Les Conservateurs préfèrent la tradition à l’audace

Maxime Bernier et Andrew Scheer
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Publié 28/05/2017 par François Bergeron

Andrew Scheer a été élu samedi soir chef du Parti conservateur du Canada. Cet ancien courtier en assurances de 38 ans, marié et père de cinq enfants, député de Regina-Qu’Appelle depuis 13 ans, a été président de la Chambre des communes mais jamais ministre dans le gouvernement de Stephen Harper.

Avec 50,95% des quelque 140 000 votes des membres du parti, il a devancé au 13e tour de scrutin l’ex-ministre Maxime Bernier, qui a obtenu 49,05% après avoir mené pendant toute la soirée et, de fait, pendant les derniers six à huit mois de cette course, récoltant notamment plus d’argent que presque tous ses adversaires réunis.

Allouant à chaque circonscription le même nombre de votes – pour stimuler les adhésions dans les grandes villes et au Québec – le Parti conservateur a utilisé le système préférentiel à choix multiples… Le même système auquel il s’est opposé pour tout le pays lors du débat sur la réforme électorale (finalement abandonnée par le gouvernement libéral).

Un «congrès au leadership» rassemblait les membres à Toronto, mais les votes ayant été postés d’avance, il ne servait que de forum pour dévoiler des résultats et applaudir le nouveau chef. Les journalistes sont souvent nostalgiques de ces congrès survoltés dont l’issue dépendait parfois de tordage de bras et d’alliances de dernières minutes, mais le nouveau système paraît plus démocratique.

Le premier tour de scrutin a confirmé qu’une demi-douzaine de candidats marginaux n’avaient pas d’affaires là et n’ont servi qu’à étirer les débats:

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Maxime Bernier 28,89%  (49,05 au 13e tour)

Andrew Scheer 21,82  (50,95 au 13e tour)

Erin O’Toole 10,65  (21,26 au 12e tour)

Brad Trost 8,35  (14,30 au 11e tour)

Michael Chong 7,55  (9,14 au 10e tour)

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Pierre Lemieux 7,38

Kellie Leitch 7

Lisa Raitt 3,34

Steven Blainey 1,26

Chris Alexander 1,12

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Kevin O’Leary 1,07  (des votes en sa faveur avaient été postés avant qu’il ne décide en avril de se retirer de la course)

Rick Peterson 0,65

Andrew Saxton 0,5

Deprak Obhrai 0,41

Mais ce sont surtout les divisions entre Conservateurs «sociaux» et «économiques», «nationalistes» et «oecuméniques», qui ont été éclairées.

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Le parti est divisé en quatre: dans le coin droit les «anciens» Leitch, Lemieux et Trost; dans le coin gauche les «modernes» Raitt, Chong et O’Toole; au-dessus de cette mêlée le «libertarien» Bernier; et en plein centre le nouveau chef Andrew Scheer, «personnellement» pour ceci ou contre cela, sans nécessairement que ça se retrouve dans son programme de candidat, encore moins dans celui du parti en 2019.

À quoi sert, au juste, de se dire «personnellement» religieux, contre l’avortement ou le mariage gai ou l’aide à mourir ou la légalisation de la marijuana… mais opposé à rouvrir ces débats? On vient de le voir: ça sert à récolter les seconds choix de candidats intraitables sur ces questions, qui couleraient le parti aux prochaines élections.

Andrew Scheer a cependant promis de ne pas museler ses députés et ses alliés. Il a d’ailleurs aussi averti que les universités qui brimeraient la liberté d’expression sur leur campus – un réflexe encore rare chez nous, mais qu’il faut certainement éradiquer – risqueraient de perdre des subventions fédérales sous son gouvernement.

Parmi les «solutions conservatrices» qu’il entend proposer aux Canadiens, mentionnons: le retour à l’équilibre budgétaire, après les années libérales déficitaires; des réductions de taxes et d’impôts afin de créer des emplois dans le secteur privé; mais aussi la fin de «l’aide sociale aux entreprises» (bonjour Bombardier!) et du copinage entre les lobbyistes et le gouvernement. «La société, c’est plus que le gouvernement», rappelle-t-il.

Il veut aussi: éliminer la «taxe carbone» censée contribuer à la lutte contre les changements climatiques; exempter de la taxe fédérale les factures de chauffage des maisons; renvoyer nos avions achever l’État islamique…

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Andrew Scheer est jeune, sympathique et rassembleur, mais il n’est pas aussi audacieux que ne l’aurait été Maxime Bernier. C’est un atout ici: le programme économique de «Mad Max» aurait prêté flanc aux attaques les plus virulentes des Libéraux et des Néo-Démocrates, et il aurait nécessité des explications dépassant l’attention moyenne des gens.

Sheer devra travailler à améliorer son français. Et chaque fois qu’il a parlé français, c’était pour s’adresser aux Québécois; on devra lui rappeler qu’il y a aussi des francophones ailleurs.

Au dernier moment, les Conservateurs ont opté pour la prudence: aux prochaines élections, Justin Trudeau et le prochain chef du NPD ne réussiront pas à diaboliser Andrew Scheer comme on l’avait fait pour Stephen Harper en 2015.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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