L’hémisphère dominant de notre cerveau explique notre personnalité? Faux!

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Nous utilisons les deux hémisphères de notre cerveau presque en tout temps. Photo: Database Center for Life Science / Wiki Commons / CC 2.0
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Publié 30/06/2024 par Kathleen Couillard

C’est une croyance populaire sur le cerveau qui survit au passage des décennies: les personnes rationnelles utiliseraient davantage l’hémisphère gauche de leur matière grise, alors que les personnes créatives auraient plus souvent recours à l’hémisphère droit.

Il s’agit d’un (autre) neuromythe.

Des aires spécialisées

À la base, il est exact que notre cerveau possède des aires spécialisées. C’est ce qu’a constaté en 1960 le neuropsychologue et neurobiologiste américain Roger Sperry, à partir de ses expériences sur des patients dont les deux hémisphères du cerveau avaient été séparés pour soigner leur épilepsie.

Sperry a ainsi démontré que l’hémisphère gauche était spécialisé dans le langage, alors que le droit était plutôt impliqué dans les fonctions émotionnelles et non verbales. Un travail qui lui vaudra en 1981 le prix Nobel de médecine.

Il n’était toutefois pas question de «personnalités» dominantes. En fait, rappelait en 2014 le psychologue néo-zélandais Michael Corballis, cette «asymétrie» du cerveau est «répandue parmi les animaux».

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Une notion séduisante

L’idée que le «côté dominant» de notre cerveau influencerait notre personnalité et nos aptitudes va néanmoins prendre son envol.

Par exemple, la professeure d’art Betty Edwards a publié en 1979 le livre Dessiner grâce au cerveau droit, qui affirmait que l’hémisphère droit était responsable de la créativité.

En 2009, le psychiatre Iain McGilchrist a écrit un livre intitulé The Master and His Emissary, où il explique que l’hémisphère droit est le dominant en général, et que c’est ce qui a modelé la culture occidentale.

Dans un article qu’elle consacre à cette question, l’encyclopédie Britannica constate qu’il y a «une petite industrie» qui lui est consacrée: plusieurs livres de croissance personnelle, des tests de personnalité et des thérapies sont basés sur cette prétendue opposition entre le cerveau gauche et le cerveau droit.

Oui, le cerveau est asymétrique

Longtemps, les scientifiques avaient cru qu’un être vivant en santé avait des organes symétriques et que cela incluait le cerveau.

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Cependant, en 1860, le médecin français Paul Broca remarque, en étudiant des patients qui avaient perdu l’usage de la parole, qu’ils souffraient tous de lésions dans l’hémisphère gauche.

Le scientifique allemand Karl Wernicke est arrivé peu de temps après à la même conclusion pour la compréhension du langage.

Les scientifiques ont alors dû convenir que le cerveau était bel et bien asymétrique. On le constate autant en raison des différences structurelles que des différences fonctionnelles qui existent entre les deux hémisphères, observaient des chercheurs chinois dans un article publié en 2023.

Autrement dit, il existe des différences dans le volume de la matière grise, l’épaisseur du cortex, l’intégrité de la matière blanche et la connectivité de chaque hémisphère. Par exemple, l’aire de Broca, responsable du langage, est plus grosse que sa région homologue dans l’hémisphère droit, soulignaient des chercheurs américains dans un article de 2003.

Droitiers et gauchers

Au niveau du fonctionnement, le principal signe de l’asymétrie de notre cerveau est le fait que nous avons généralement une préférence pour la main droite ou la main gauche, remarquait Michael Corballis.

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Le langage est aussi l’une des fonctions les plus latéralisées, notaient en 2016 des chercheurs de la Californie.

Comme l’avait observé Roger Sperry, l’hémisphère gauche, ou du moins une aire de l’hémisphère gauche, est bel et bien le siège du langage, tout comme cet hémisphère est le siège de la gestuelle et de l’utilisation des outils.

Alors que le droit s’occupe plutôt du traitement des émotions et des stimuli provenant de l’environnement.

Par exemple, les patients avec une lésion à l’hémisphère droit sont émotionnellement indifférents face à un événement catastrophique. De plus, les signaux visuels activent généralement l’hémisphère droit.

Un côté plus important que l’autre?

Mais ce n’est pas aussi simple, rappelaient en 2005 les experts en neurosciences Giorgio Vallortigara et Lesley Rogers. Par exemple, le langage est localisé dans l’hémisphère gauche pour 95 à 99% des droitiers, alors que c’est le cas pour seulement 70% des gauchers.

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Cela signifie que le cerveau n’est pas «latéralisé» de la même façon chez tous les individus.

On peut aussi en déduire qu’il y a des avantages, du point de vue de l’évolution, à avoir un cerveau asymétrique, mais que cela ne dépend pas de quel hémisphère est spécialisé.

Des chercheurs américains l’ont démontré en 2013 dans une étude réalisée auprès de 1101 individus de 7 à 29 ans. Grâce à l’imagerie médicale, ils ont analysé l’activation de 7000 régions du cerveau pour déterminer si un hémisphère était plus actif que l’autre. Ils ont remarqué que l’activité du cerveau était très similaire d’une personne à l’autre.

Ces résultats ne soutiennent donc pas l’idée qu’il existe des gens avec un «cerveau droit» et d’autres avec un «cerveau gauche».

Mathématiciens vs artistes

Si l’on réalisait des tests d’imagerie du cerveau sur un groupe de mathématiciens et sur un groupe d’artistes, on ne verrait pas de différences marquées, renchérissait en 2022 le médecin Robert Shmerling, de l’École de médecine de l’Université Harvard.

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Autrement dit, nous utilisons les deux côtés de notre cerveau presque en tout temps, insistait en 2013 Kara Federmeier, professeure de psychologie à l’Université de l’Illinois dans une entrevue accordée à la radio publique NPR.

Par exemple, des données ont montré que la pensée créative active un vaste réseau dans le cerveau et ne favorise pas un hémisphère plus que l’autre, expliquait en 2014 Michael Corballis.

Dans le cas du langage, c’est surtout l’hémisphère gauche qui retrouve les mots. Mais certaines régions de l’hémisphère droit sont aussi activées et peuvent compenser si le gauche est endommagé, rappelaient en 2016 les chercheurs de la Californie.

Les hémisphères travaillent ensemble

De plus, l’hémisphère droit est important pour reconnaître le ton, le rythme et l’accent, alors que l’hémisphère gauche s’occupe de la syntaxe et de la sémantique, observaient en 2020 des chercheurs allemands dans une revue de la littérature scientifique sur la latéralisation du cerveau.

Quant aux habiletés en mathématiques, elles nécessitent également l’activation de chaque hémisphère, notait Kara Federmeier en 2013. Le gauche permet de compter et de se rappeler les tables de multiplication, alors que le droit est utile pour estimer des quantités.

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Verdict

Certaines fonctions du cerveau sont bel et bien localisées de façon préférentielle dans un hémisphère plutôt que l’autre. Cependant, il n’y a pas de différences marquées en fonction de la personnalité, puisque nous utilisons les deux hémisphères de notre cerveau presque en tout temps.

Auteurs

  • Kathleen Couillard

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

  • Agence Science-Presse

    Média à but non lucratif basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada.

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