Le «western religieux» de Gilles Carle

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Publié 31/10/2006 par Aurélie Lebelle

En 1972, La vraie nature de Bernadette Brown, du réalisateur québécois Gilles Carle, sort sur les écrans et représente la sélection canadienne au festival de Cannes. Le 7 novembre 2006, la Cinémathèque de Toronto rendra hommage à l’un des plus beaux films du cinéma québécois en le diffusant au Jackman hall de l’AGO.

«J’ai inventé Bernadette, une sainte de ma jeunesse, une prostituée, une bonne mère de famille, une révolutionnaire, une femme bien ordinaire. J’ai pensé à Angela Davis, à l’Irlande, aux paysannes québécoises, aux enfants retardés, à la lutte des classes, à la répression.»

Les mots de Gilles Carle pour évoquer le personnage central de son film sont saisissants. Ils dépeignent l’atmosphère de La vraie nature de Bernadette Brown. Alors que le Québec est tiraillé entre le catholicisme et la liberté sexuelle, l’urbanisation et le retour à la terre, l’arrivée de l’héroïne dans un village reculé fait basculer les idées reçues.

Citadine et bourgeoise, elle tient à faire de son emménagement à la campagne un retour aux racines et aux vraies valeurs en prônant l’amour libre et offrant ses charmes à tous les hommes qui la demandent, de l’infirme au vieillard.

Pourtant, très vite, ses idéaux se brisent en mille morceaux et laissent éclater la dure réalité de la vie rurale des années 70. Loin d’être un paradis terrestre, la campagne se révèle être un reflet de la société de l’époque.

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Micheline Lanctôt, qui incarne Bernadette, est considérée comme l’une des plus grandes actrices québécoises. Elle obtint d’ailleurs le titre de meilleure actrice du cinéma canadien en 1972. Son rôle est d’une perplexité étonnante: à la fois généreuse et complètement amorale dans sa charité, son mode de vie fait rapidement scandale. Prostituée pour certains, elle est la réincarnation de Bernadette de Soubirou pour d’autres, une sainte capable des miracles les plus fous.

«Même aujourd’hui, j’ai du mal à séparer Angela Davis et Bernadette Devlin du mythe de la Vierge Marie, tellement les mythes, ici, parent et déparent le réel quotidien», soulignait le réalisateur.

Les 96 minutes du film dépeignent avec passion la vie rurale des années 70 au Québec et les multiples illusions et désillusions d’une population pauvre, étrangère à la modernité de la ville. À travers le personnage de Bernadette, Gilles Carle capte les sujets phares d’une société. Comme il le disait lui-même, La vraie nature de Bernadette Brown est «une fable réaliste sur la difficulté de vivre au Québec, au Canada, en Amérique, en 1972».

Pourtant, il semble que le film ait irrémédiablement vieilli et que certains passages soient tout simplement ridicules. On ne compte rapidement plus les longueurs ni les dialogues hors de propos.

Même si Micheline Lanctôt joue remarquablement bien, son personnage reste inconcevable. Sa générosité sexuelle, trop exagérée, ne lui colle décidément pas à la peau et contraste trop avec ses préocupations de mère parfaite. Les autres personnages sont véritablement des laissés-pour-compte que Sainte Bernadette prend sous son aile.

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Peut-être une nouvelle vision de la générosité est-elle suggérée dans ce film? Une générosité corporelle principalement. La liberté sexuelle, latente tout au long du film, était certes innovante à l’époque. Aujourd’hui, les scènes font sourire tant elles restent idéalistes et inconcevables.

La vraie nature de Bernadette Brown, de Gilles Carle est présenté le 7 novembre à 20h45 au Jackman Hall, Art Gallery of Ontario, 317 Dundas ouest. Billetterie: 416-968-3456. Prix: 6$ à 10,10$.

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