Le premier roman de Jean-Baptiste Mubalutila Mbizi

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Publié 07/12/2010 par Paul-François Sylvestre

Le premier roman de Jean-Baptiste Mubalutila Mbizi peint le portrait d’un professeur de géographie à Kinshasa. Cela ne saurait trop surprendre, car l’auteur est né en République démocratique du Congo et il détient un doctorat en géographie et écologie tropicales. Intitulé Tila ou la persévérance d’un intellectuel africain, son roman est centré sur la lutte contre la corruption… et contre les tentations!

Tila est le nom du professeur de géographie. C’est un idéaliste dont la devise pourrait être: «Tout travail constant trouve sa récompense.»

Il croit fermement qu’on peut tout critiquer, sauf le travail bien fait. Nouvel enseignant au lycée Taga, il est affecté à deux classes de terminale.

Les locaux sont à l’image du pays, c’est-à-dire dans un état de délabrement très avancé: persiennes cassées, chaises défoncées, tables bancales, bureau du prof «tenant debout malgré l’action dévorante des insectes».

Cela n’empêche pas Tila de figurer parmi les personnes qui embrassent les valeurs citoyennes: honnêteté, droiture d’esprit, générosité.

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L’intrigue conçue par Jean-Baptiste Mubalutila Mbizi en est une où le protagoniste doit relever un défi après l’autre, dans des conditions le plus souvent précaires ou difficiles.

Il est tantôt confronté à des problèmes de corruption, tantôt forcé d’admettre que son pays n’est qu’«une boutique contrôlée par des hors-la-loi».

Il y a toujours des pots-de-vin à verser à des politiciens et à des fonctionnaires. Mais Tila est trop honnête pour tomber dans ce piège. En fait, tout semble lui réussir, et ce, même si «la crise au Congo a corrompu presque tout le monde» et que ce soit vraiment «l’inversion des valeurs».

Ce côté Monsieur Réussite m’a semblé trop poussé. Après quelques chapitres, on devine que tout sourira à Tila.

Inutile de chercher le rebondissement inattendu, encore moins le suspense. La lecture devient fade, d’autant plus que le style n’est pas trop épicé et que la narration adopte parfois un ton monotone.

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De plus, le récit est parsemé d’une kyrielle de petits détails sur la bureaucratie scolaire, ce qui accroît malheureusement l’ennui (on a le goût de sauter des pages ou de lire en diagonale).

L’auteur a néanmoins le mérite de brosser un tableau de la société actuelle en République démocratique du Congo.

On y apprend que les services publics sont à l’abandon et qu’il y règne un désordre causé par l’inflation galopante (600% par an), ce qui oblige les marchands à augmenter leurs prix chaque jour.

«La spéculation, le marché noir et le trafic sur les devises étaient de règle», écrit Jean-Baptiste Mubalutila Mbizi. La corruption et ses corollaires ont tout envahi.

Comme l’auteur est familier avec le milieu universitaire, il ne manque pas de souligner comment Tila a toujours pensé que l’université serait hors de toute la magouille qui se trame dans les lycées et collèges.

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Il ne s’attend pas à ce que la gangrène observée au niveau de la société civile congolaise puisse étendre ses tentacules jusque dans l’arène universitaire. Vous devinez que c’est bel et bien le cas. Qu’à cela ne tienne, Tila sort encore gagnant d’une fâcheuse situation.

Pour avoir aidé des auteurs à écrire leur premier roman et pour avoir recensé des centaines d’ouvrages, je suis de ceux qui croient que l’éditeur doit encadrer rigoureusement un premier venu dans l’arène romanesque, le conseiller sur l’architecture de son intrigue, sur la façon de camper ses personnages et sur le style ou le ton de la narration.

Il me semble y avoir eu un malheureux laisser-aller dans le cas de ce premier roman.

Jean-Baptiste Mubalutila Mbizi, Tila ou la persévérance d’un intellectuel africain, roman, Toronto, Éditions du Gref, coll. Le beau mentir no 16, 2010, 188 pages, 10,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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