Le Grand Canyon face à l’éternité

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Publié 14/06/2011 par Aurélie Resch

Première rencontre
J’avais quinze ans. Je me gavais de westerns. J’étais à Middlebury dans le Vermont. Mes parents ont décidé de nous emmener mon frère et moi dans un périple d’est en ouest à travers les États-Unis. Je suis sortie un soir de la voiture, il venait de pleuvoir. On s’est approché du bord. Le Grand Canyon se déployait devant nos yeux émerveillés, des arcs-en-ciel ricochant sur ses parois rocheuses au-dessus du vide. Je me rappelle avoir eu cette impression d’être minuscule. Une puce dans un océan de pierres. Je me souviens que cela m’avait plu. Rassérénée.

Un sentiment qui m’est resté et qui refait surface plus de vingt ans après, alors que je survole à près de 300 mètres d’altitude à bord d’un Cessna, ces fascinantes formations plissant et creusant la terre rouge à des centaines de kilomètres sous moi. Comment ne pas frissonner en pénétrant dans l’un des décors les plus grandioses du monde?

Un peu d’Histoire…

Il y a plus d’un milliard d’années, environ quatre mille mètres de sédiments et de lave s’accumulèrent au fond des mers attendant les secousses et séismes qui les feraient jaillir et qui les façonneraient en chaînes de montagnes.

Quelques millions d’années plus tard, l’orogenèse du Laramide (à qui nous devons les montagnes à l’ouest du continent nord-américain) entraîne des déformations rocheuses que viennent accentuer des éruptions volcaniques et le travail d’érosion du fleuve Colorado.

Plus de quarante strates forment les falaises du Grand Canyon, en faisant un site remarquable qui s’étire sur 450 km de long avec une largeur qui varie de 5,5 km à 30 km et une profondeur moyenne de 1300 mètres.

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Autant d’éléments spectaculaires qui permettent à l’UNESCO en 1970 de classer le Grand Canyon patrimoine mondial de l’Humanité. L’Arizona détient ainsi l’un des parcs les plus monumentaux qui soit, entre le lac Powell et le lac Mead, qui attire chaque année quelque quatre millions de visiteurs.

Descendre au cœur du Grand Canyon

Pour les mordus de la randonnée et de l’alpinisme, rien ne vaut une plongée au cœur du Grand Canyon.
Au départ de South Rim, en empruntant un chemin de mules que l’homme mit plus de six mois à construire, avec deux équipes partant une d’en haut, l’autre d’en bas, je voyage dans le temps et la matière. 365 mètres de dénivelé me permettent de descendre dans plus de 40 millions d’années de géologie. Un sentier rocailleux et raide, qui serpente au milieu de falaises aux formes et aux coloris les plus variés où tantôt ce sont le calcaire et le gré qui prédominent, tantôt le granite et le schiste.

Je croise un convoi de mules qui remontent, le pied sûr. J’observe un lézard s’échapper derrière un rocher. Dans le ciel, le soleil brûle. Pourtant c’est encore tôt le matin.
Après plus d’une heure de marche, j’arrive à Cedar Ridge. Une avancée rocheuse qui scinde le canyon, au-dessus de la rivière et qui offre un panorama spectaculaire sur 360 degrés.

Les falaises abruptes, les formations rocheuses qui déferlent en vagues à l’infini et le ciel d’un bleu turquoise. Assise, les pieds dans le vide, je contemple le vol d’un aigle.

Il plane majestueux. Silencieux. Puis disparaît. Plus proche, un écureuil semble intéressé par mon sandwich. C’est de mon eau que je suis jalouse. Sans elle et sans un chapeau pour se prémunir du soleil, la randonnée peut se révéler un vrai cauchemar.

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Une corneille s’approche et je prends la mesure du silence dans lequel je me suis inconsciemment drapée. Ici, tout au bout de la falaise. Il n’y a plus un bruit. Sauf celui, à présent violent, du battement d’ailes de la corneille. N’être qu’un point, un élément faisant partie d’un grand tout. Tellement reposant. Difficile de s’arracher à tant de beauté. À tant d’espace.

Une remontée ardue

Je regarde tout en haut la crête du South Rim et je me perds dans les lacets rocailleux du chemin de retour. Ce qui était pentu à l’aller reste bien raide pour la grimpette du retour. Et il n’y a même plus la promesse d’un spectacle à couper le souffle pour motiver des jambes qui n’en finissent pas de protester.

Il faut retourner à la «civilisation». Une marche à faire à son rythme, avec de fréquents arrêts pour boire. Le soleil maintenant bien haut dans le ciel est impitoyable. On prend toute la mesure du temps. On médite sur son travail sur la roche. Son impact sur nos vies. Peu d’activité sur ces cailloux, si ce n’est un ou deux lézards. Les rapaces font-ils bien leur travail ou la chaleur prévient-elle de tout mouvement inutile ?

J’imagine les premiers hommes sur ces falaises, sur cette piste. Qu’est-ce qui les motivait alors? La même soif de se perdre dans l’infiniment grand? La curiosité de pousser plus avant vers le vide? La quête d’une nouvelle aventure, plus grande que réalité ?

Dernier escarpement. Me voici arrivée à destination. Je regarde autour de moi et ne peux me décider à déjà reprendre l’avion qui me conduira à Phoenix. La journée touche à sa fin. Elle a commencé tôt. Je ne suis pourtant pas encore prête à replonger dans un monde de bruit et d’agitation. Les touristes et les bus que je retrouve là, devant moi, sont déjà un début d’agression.

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Yaki Point

Je me dirige vers le point touristique du Grand Canyon, Yaki Point. Une autre marche, sur du plat cette fois, qui me fait traverser une pinède, en longeant les falaises du Grand Canyon, côté South Rim toujours, tout en haut, au début, au départ de la piste South Kaibab. Après une bonne demi-heure, j’arrive au lieu dit.

C’est vrai que la vue est imprenable. Un autre aperçu de cette formation rocheuse qui ondule à perte de vue. Un fondu d’or et de pourpre sur un drap bleu. Tout en bas, coule une rivière. Il y en a qui campe, dit-on. Avec plus de temps, j’aimerais me perdre davantage dans l’immensément grand.

Infos: Pour survoler le Grand Canyon: contacter Westwind Air Service,
westwindairservice.com

Un permis est souvent nécessaire dans les parcs nationaux des États-Unis. Un guide peut aussi vous aider à réaliser vos rêves les plus fous dans le Grand Canyon. Contacter à ce sujet Arizona Outback Adventures,
www.aoa-adventures.com

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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