Le gouvernement prévenu du risque d’exode d’immigrants

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L'étage des départs à l'aéroport international Pearson de Toronto. Photo: iStock.com/Yelena Rodriguez Mena
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Publié 06/02/2024 par Marianne Dépelteau

En raison du coût élevé de la vie, le manque d’opportunités et la non-reconnaissance des compétences, de nombreux immigrants ont quitté le Canada au cours des dernières années. Des fonctionnaires avaient toutefois prévenu le gouvernement que ces enjeux pouvaient provoquer un exode des immigrants.

En 2022, des fonctionnaires d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) avaient averti le gouvernement que le Canada pourrait perdre des immigrants, révèlent des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

«Les immigrants récents dotés d’un capital humain élevé risquent d’émigrer en raison du coût de la vie, du manque d’opportunités et de la reconnaissance des titres de compétences étrangers», précise une analyse interne à laquelle Francopresse a eu accès.

Les fonctionnaires citent dans le document les résultats d’un sondage Léger mené pour l’Institut pour la citoyenneté canadienne, selon lequel 22% des personnes interrogées (tous des immigrants devenus citoyens) ont indiqué qu’ils prévoyaient quitter le Canada dans les deux prochaines années.

Des avis «mis de côté»

«Ça fait deux avis des fonctionnaires du ministère de l’Immigration qui sont mis de côté par le gouvernement en place», déplore Alexis Brunelle-Duceppe, porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration.

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«On a celui-là […] et on avait aussi celui sur le fait que si on continuait avec des seuils importants, il y aurait un impact sur le logement et ça a été mis de côté.»

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Alexis Brunelle-Duceppe.

À la mi-janvier, des documents d’IRCC obtenus par La Presse canadienne montraient qu’Ottawa avait été averti de potentielles répercussions de la forte augmentation de l’immigration sur les prix du logement et sur les services.

«[Que le gouvernement] n’écoute pas les partis d’opposition, qu’il n’écoute pas le Québec, les provinces et les territoires, c’est une chose, mais qu’il n’écoute pas ses propres fonctionnaires, ça en est une autre», poursuit le député Brunelle-Duceppe.

«Le système d’immigration du Canada est de calibre mondial, défend Loic Ouellette, porte-parole d’IRCC. Cependant, les tendances migratoires changent et le monde devient de plus en plus complexe.»

Selon lui, il faut que les programmes et activités d’IRCC s’adaptent aux nouveaux défis. «Il s’agit notamment d’attirer et de retenir les gens que nous voulons et dont nous avons besoin, de veiller à ce que les collectivités puissent les intégrer et les soutenir, et de maintenir l’intégrité des frontières du Canada», dit-il.

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De nouveaux défis en immigration

Selon Mikal Skuterud, professeur d’économie à l’Université de Waterloo, l’intégration des nouveaux arrivants est un problème de longue date. «Dans les années 1990, le débat portait sur les taux de pauvreté parmi les immigrants, et il s’agissait d’immigrants qualifiés. Ce n’est donc pas nouveau.»

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Mikal Skuterud.

Ce qui est exceptionnel en ce moment, dit-il, c’est la crise du logement. Ce qui l’inquiète encore plus, c’est le déséquilibre entre le nombre de résidences permanentes octroyées et le nombre de résidents temporaires admis au pays.

Bien que l’analyse des fonctionnaires d’IRCC ne s’étende pas sur ce qui est inclus dans le terme «manque d’opportunités», Mikal Skuterud croit que ce déséquilibre pourrait en faire partie.

«La population de résidents temporaires grandit beaucoup plus rapidement que celle des nouveaux résidents permanents admis, ce qui signifie que la probabilité de devenir résident permanent est plus basse.»

«Le statut de résidence permanente devient une sorte de loterie, poursuit-il. C’est en grande partie la raison pour laquelle il y a un sentiment de frustration, les gens abandonnent et retournent plus souvent chez eux, c’est possible.»

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L’économiste rappelle cependant que les immigrants n’ont pas toujours les moyens de quitter le Canada. Dans le cas où ils n’accéderaient pas à la résidence permanente, ils perdraient alors tout statut légal au pays.

«Ils n’ont aucun droit légal aux soins de santé ou à quoi que ce soit d’autre. C’est très malsain pour une société. Il s’agit maintenant d’un citoyen de seconde zone.»

Un risque pour la réputation du Canada

Les documents témoignent également de l’inquiétude des fonctionnaires pour l’image du pays : «Cela pourrait nuire à la réputation du Canada en tant que destination pour les immigrants et aux efforts visant à favoriser la croissance économique.»

Alexis Brunelle-Duceppe s’inquiète «de la fausse publicité» qui est faite à l’étranger. «On promet mers et mondes à des gens en ne leur donnant pas nécessairement le vrai portrait de ce qui arrivera lorsqu’ils fouleront le sol canadien.»

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L’augmentation du coût de la vie au Canada rebutent des immigrants, qui repartent ailleurs. Photo: iStock.com/JulieAlexK

«Je vois des nouveaux arrivants qui se retrouvent dans des refuges pour sans-abri ou qui sont clients de banques alimentaires, alors qu’ils sont venus ici trouver une vie meilleure, ce n’est pas normal», ajoute-t-il.

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Selon Statistique Canada, le taux d’emploi des immigrants récents a diminué de 2,3 points de pourcentage entre juillet 2022 et juillet 2023.

Le porte-parole d’IRCC rappelle que «tous les résidents permanents et les personnes protégées à l’extérieur du Québec sont admissibles aux services d’établissement financés par IRCC avant et après leur arrivée au Canada», ce qui inclut des services d’emplois.

Alexis Brunelle-Duceppe estime que «si c’était travaillé plus en amont, si les choses étaient dites de façon plus honnête envers les gens qui veulent venir s’établir ici, peut-être qu’on ne se retrouverait pas avec une immigration subséquente comme celle qu’on a présentement».

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