Un «trialogue» artistique torontois au Labo

Territoire, histoire et mémoire Huron, Abénaki et Innu

Simon, Guy et Sonia
Simon M. Benedict, Guy Sioui-Durand et Sonia Robertson lors du vernissage de l'exposition "Toronto'. Trialogue".
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Publié 13/09/2018 par Claire Gillet

Une réflexion artistique sur Toronto entre territoire, histoire et mémoire se tient ces trois prochains mois au centre d’artistes YYZ au 401 rue Richmond Ouest.

L’exposition Toronto’. Trialogue, présentée par Le Labo jusqu’au 12 décembre, est le produit d’une résidence, cet été, entre deux artistes et un commissaire d’exposition.

Premières nations

C’est Guy Sioui-Durand, le commissaire, qui a proposé à Simon M. Benedict et Sonia Robertson ce «trialogue», conversation à trois voix, sur le thème de Toronto.

Le point de vue adopté dans cette réflexion est celui d’Autochtones puisque le trio est respectivement Huron, Abénakis et Innu.

«Il y a un indéniable cosmopolitisme dans Toronto. En proposant à deux artistes de tribus différentes de la mienne de participer, je voyais une certaine cohérence puisque nous formons un cosmopolitisme à trois. L’idée est que cette exposition soit ouverte à tous», explique-t-il.

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Là où les arbres poussent dans l’eau

En Huron, «Toronto’» signifie «là où les arbres poussent dans l’eau». Guy Sioui-Durand a alors voulu réfléchir sur le territoire de la ville, avec une attention particulière portée sur l’eau.

«C’est l’eau qui façonne cette ville: l’eau des quatre grands lacs et des chutes de Niagara, l’eau reflétée dans les immeubles aux parois de verre, l’eau qui a inondé à de nombreuses reprises par le passé les rues et quartiers.»

Sa réflexion est également axée sur une optique historique.

«À l’origine, Toronto c’était des étendues de maïs. Après, il y a eu les combats entre Wendat et Iroquois, puis l’arrivée des Français balayés eux-mêmes ensuite par les Anglais. En clair, différentes couches d’histoire se superposent sur la ville.»

Par ailleurs, le point de vue qu’il adopte dans ce projet est également mémoriel puisque l’étude de Toronto permet de faire ressurgir les racines amérindiennes de la métropole.

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Travail d’introspection et de recherche

Simon M. Benedict est Abénakis. Cependant, il n’a pas grandi dans une réserve mais à Trois-Rivières. Ce projet a donc été pour lui un véritable questionnement identitaire qui l’a poussé à faire de nombreuses recherches.

Il a consulté des centaines d’images d’archive de la ville de Toronto et s’est aussi beaucoup documenté sur l’historique des mots «autochtone» et «sauvage», afin d’essayer de retracer la vie des personnes des Premières Nations du Canada.

Il a ensuite sélectionné les images les plus pertinentes pour recréer un récit pseudo-historique.

La vidéo finale est composée de plusieurs petits chapitres qui, mis bout à bout, forment une trame qui balaye plusieurs époques, du 18e siècle à 1980.

Vidéo Simon
Image fixe tirée de la vidéo sans titre de Simon M. Benedict.

Une œuvre visuelle et sonore

Le spectateur est invité à mettre un casque sur ses oreilles lorsqu’il contemple la succession d’images.

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Le son diffusé est saccadé. «Ce sont des gens qui tapent sur des bouts de bois», explique Simon M. Benedict.

«Cela fait référence à deux éléments. Tout d’abord, les battements de tambour des Amérindiens, mais aussi les méthodes traditionnelles de vanneries Abénakis. En effet, il faut frapper sur le bois pour en séparer les strates qui sont ensuite tressées entre elles. Ici, c’est comme si on frappait pour séparer les strates de l’histoire de Toronto.»

L’importance de la fourrure

À l’occasion de ce projet sur Toronto, Sonia Robertson s’est intéressée au peuple Wendat qui occupait initialement l’Ontario.

Par le passé, il existait dans la région des réseaux de traite pour le commerce de beaucoup de denrées et d’objets, notamment la fourrure.

L’artiste, dont le père était lui-même commerçant de fourrure, s’est donc intéressée au castor qui était chassé dans la région.

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«Ce que vous voyez est un castor géant», explique-t-elle en nous montrant son œuvre. «Le castor géant fait référence à une légende Innu selon laquelle ce dernier serait à l’origine du lac. En effet, l’eau c’est l’habitat du castor, l’eau c’est la vie.»

Installation Sonia
Le castor géant de Sonia Robertson formé de multiples peaux et traversé par l’eau.

La spiritualité au cœur de son projet

Son œuvre a une dimension spirituelle intrinsèque. «Chez nous la spiritualité n’est pas détachée de la vie. Les chasseurs rêvent de leurs proies avant d’aller à la chasse. Moi, je rêve de mon projet artistique, j’ai des visions sur ce que je vais créer.»

Sur le sol, Sonia Robertson a disposé une poignée de ses cheveux coupés. «Les cheveux permettent une relation avec le monde des esprits», explique-t-elle.

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