Le passé est un pays étranger

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Jean-Pierre Charland, La Pension Caron, tome 2, Des femmes déchues, roman, Montréal, Éditions Hurtubise, 2020, 400 pages, 24,95 $.
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Publié 28/02/2021 par Paul-François Sylvestre

Jean-Pierre Charland poursuit sa saga de La Pension Caron avec un tome 2 intitulé Des femmes déchues. Un troisième est déjà annoncé.

Nous renouons donc avec quelques pensionnaires de Précile Caron, plus un nouveau venu, sans compter l’ancien fiancé de mademoiselle Caron, qui nous en fait voir de toutes les couleurs.

Influence de l’Église

L’auteur écrit que «toutes les femmes attendaient un pourvoyeur – un sauveur –, et se montraient disposées à promettre un amour éternel».

Il ajoute qu’une pensionnaire ne connaît pas le degré de soumission de son promis aux directives des soutanes. Elle ignore à peu près tout de lui, mais cela n’empêche pas une fréquentation assidue.

Nous sommes en 1937 et monsieur le curé contrôle ses ouailles d’une main de fer. Un enfant né hors du mariage et une relation sexuelle avant les épousailles ont de quoi rendre deux femmes déchues. Pas étonnant, alors, que Charland écrive sur «la nécessité, pour chacun, de faire son deuil le plus vite possible de tous les projets impossibles».

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Femmes déchues

Précile Caron est une des deux femmes soi-disant déchues. Jouer à qui salirait le plus l’autre ne lui plaît pas, mais en demeurant silencieuse, elle laisserait les coudées franches à son ancien fiancé aigri qui se colle à ses pas, résolu à lui gâcher la vie. Il est «né dans la mauvaise famille à une mauvaise époque».

Le pensionnaire Louis Bujold est venu d’Ottawa pour travailler dans une grande compagnie montréalaise d’assurance. Bien de sa personne, bien élevé, bien payé, il a tout pour lui. L’âge, le bon emploi et son allure en font un candidat idéal au mariage, mais le passé trouble de l’élue de son cœur pourrait-il devenir une ombre au tableau…?

Comment se faire des amis

Bujold a lu Comment se faire des amis, de Dale Carnegie, pas juste le chapitre sur les relations entre hommes et femmes, mais aussi celui sur les rapports entre femmes et celui sur les rapports entre adultes et enfants. Cela lui sera fort utile pour courtiser une femme qui a eu un enfant hors du mariage.

À la fin du roman, Jean-Pierre Charland avoue avoir été inspiré par les premiers mots d’un roman de Leslie Poles Hartley publié en 1943, The Go-Between : «The past is a foreign country; they do things differently there.»

Il est donc naturel, ajoute-t-il, de trouver les comportements de ses personnages un peu étranges, en regard des pratiques actuelles.

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Un personnage détestable

Puisque le déroulement de l’intrigue romanesque pourrait rendre certains lecteurs incrédules, Charland cite deux articles parus dans La Presse et L’Illustration Nouvelle en 1938. Qui plus est, il réussit à nous faire détester un personnage avec brio.

Comme dans le tome 1 de La Pension Caron, le romancier rappelle que, «à l’ouest du boulevard Saint-Laurent, tout le monde ignorait – où feignait d’ignorer – le moindre mot de français».

Il glisse quelques références à l’actualité politique, dont celle concernant l’âge de la sécurité de la vieillesse; le parti Co-operative Commonwealth Federation réclame qu’il passe de 70 and 65 ans.

Et lorsqu’une exposition montre les peintures du Groupe des Sept, l’auteur précise que les épinettes de l’Ontario sont semblables à celles du Québec.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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