Les artisans des théâtres francophones en pleine transition

Défis de recrutement après la pandémie

Les artisans des théâtres francophones
Une des deux salles du Berkeley Street Theatre, où le TFT se produit le plus souvent. Photo: Manuel Verreydt, TfT
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Publié 28/03/2021 par Inès Lombardo

Célébrée le 27 mars de chaque année, la Journée mondiale du théâtre prend une couleur particulière en 2021. Dans les coulisses des théâtres francophones canadiens, le défi majeur s’annonce être le recrutement des professionnels de l’arrière-scène.

Régisseurs, costumiers, techniciens

Lindsay Tremblay, directrice générale de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC), est formelle: dès les premières annonces de confinement et de fermeture des lieux culturels, il y a un an, la priorité pour les compagnies de théâtre a été d’offrir le plus de travail possible malgré les contraintes.

Régisseurs, costumiers, concepteurs de décors et techniciens n’ont pas été laissés de côté.

«Cela a pu se faire en partie grâce à la flexibilité des bailleurs de fonds, qui encourageaient les compagnies à payer les cachets», complète-t-elle.

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«Mais ce qui est difficile pour l’arrière-scène, c’est que lorsqu’on n’est pas capable d’être en salle, il n’y a pas beaucoup de job pour les régisseurs et les techniciens. Normalement, ils sont en tournée. Et pour l’instant, nous n’avons aucune idée de la date de reprise des déplacements.»

La directrice signale une nuance pour les régisseurs, qui peuvent au moins faire partie d’un processus de création sur Zoom pour prendre des notes, documenter et préparer des répétitions éventuelles.

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Lindsay Tremblay. Photo: Clément Forestier

Des artisans se réinventent

En revanche, les techniciens n’ont pas pu être en salle de spectacle pour installer un décor ou un éclairage de spectacle.

«C’est vraiment difficile pour eux, note Lindsay Tremblay. Plusieurs se sont convertis dans la mesure du possible au numérique théâtral. Et ç’a été quand même un défi, car ce n’est pas du cinéma qu’on fait.»

La directrice de l’ATCF souligne que l’accès aux plateaux de tournage cinématographiques a été salvateur pour de nombreux artisans du théâtre durant la pandémie.

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Cependant, plusieurs se sont tournés vers d’autres milieux de travail, s’éloignant de l’univers théâtral. Comme le gouvernement, qui «offre un peu plus de stabilité, surtout en ce moment, ajoute Lindsay Tremblay. Le bassin des artisans était déjà hyper fragile, il l’est encore plus en ce moment. Et il continue de diminuer».

Recyclage des artisans

Ghislain Caron, directeur administratif et général au Théâtre français de Toronto (TfT), fait écho aux propos de Lindsay Tremblay sur ce «recyclage» des artisans sous plusieurs formes.

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Allain Roy

Il donne l’exemple d’un de ses anciens comédiens, devenu régisseur. «On est en train de lui donner le maximum de travail possible pour qu’il continue de faire encore plus partie de la grande famille du Théâtre français de Toronto. On le met dans des rôles de régie un peu différents à cause de la pandémie.»

Allain Roy, directeur artistique et codirecteur général du Théâtre populaire d’Acadie (TPA) observe que les comédiens ont eu plus de faciliter à continuer d’œuvrer dans le milieu théâtral comparativement aux professionnels des coulisses. En conséquence, la difficulté de trouver des travailleurs pour ces postes s’est accrue avec la pandémie.

Les sirènes du numériques

Cette réalité varie toutefois d’une ville à l’autre. Certains théâtres n’ont pas vécu ces difficultés, comme l’illustre Alain Grégoire, directeur intérimaire du théâtre La Seizième à Vancouver.

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Là-bas, les corps de métiers d’arrière-scène ont «pu en majorité continuer leur travail», qui n’a pas forcément eu lieu sur les plateformes numériques.

«Esther Duquette [directrice artistique et générale de La Seizième] a résisté aux sirènes du numérique», souligne Alain Grégoire. «On utilise des technologies qui s’apparentent au numérique, mais on a réussi à ne pas transformer la relation et à ne pas faire appel uniquement à ce biais-là», affirme-t-il.

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Alain Grégoire

L’avenir sous le signe de la formation

Cette réinvention des artisans a quelque peu épuisé le milieu du théâtre: Lindsay Tremblay craint que les techniciens ou autres professionnels du théâtre hors scène s’étant tournés vers d’autres métiers disparaissent du milieu.

C’est pour cette raison que l’ATFC prévoit miser sur la formation continue. Un projet visant à faciliter le réseautage entre les membres et les artisans dans la francophonie canadienne est dans les cartons de l’association. Il s’agirait de créer un réseau d’échange des expertises.

Lindsay Tremblay ne souhaite pas partager les détails dans l’immédiat, mais l’ATFC a clairement choisi un angle d’attaque pour tenter d’endiguer cette pénurie des professionnels d’arrière-scène.

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Dans les universités

«On va être obligés de faire de la formation, d’engager du monde qui n’est pas nécessairement formé en régie, en technique ou en direction de production pour développer un petit bassin d’artisans», confirme-t-elle.

À ses yeux, les universités de Moncton, d’Ottawa et la Laurentienne seraient de bonnes candidates pour proposer ce type de formations. «Mais il n’y a pas tant de monde que ça dans ces filières», contrebalance-t-elle.

Pour l’instant, les rares étudiants sont formés par visioconférence : «Ce n’est pas bon pour la relève. Je pense qu’à un moment, on va avoir un trou qu’il va falloir combler autrement», craint la directrice.

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L’équipe du Théâtre français de Toronto. À gauche Joël Beddows. Au centre: Ghislain Caron. À l’arrière à gauche: Manuel Verreydt.

L’autre défi: trouver des francophones

Lindsay Tremblay, directrice de l’ATFC, met en lumière l’autre défi particulier pour les compagnies francophones: dans l’Ouest, certains membres de l’association peuvent davantage travailler en anglais, car leur bassin de professionnels des coulisses francophones est rétréci, comparativement à d’autres provinces.

Un constat que fait également Alain Grégoire, directeur intérimaire de la compagnie La Seizième, à Vancouver: «Ici, pour ceux qui sont sur scène, la maitrise du français est indispensable, car nous sommes un théâtre qui joue en français.»

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«En revanche, pour [combler les postes] qui ne sont pas directement liés au jeu ou à la direction du jeu, là, La Seizième doit puiser dans un bassin qui n’est pas exclusivement francophone, et cela, depuis plus de 50 ans.»

La situation est similaire à Toronto d’après Manuel Verreydt, directeur des communications et du marketing au Théâtre français de Toronto: «Au niveau des écoles et des formations, on a besoin que ces métiers soient plus développés pour avoir accès à de nouveaux employés dans le futur, car on a toujours du mal à trouver quelqu’un qui est francophone et qui s’intéresse à l’arrière-scène.»

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