elle espérait, au fond de son cœur, retrouver sur les visages latins qu’elle croisait une filiation perdue.

«J’ai rencontré Jane un soir pour le lancement d’un magazine, son histoire m’avait beaucoup touchée. Elle venait à peine de recevoir cette lettre du gouvernement qui lui affirmait qu’elle était autochtone. Elle avait donc bâti sa vie sur 34 ans de mensonges, je lui ai proposé de porter son histoire sur écran», disait Aurélie Resch au public de l’Alliance française.

Dans ce documentaire, Aurélie suit Jane qui s’en va à la recherche de ses racines. Des racines qui l’ont conduite à Betsiamites où elle retrouve son frère biologique ainsi que le lieu où repose en paix, Lorraine, la mère tant rêvée. «Ma vie n’a réellement commencé que quand j’ai découvert que j’étais autochtone. J’ai vendu ma maison de Toronto où je vivais avec ma famille pour m’installer à Betsiamites auprès des gens de ma communauté», disait Jane. L’ironie du sort a voulu que cette femme, qui est parvenue après tant d’années à reconstituer le puzzle identitaire, entreprenne les démarches d’adoption d’un enfant mexicain.

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L’ancien directeur du Native Canadian Center of Toronto, Robert Adams faisait partie du documentaire d’Aurélie Resch. Il y apportait un point de vue historique et sociologique sur l’évolution de la politique canadienne envers les autochtones. Après la projection à l’Alliance française, il a participé, aux côtés de Jane, à un échange avec le public réuni. «L’histoire de cette femme est un archétype. C’est un exemple parmi des milliers d’autres personnes qui sont à la recherche de leurs parents biologiques.»

Selon lui, il y a encore vingt ans, il était très difficile d’afficher ouvertement sa culture autochtone. «À l’université, dans les années 70, c’était très difficile d’être un Amérindien en public. Dans les années 80, la ségrégation était tellement forte que nos cérémonies furent interdites. Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé, heureusement.» Une évolution des mentalités qui s’expliquerait, selon lui, par l’éducation massive de ces dernières années.

La bobine de Ma part manquante a traversé le pays et fut même acheminée jusqu’au Mexique. «Lorsque nous avons montré ce film à Betsiamites, en août dernier, j’étais surprise de voir 140 personnes venir, alors que c’est une toute petite ville. Il y avait des personnes âgées dont certaines sont venues m’embrasser à la fin en me disant merci!», confiait Jane.

Aurélie Resch, qui évolue dans le monde cinématographique depuis douze ans, a levé le voile sur des injustices scandaleuses qui régnaient au Canada, et où tant de minorités visibles évoluent. Un passé honteux dans un pays qui se réclame, pourtant aujourd’hui, la terre promise de tous les immigrants.

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