Le précis du vocable populaire de Marseille

Salon du livre de Toronto 2008

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Publié 07/10/2008 par Khadija Chatar

Samedi, au Salon du livre de Toronto, le chercheur et romancier français Frédéric Valabrègue a présenté une conférence des plus pertinentes intitulée D’un certain usage du vernaculaire, une analyse pointue et illustrée du parler populaire des cités marseillaises.

Il a ainsi parcouru l’historique de cette langue qui a évolué et s’est agrémentée par l’influence des flux migratoires. Dans son livre, La ville sans nom, l’auteur y fait référence à Marseille, bien entendu. Chose étrange, il n’y prononce jamais le nom de la ville. Un clin d’œil à l’histoire de cette ville qui fut longtemps la ville innommable, pour avoir un temps voté Girondin au lieu de Jacobin.

«C’était la ville dénigrée par le pouvoir centralisateur, dit M. Valabrègue. «Dans ce roman, je fais appel à plusieurs strates et sédiments, de l’accumulation des cultures et des langues. C’est une espèce de ponction de tous les niveaux linguistiques de ma ville», disait-il avant de poser la question de ce qui a influencé le français de Marseille d’aujourd’hui.

«Marseille qui est la porte de l’Europe pour les gens du Sud a une fonction de digestion, c’est un estomac accueillant, un utérus universel», donne pour réponse. Un estomac pour ces cultures du Sud qui vont par la suite influencer pour modifier profondément le parler marseillais. Une ville sans nom qui fut aussi la terre d’immigration de plusieurs Arméniens, Italiens avant l’arrivée de Tunisiens, Algériens et Marocains mais aussi de nombreux Pieds noirs qui sont revenus avec leur propre langage.

«Un estomac qui peut également connaître des spasmes, des rejets, rejet de l’étranger qui se remarque par la hausse du Front national -parti d’extrême droite-», poursuit l’auteur. Et pourtant, une hybridation, un métissage a eu lieu, concluait-il avant de présenter son livre suivant Les Mauvestis. Ce livre est plus éloquent et illustratif de l’évolution langagière du marseillais. Le roman relate ainsi l’histoire d’une bande de jeunes d’une arrière-cour où le code de conduite est poussé à tel point que l’auteur le qualifie d’étiquette où le protocole ramène l’arrière-cour à une vraie «cour».

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«La manière d’être de ces jeunes constitue leur personnalité», affirme M. Valabrèque. Et où la langue devenait, selon l’auteur, détritus. Un mélange de plusieurs parcelles langagières étrangères où le français ne parvenait plus à se définir. L’auteur s’est ainsi investi de refonder cette langue de la rue. C’est la raison pour laquelle le personnage principal des romans de M. Valabrègue n’est autre que la ville. «Le lieu de recommencement des choses, lieu des ragots, des rumeurs, l’universel reportage où tout ce que j’écris est tout ce que j’ai entendu! Je fais du montage des voix», dit-il.

Et ce n’est pas par hasard qu’il ait choisi Marseille. «C’est le dernier conservatoire de la culture ouvrière». Et là-bas, le langage se voudrait à haute tension, insistait-il où l’on peut trouver l’apport maghrébin. «L’accent marseillais a été supplanté par l’accent beur -qui est un renversement du mot arabe- et pied-noir», décrivait-il. L’auteur expliquait ensuite l’emploi syntaxique de plus en plus caractérisé, entre autres, par l’usage excessif de subordonnées.

«Il y a, aussi, beaucoup de verbes qui ne sont pas suivis de compléments comme il envoie qui veut dire, il est très joyeux.»

Une conférence instructive, donc, qui a permis au public torontois de mieux saisir les influences que peut connaître une langue, suite aux flux migratoires. Un exemple approprié pour la communauté francophone de Toronto qui voit une richesse dans l’apport culturel de ses différentes composantes.

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