Le TfT referme la parenthèse d’Albertine avec Le Passé antérieur

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Publié 16/09/2014 par Alix Forgeot

La semaine prochaine, le Théâtre français de Toronto propose à son auditoire de remonter le temps avec Le Passé antérieur, une pièce écrite en 2003 par le célèbre dramaturge québécois Michel Tremblay.

L’année dernière, le TfT avait fait redécouvrir à son public Albertine en cinq temps, personnage mythique de l’œuvre de Michel Tremblay. On a suivi son évolution de 30 à 70 ans. Le Passé antérieur, revient aux origines d’Albertine à 20 ans.

Montréal, 1930, pendant la crise économique. Albertine a des rêves. Elle est en quête d’un idéal ardent, absolu. Elle veut être aimée très fort et vivre sa vie comme un roman d’amour. Sur son chemin, elle croise Alex, 23 ans, sur lequel elle jette son dévolu. Mais pour le jeune homme, c’est trop d’amour, il suffoque… Le public va ainsi assister à la chute vertigineuse d’Albertine.

Le génie de Tremblay

Pour monter Le Passé antérieur, le TfT a fait appel à Diana Leblanc, une habituée du théâtre de Michel Tremblay. Metteure en scène de Fragments de mensonges inutiles, À toi, pour toujours, ta Marie-Lou, comédienne dans Damnée Manon, Sacrée Sandra, elle a joué Albertine dans La Maison suspendue, et c’est pour elle un «grand plaisir d’y revenir à 20 ans».

Selon Diana Leblanc, la mise en scène est dans un sens évidente, parce que l’auteur a écrit la pièce avec une «grande simplicité, quasi-grecque».

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En effet, il y a le personnage central, Albertine, dont la fin est connue. Le public assiste au déroulement de rencontres avec sa mère, sa sœur, son frère, son ex-cavalier, au cours desquelles, ajoute Diana Leblanc, «on la voit se diriger vers le gouffre où elle devra se débattre le reste de sa vie».

Une partie du génie de Michel Tremblay, c’est de «prendre un dialogue paraissant ordinaire, banal et en faire quelque chose de transcendant, poétique», précise la metteure en scène. Elle confie que ses comédiens ont dû apprendre le texte «à la virgule près»!

Geneviève Dufour (Albertine) et Nico Racicot (Alex) acquiescent: Michel a écrit cette pièce d’une certaine façon et suivre sa ponctuation permet de trouver «le rythme du personnage et sa respiration».

Des personnages fouillés

Derrière la mise en scène, il y a également un gros travail de recherche sur les personnages. Nico Racicot, qui interprète Alex, est passionné par son personnage, car il est tout son contraire. «Alex, c’est un peu le garçon typique dans le sens où les garçons ne pleurent pas, les garçons ne sont pas émotifs, ne sont pas sensibles et refoulent leurs sentiments à l’intérieur», explique le comédien.

À l’inverse, M. Racicot a été élevé par sa mère: «J’ai eu l’opportunité de pouvoir exprimer mes émotions, de pouvoir vivre passionnément. Ce qui est intéressant avec Alex c’est de garder tout ça à l’intérieur, de pouvoir m’exprimer, mais en me contenant, comme une bombe à retardement.»

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Geneviève Dufour, elle, avait interprété Madeleine dans Albertine en cinq temps et joue cette fois-ci le rôle d’Albertine. «Tout ce qui est dans les racines, j’ai l’impression que je l’ai en moi; on a tous eu des peines d’amour» note-t-elle. Avec son personnage, elle a la chance de pousser cette peine «à l’extrême et de voir ce que ça donne.»

Pour trouver le ton juste, la comédienne a relu des pièces de Michel Tremblay: «Le Passé antérieur, c’est un échantillon de toutes ses autres pièces. Tu peux baigner dans toute son encyclopédie».

Nico Racicot, lui, n’a pas beaucoup lu sur le passé d’Alex. Dans les pièces de Michel Tremblay, «Alex est comme une espèce de fantôme. Michel Tremblay te donne le squelette et ensuite je dois aller chercher ailleurs». Il a parlé avec ses grands-parents pour comprendre «comment étaient les hommes en 1930, quelle était la mentalité d’un commis-voyageur, leur réputation».

Le jeune homme de 29 ans explique qu’il y a différentes perspectives dans la pièce: «Le texte me donne quelque chose, mais il y a aussi ce que les personnages disent d’Alex; pour Victoire (la mère d’Albertine), Alex est une girouette, mais pour Albertine et Madeleine, c’est l’homme!»

Il appartient ainsi à chaque comédien de faire son choix, d’y croire et de le suivre jusqu’au bout.
En effet, le tableau de chaque personnage n’est ni noir, ni blanc pour Geneviève Dufour: «Michel Tremblay donne une chance à tout le monde, personne n’est pris en mépris ou en pitié, tout le monde a son mot à dire».

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À la metteure en scène, Diana Leblanc, d’ajouter: «Le regard lucide et affectueux de Michel Tremblay est un cadeau!»

De nombreux défis

Et à la fois, Le Passé antérieur a donné du fil à retordre à la metteure en scène.

Celle-ci a dû relever plusieurs défis. Tout d’abord «mettre en scène quelque chose de très statique, où tous les mouvements sont des mouvements psychologiques», insiste Mme Leblanc. Et puis l’autre défi «c’est de ne pas avoir tout le monde qui crie à tue-tête tout le long, car ce sont des émotions très fortes».

Pour les mener à bien, elle a compté sur une bonne distribution et a appliqué la technique du laisser-faire: «laisser les cinq comédiens explorer, aller jusqu’au bout, jouer là-dedans, trouver à l’intérieur de chaque scène le bon mouvement, puis mettre les cinq mouvements ensemble».

Avec Le Passé antérieur, du 24 septembre au 5 octobre, au théâtre de la rue Berkeley, Diana Leblanc espère que le public fera une belle découverte, car «On peut se reconnaître dans certains aspects de tous les personnages», selon la metteure en scène. Qui sait, les spectateurs seront peut-être eux aussi fascinés par le personnage d’Albertine au point de ressortir du théâtre et de s’exclamer, comme Diana Leblanc «elle m’habitera toujours!»

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