Le parcours mouvementé d’un ministre franco-ontarien

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Publié 27/11/2007 par Paul-François Sylvestre

Conseiller municipal, député provincial et fédéral, ministre dans le gouvernement de Jean Chrétien, Don Boudria décrit son parcours professionnel et personnel dans Busboy: de la cuisine au Conseil des ministres. Cette autobiographie parue en anglais en 2005 a été traduite par Daniel Poliquin.
Au début de l’année scolaire 1966-1967, à l’âge de 17 ans, Don Boudria abandonne ses études secondaires. Le 25 octobre 1966 il devient débarrasseur (busboy) à la cafétéria du Parlement canadien. Le maître d’hôtel lui dit qu’il y a de l’avancement dans ce métier. Véritable prophétie puisque Don Boudria grimpera les échelons sur la colline du Parlement, de débarrasseur à député, puis à ministre.

Boudria commence sa vie publique au niveau municipal en devenant conseiller municipal de Cumberland en 1976. Il se fait ensuite élire député libéral en 1981, mettant fin à 33 ans de main mise conservatrice sur le comté provincial de Prescott-Russel. Le Premier ministre Bill Davis est réélu à la tête d’un gouvernement conservateur majoritaire. Il a perdu un seul député et c’est Don Boudria qui l’a battu. Peu de temps après son arrivée à Queen’s Park, le nouveau député contribue à la fondation de la section ontarienne de l’Association internationale des parlementaires de langue française et en devient le premier président.

Changement de cap en 1984. Boudria se tourne vers la scène fédérale et se fait élire député libéral de Glengarry-Prescott-Russel. Encore là il déjoue le raz-de-marée conservateur (Brian Mulroney remporte 211 sièges et les Libéraux n’en récoltent que 40). Le débarrasseur du restaurant parlementaire revient sur la colline à titre de député: «Dans les 117 ans d’histoire du Parlement, j’étais le premier ancien employé à avoir été élu député. Comme le disait un ex-collègue, le débarrasseur était devenu législateur.»

La carrière de Boudria au Parlement est intimement liée à la procédure. Dès 1991, il est nommé leader parlementaire adjoint de l’opposition officielle. Lorsque les Libéraux prennent le pouvoir, Boudria devient whip en chef du gouvernement (1994-1996), puis leader du gouvernement en chambre (1997-2003). Le Premier ministre Chrétien lui confie aussi d’autres responsabilités: ministre responsable de la Francophonie et de la Coopération internationale (1996-1997), ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux (janvier-mai 2002).

L’honorable Don Boudria a vécu de près le scandale des commandites. Il a même occupé brièvement le poste d’Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux). Au sujet de celui que la presse a le plus vilipendé, Boudria écrit qu’il n’a «jamais vu de preuves qui reliaient Gagliano au moindre méfait. Bien au contraire, j’ai toujours vu en lui un serviteur de l’État honnête qui avait réussi à force de travail acharné.»

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En politique Don Boudria est souvent «sonné». En 1974 il n’arrive pas à comprendre comment les gens ont pu élire un autre candidat que lui au conseil municipal, «étant donné les bonnes intentions qui m’animaient et mon désir de servir».

En 1993, Boudria écrit: «J’en étais sonné. Après tous ces efforts, après toutes ces années en politique municipale, provinciale et fédérale, je ne serais toujours pas ministre.» En 1996, il est nommé ministre et il écrit: «J’étais sonné. Je ne m’étais attendu à rien du genre.»

En 2000, Trudeau meurt et Boudria note: «J’étais comme sonné. La nouvelle m’avait plongé dans un état de choc…» Il est aussi comme sonné lorsqu’il apprend le départ de Jean Chrétien: «Je quittai sa suite et m’effondrai aussitôt en larmes.»

Lorsque Boudria quitte à son tour la politique le 29 novembre 2005, la rumeur circule qu’il pourrait être nommé ambassadeur au Chili ou au Costa Rica. Rien de tel ne se produit et l’auteur note que cette aventure ne l’intéressait pas. S’eût-elle présentée, il l’aurait certainement embrassée avec enthousiasme.

Élu six fois à la Chambres des communes, Don Boudria y a siégé pendant 7 811 jours, soit 21 années, 4 mois et 20 jours. Au total, il a siégé au Cabinet pendant 7 ans et deux mois. Il a été leader parlementaire pendant 2 379 jours, «ce qui faisait de moi le deuxième en longévité dans l’histoire canadienne, n’étant précédé que par l’honorable Alan J. MacEachen, à l’époque de Pierre Trudeau».

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Busboy: de la cuisine au Conseil des ministres est une autobiographie truffée de mille et une anecdotes. L’auteur mentionne tous ceux et celles qui lui ont servi de conseillers, d’adjoints, de bras droits.

Il donne beaucoup de détails sur la cuisine politique mais demeure peu loquace sur le contenu législatif qu’il a contribué à faire adopter. À titre d’exemple, Boudria écrit que la Loi sur la clarté (en cas de référendum) «était, de loin, la loi la plus importante que le Parlement avait adoptée dans toutes mes années au Parlement». Mais il n’élabore pas et se contente de décrire la mécanique du vote en Chambre.

L’autobiographie a été traduite par Daniel Poliquin et le récit se lit au passé simple. Ainsi, Boudria note que «nous quittâmes Hawkesbury et rentrâmes à Cumberland… nous abaissâmes le drapeau de l’Ontario… et le remplaçâmes par l’unifolié… nous entonnâmes le Ô Canada… et allâmes au lit». On s’imagine mal Don Boudria s’exprimer ainsi.

Don Boudria, Busboy: de la cuisine au Conseil des ministres, autobiographie traduite de l’anglais par Daniel Poliquin, Ottawa, Éditions du Vermillon, 2007, 532 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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