Professeur au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, Patrice Corriveau a récemment publié La Répression des homosexuels au Québec et en France: du bûcher à la mairie (Éditions du Septentrion). L’auteur signe un ouvrage très fouillé qui s’appuie sur des recherches historiques, sociologiques et juridiques. Bien que le style soit très universitaire, cet essai a le mérite de brosser le portrait d’une réalité trop longtemps occultée.
L’auteur remonte jusqu’à la régulation sociale des mœurs homoérotiques dans la Grèce antique. Il examine comment le Moyen-Âge a valsé entre tolérance et répression vis-à-vis des homosexuels, il explique comment le sodomite a souvent été le bouc émissaire parfait pour les législateurs du XVIe siècle et à quel point l’homosexualité a été philosophiquement réprimée durant la Renaissance mais juridiquement tolérée.
Pour étudier la question de la répression des homosexuels, Corriveau a choisi de comparer la France et le Québec. Il note que ces deux sociétés sont d’abord régies par la Grande Ordonnance de Louis XIV à partir de 1670. Cette Ordonnance condamne le sodomite tant dans la colonie que dans la mère patrie: «Son vice allant à l’encontre de la nature divine de l’homme, il mérite un châtiment à l’image de son crime: exemplaire, puni selon ce que la justice divine en a tiré, le bûcher.»
C’est avec la Conquête britannique de 1760 que les sociétés française et québécoise empruntent des chemins différents. La nouvelle colonie britannique est soumise à un régime pénal fortement répressif, particulièrement à l’égard de la morale publique. Les comportements homoérotiques sont présentés comme des actes impurs, des crimes contre nature.
Mais c’est surtout le discours catholique, omniprésent à partir de 1840, qui dicte les mœurs et la moralité aux Canadiens français tout au long du XIXe siècle. «Les comportements homoérotiques, consentants ou non, sont lourdement réprimés par la doctrine pénale, la peine capitale n’étant officiellement proscrite qu’en 1861.» Néanmoins, aucun sodomite n’a été pendu au Canada français durant le XVIe siècle.