L’épopée est-elle toujours d’actualité?

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Publié 29/03/2011 par Gabriel Racle

Le mot épopée l’est en tout cas. On le trouve de plus en plus dans des titres: L’épopée de l’énergie, L’épopée de la beauté, L’épopée des personnes handicapées dans les transports; c’est le nom d’un théâtre, d’un restaurant, de musées, comme l’Épopée de la moto au Québec, L’Épopée des Élus, un jeu sur Nintendo, et la liste pourrait se poursuivre.

Un genre littéraire

On en oublierait que l’épopée est d’abord un genre littéraire, et que ces utilisations ne sont que des extensions de sens. L’épopée est un récit qui met en scène les exploits d’un héros, un fait d’armes, une action illustre, qui valorisent une personne, un peuple, une religion, une nation, pour servir des intérêts historiques, religieux, patriotiques, politiques ou autres.

Ce genre littéraire n’est pas récent. La plus ancienne épopée connue est l’Épopée de Gilgamesh, un texte mésopotamien en écriture cunéiforme, rédigée vers 1700 avant notre ère.

Ce récit nous conte les aventures de Gilgamesh, roi d’Uruk, qui après la mort de son ami Enkidu, part à la recherche de l’immortalité, en allant voir le survivant du déluge devenu immortel, Utanapisti. Le récit du déluge que l’on y trouve est un résumé de celui du poème plus ancien d’Atrahasis, que l’on retrouve comme un copier-coller dans l’Épopée de Noé de la Bible.

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L’Épopée de Gilgamesh a connu une grande diffusion dans le bassin méditerranéen, une diffusion toujours actuelle, puisque l’épopée a été transposée au théâtre, en spectacle avec ensemble instrumental électronique, récitant, danseurs et vidéo, mise en CD avec musique et inscrite dans des programmes scolaires. C’est assez dire l’actualité de l’épopée.

L’Iliade

Elle a aussi servi de modèle ou de source d’inspiration, avec beaucoup d’antériorité, à de nombreuses œuvres postérieures, très célèbres, comme l’Iliade et l’Odyssée, d’un certain poète grec nommé Homère. Il aurait vécu vers la fin du VIIIe siècle avant notre ère et, selon la tradition, aurait été aveugle. On a beaucoup épilogué au sujet de l’Iliade et de son auteur présumé. Mais il en va de cette épopée, car c’en est bien une, comme de celle de Gilgamesh: le plus intéressant, c’est l’œuvre, ce qu’elle conte, la manière tragique ou émouvante dont elle le fait, plus que le ou les auteurs supposés, présumés ou imaginés.

Et nous avons une occasion de découvrir ou de redécouvrir cette épopée superbe grâce à une toute nouvelle traduction, L’Iliade, Homère, Traduit du grec par Philippe Brunet, Paris, Seuil, 2010. L’intérêt de cette traduction est double: mettre à la portée des lecteurs une œuvre remarquable toujours d’actualité, malgré ses origines anciennes, et le faire dans une traduction qui vise à rendre en français le rythme du poème grec, pour en retrouver l’accent, le langage, le dynamisme, et c’est chose faite après 20 ans de travail de la part d’un spécialiste de la poésie antique, philologue et joueur de lyre pour accompagner ses textes.

L’épopée

L’épopée se déroule dans le cadre de la guerre de Troie, une ville d’Asie mineure, un conflit légendaire causé par l’enlèvement par le prince troyen Paris de la belle Hélène, épouse du roi de Sparte.

La guerre oppose les Achéens, les Grecs, et les Troyens. Comme toujours dans ces anciens récits épiques, mésopotamiens ou bibliques, le merveilleux tient une large place, sous la forme des divinités qui soutiennent chaque camp.

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Le héros est Achille, présenté dès le début, alors que la guerre a déjà commencé.

Le récit met en scène de nombreux personnages, Agamemnon, Patrocle, Ulysse, Andromaque, Hector, dans des péripéties héroïques, tragiques, émouvantes.

La traduction rythmée facilite la lecture des 24 chants du poème. Avant chaque chant, se trouve un court texte explicatif, que l’on peut lire comme résumé pour reprendre la lecture d’un chant suivant, une sorte d’aide-mémoire. Et à la fin, un répertoire des noms des personnages et de leur rôle permet de s’y retrouver au besoin.

Parmi tous les passages épiques, on trouve des vers poétique: «L’Aurore aux voiles safran, du fond de l’onde océane, portant la lumière aux dieux et aux hommes.»

Des comparaisons champêtres émaillent le texte: «Quant aux Troyens, pareils aux brebis de l’homme prospère, dont on trait le lait blanc – et qui, debout, innombrables, bêlent en entendant les appels de leur progéniture – ils criaient ainsi…»

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Actualité

Mais ce texte, d’une lecture agréable, n’est pas qu’historique. L’œuvre la plus accomplie d’Homère selon Aristote, propose une réflexion sur le thème de l’immortalité et des rêves de gloire et de renommée, sur la paix, le bonheur perdu, l’exaltation de la vie éphémère. «Rien ne vaut la vie, pas même les biens qu’on raconte s’être entassés jadis dans Troie, la ville opulente… Les troupeaux de bœufs et de mouton gras se capturent… Seule la vie ne revient pas, on ne peut la reprendre ni la ravoir, lorsqu’elle a des dents franchi la clôture.» (Achille, Chant 9)

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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