L’écriture doit provoquer la liberté

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Publié 27/01/2015 par Paul-François Sylvestre

Après L’élixir d’amour, dont j’ai fait la recension au mois d’août dernier, Éric-Emmanuel Schmitt nous offre la suite avec Le poison d’amour. Encore une fois, l’auteur se hisse au sommet de son art de romancier et de philosophe masqué. Si le titre laisse entrevoir d’étonnants rebondissements, je peux garantir que vous ne serez pas déçus.

Anouchka, Colombe, Julia et Raphaëlle sont quatre amies inséparables, quatre adolescentes à la recherche de l’amour. Tout le roman est une enfilade de messages que ces quatre filles échangent innocemment pour transmettre leurs espoirs, leurs désirs et leurs intrigues.

On y trouve des remarques assez profondes, comme «Dire oui à un garçon, c’est facile. Se dire oui à soi-même, ça coûte.» Ou encore: «Aujourd’hui, avec les couples qui se font, se défont et se refont ailleurs, être un enfant requiert beaucoup d’indulgence envers ses géniteurs.» À preuve, le père d’une des filles quitte son épouse pour vivre avec un homme.

Je ne sais pas si Schmitt a vu grandir des enfants, mais il me semble fin psychologue. L’auteur illustre bien qu’en vieillissant ou en devant plus mûr, on croit devenir soi-même, alors qu’on devient plutôt un autre. «On croit se connaître alors qu’on discerne juste une silhouette au loin. S’approcher s’avère périlleux.»

Un jour, les quatre amies se demandent si «amour» rime avec «toujours»; le lendemain, la question se retourne et devient «Peut-on envoyer l’amour en prison pour infidélité?» Chose certaine, bien qu’elles ne sachent pas ce qu’elles veulent, les filles sont déterminées à ne laisser personne leur imposer quoi que ce soit.

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Je vous préviens qu’il se verse plusieurs litres de larmes dans ce roman. Elles sont «des messagères subtiles qui distillent mille informations à la fois»: chagrin, plaisir, anxiété, compassion, soulagement, nostalgie.

Deux des quatre filles jouent les rôles de Roméo et de Juliette pour leur lycée. L’auteur fait dire à une des jeunes filles que les Juliette savent inventer les Roméo, car elles permettent «à la bactérie d’un regard d’entrer en nous». On connaît la fin imaginée par Shakespeare, mais pour la représentation lycéenne, la tragédie prend un tournant pour le moins retentissant.

Dans une entrevue à la revue Lire, Éric-Emmanuel-Schmitt note que chacun doit arriver à vivre sa vie et ses engagements, sans pression idéologique, familiale ou sociétale. «Pour moi, c’est d’ailleurs le but de l’écriture: provoquer la liberté.»

Dans Le poison de l’amour, cette liberté ne permet de conjuguer que deux verbes au futur avec certitude: j’aimerai, je mourrai. Une des adolescentes annonce alors: «Avant de mourir, j’aurai beaucoup aimé!»
Mais attention! L’intoxication à l’amour existe et l’amour peut transformer quelqu’un en monstre…

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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