J’ai 4 ans. Je regarde fixement la bougie que je viens de démouler avec ma mère. Elle a un faciès impressionnant. Un visage tout en longueur, le nez plongeant, les traits dénués d’expression. «On trouve ces statues de visages dans une île très loin, perdue au milieu du Pacifique. L’île de Pâques.» Je n’ai pas allumé cette bougie. Je l’ai regardée. Encore et encore.
40 ans après, je fixe les Moaï épars devant moi, sur «le nombril du Pacifique». Rapa Nui pour les natifs, l’Île de Pâques pour les Occidentaux. Un caillou à quelque 3 700 km des côtes chiliennes et 4 000km de Tahiti. Austères, ces visages de pierre semblent regarder au-delà, vers les âmes qu’ils sont censés protéger.
«Tu sais, ici c’est une île de mystères et de légendes. Il n’y a aucune certitude. Que des théories», me dit Tavi, mon guide Rapanui chez Explora.
Ça me va. Nous parcourons la lande en bord de mer depuis deux bonnes heures après avoir quitté la carrière aux Moaï, sur les flancs du volcan Rano Raraku.
Tavi m’a expliqué que ces statues à la tête surdimensionnée ont été sculptées ici dans le tuf volcanique, puis transportées et érigées dos à la mer, face au village où vivaient de preux guerriers ou des seigneurs, en leur honneur. Pour accompagner leur âme et protéger les leurs.