L’exorcisme en pleine croissance

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Publié 06/11/2007 par Paul-François Sylvestre

Si le catholicisme est une religion qui possède des valeurs universelles partagées par plus d’un milliard de fidèles, c’est aussi une institution constituée au long de plusieurs siècles, au contact de nombreux pays, rassemblant divers courants qui proposent différentes solutions pour enrayer le mal. L’une de ces solutions est l’exorcisme, une pratique officiellement reconnue par le Vatican.

Dans un ouvrage intitulé Les Exorcistes du Vatican: chasseurs de diable au XXIe siècle, la correspondante du Los Angeles Times à Rome, Tracy Wilkinson, lève le voile sur cette pratique extrêmement répandue en Italie. Elle a interrogé des exorcistes et des personnes exorcisées, elle a assisté à des exorcismes, elle a fouillé la petite et la grande histoire de ce rituel et elle nous en brosse un portrait éloquent à l’heure où se multiplient les dérives des sciences occultes et autres sectes sataniques.

En 2005 à Todi, dans les collines d’Ombrie situées au nord de Rome, cent vingt exorcistes se réunissent pour échanger des idées et des témoignages sur les cas qu’ils ont traités. À n’en point douter, «le désensorcellement est un secteur en pleine croissance».

Selon l’auteure, nous vivons dans un monde où les revers, les difficultés et les souffrances incitent plusieurs personnes à «concevoir le mal sous une forme concrète ou personnifiée – sans parler des simplifications – afin de trouver une façon de le bannir». Une prière rituelle permettant de chasser le mal constitue dès lors un espoir, une bouée de sauvetage.

Toutes les anciennes cultures, des Babyloniens aux Égyptiens, évoquent des entités démoniaques et diverses formes d’exorcismes. Le judaïsme, l’islam et d’autres religions comportent des références à des rituels de purification, de libération, d’exorcisme. «Mais seule l’Église catholique romaine a codifié et institutionnalisé cette pratique d’une manière aussi approfondie.»

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Dès 1576, un manuel détaillé à l’usage des exorcistes est publié et approuvé par le Vatican. Au XVIIe siècle, la croyance dans le pouvoir de Satan alimenta une véritable chasse aux sorcières et confina à l’hystérie. Avec le résultat que, à partir du XVIIIe siècle, l’exorcisme cessa temporairement de jouir du soutien de la hiérarchie catholique. Les avancées scientifiques et médicales contribuèrent à orienter la pensée dans d’autres directions.

Pendant la majeure partie du XIXe siècle, l’exorcisme devint une source d’embarras pour le Vatican. Puis Léon XIII, pape de 1878 à 1903, voit en songe une armée de démons tentant de se diriger vers Rome. Il rédige alors une prière d’exorcisme qui fut incluse dans le Rituel romain.

Lors du Concile Vatican II, au milieu des années 1960, l’exorcisme devient un «sacrement ignoré» ou mis en veilleuse. «Jusqu’alors, tous les prêtres pouvaient accomplir des exorcismes après avoir été ordonnés. L’Église déclara que désormais, seuls les évêques pouvaient nommer des exorcistes et les autoriser à pratiquer ce rituel.»

Dans les années 1970 et 1980, le retour de l’exorcisme fut encouragé par l’importance croissante du mouvement catholique de Renouveau charismatique. Jean-Paul II approuva cette pratique et, «selon certaines informations, il aurait pratiqué au moins trois exorcismes». En 1999, le Vatican publia un document de 90 pages sur le rituel des exorcismes, qui reprenait presque mot à mot un document de 1614. Seuls les évêques pouvaient encore nommer des exorcistes.

Au tout début de son pontificat, Benoît XVI loua un groupe d’exorcistes réunis en congrès au centre de l’Italie: «Je vous encourage à poursuivre votre important ministère au service de l’Église, soutenus par l’attention vigilante de vos évêques et par les prières constantes de la communauté chrétienne.» De 20 exorcistes en 1986, l’Italie était alors passée à environ 150.

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Au terme de ses recherches, l’auteure écrit qu’«un bon exorciste est un prêtre qui est un croyant fervent, exempt de tout péché. Il doit être absolument pur, sinon le diable profiterait de ses faiblesses. En outre, ce prêtre bénéficie d’un avantage considérable s’il voue un culte particulier à la Vierge Marie, qui est une ennemie farouche de Satan.» L’exorciste doit être revêtu d’une soutane, porter un surplis et une étole violette.

Pour que l’exorciste soit témoin d’une authentique possession du diable, il faut que la personne à exorciser manifeste une force surhumaine, qu’elle s’exprime dans des idiomes ou des langues qu’elle ne connaît pas, qu’elle révèle certaines connaissances étrangères à sa culture ou des choses secrètes qu’elle ne peut connaître, et qu’elle profère de violents blasphèmes et témoigne d’une profonde aversion pour les symboles sacrés.

Tracy Wilkinson conclut son ouvrage en citant l’exorciste le plus connu en Italie, le père Gabriele Amorth qui, interrogé par Radio Vatican sur l’authenticité de la possession démoniaque, répondit de manière catégorique: «Le diable peut non seulement posséder des individus, mais également des groupes ou des populations entières. Je suis convaincu par exemple que tous les nazis furent possédés par le diable. Lorsque l’on pense aux actes commis par des hommes comme Staline ou Hitler… on ne peut que conclure qu’ils étaient possédés par le diable.»

Tracy Wilkinson, Les Exorcistes du Vatican: chasseurs de diable au XXIe siècle, essai traduit de l’anglais par Carisse et Gérard Busquet, Montréal, Éditions Québec Amérique, coll. Dossiers et Documents, 2007, 210 pages, 19,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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