Le Festival de jazz de Montréal souffle ses 30 bougies

Quand le jazz est une fête

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 16/06/2009 par Dominique Denis

Et c’était lui, le grand rassembleur? Ce fameux «langage universel» qu’on évoque lorsqu’il est question de louer les vertus fédératrices de la musique? Pour peu que l’on consulte la programmation de presque tous les festivals de jazz de la planète – et c’est particulièrement vrai du Festival International de Jazz de Montréal, qui célèbre son 30e anniversaire du 30 juin au 12 juillet – c’est la conclusion à laquelle on est obligé d’arriver. Hormis quelques genres foncièrement incompatibles (le heavy métal, par exemple), il n’est pratiquement aucune musique qui ne soit la bienvenue sous l’enseigne.

Cela dit, il s’en trouve pour affirmer – et ils ont raison – que l’ubiquité et la popularité des festivals de jazz relèvent plutôt de considérations de marketing et de démographie: éminemment respectable, la bannière du jazz draine les foules de tous les âges et de toutes les couleurs (y compris quelques jazzophiles purs et durs), en plus de rassurer les élus, les forces de l’ordre et les chambres de commerce.

Bref, il est stratégiquement préférable d’inviter un artiste hip hop à un festival de jazz que d’inviter un jazzman à un festival de musique urbaine…

Mais bon: peu importe les motivations, on ne se pose plus la question de savoir ce que font un chanteur reggae ivoirien (Alpha Blondy), une violoniste classique québécoise (Angèle Dubeau), une auteure-compositrice mexicaine (Lila Downs) et un duo techno (Thunderheist) à la programmation du FIJM.

On accepte l’idée qu’il s’agit là d’une grande kermesse œcuménique, et au diable les sectarismes! D’autant que les organisateurs du festival – les infatigables André Ménard et Alain Simard, fidèles au poste depuis le début – n’ont pas été chiches à l’égard de ceux qui souhaitent entendre du «vrai» jazz durant ces dix jours qui feront battre le cœur du centre-ville de Montréal.

Publicité

À chacun sa série

Chaque année, ces deux complices se démènent pour dépasser les attentes suscitées par l’édition précédente de l’événement, devenu le plus important rassemblement du genre à l’échelle mondiale. En 2009, le défi est d’autant plus grand que leur bébé fête son 30e anniversaire.

Il suffit de jeter un coup d’œil à la programmation pour saisir que 2009 sera un cru mémorable, avec 13 séries thématiques ancrées dans 13 lieux différents. Ainsi, la série Jazz d’ici (présentée à l’Astral) privilégiera les artistes canadiens; la vaste palette de couleurs du monde sera à l’honneur avec la série Rythmes Bell (au Métropolis), tandis que ces musiques aventureuses qui évoluent en marge du jazz se retrouveront à l’affiche des Nuits Heineken, au Club Soda.

Quant à la série Invitation, depuis longtemps un des plus beaux fleurons du FIJM, elle permettra cette année au trompettiste et au contrebassiste français Éric Truffaz et Renaud Garcia-Fons de nous proposer chacun trois soirées de musique autour de formules différentes, alors que le redoutable saxo ténor américain Joshua Redman aura droit à deux soirs.

Ceux pour qui le jazz est une musique qui se chante seront de nouveau servis cette année, avec le retour de Tony Bennett (qui demeure un émouvant interprète, malgré un registre vocal perceptiblement réduit), Al Jarreau, Joyce, Sophie Milman, Mélodie Gardot (la révélation du FIJM 2008), Eleni Mandell, Eliane Elias et la torontoise Emilie-Claire Barlow. La guitare est votre instrument? Alors, il y a Jordan Officer, Jeff Beck, Bill Frisell et Al Di Meola, sans oublier le swing résolument djangolesque des Lost Fingers.

Les géants du saxophone sont aussi au rendez-vous, qu’il s’agisse du ténor Wayne Shorter et de l’altiste Lee Konitz, deux anciens complices de Miles Davis. Et justement, si c’est du Miles que vous voulez, le FIJM propose, en exclusivité canadienne, l’ambitieux projet Miles From India, une rencontre transculturelle «East meets West» à 13 instruments qui s’inscrit très logiquement dans la démarche décloisonnée du regretté trompettiste.

Publicité

Question d’équilibre

Croissance oblige, un certain nombre de choses ont changé au fil des ans. Quelques salles (comme le Spectrum) ont fermé leurs portes, tandis qu’une autre – L’Astral – sera inaugurée.

Mais une constante demeure: le FIJM a su maintenir un équilibre parfait entre la grande fête de la rue, avec pas moins de 370 spectacles gratuits en dix jours, de midi à minuit, et une programmation de haut niveau conçue pour être appréciée dans des salles propices à une écoute plus attentive.

En ce sens, il est un parfait reflet de la ville qui l’accueille et le nourrit, et de la prédisposition de ses habitants à la nouba: à la fois enthousiaste et avisé, fidèle aux valeur sûres et ouvert à l’exploration, le public du FIJM assume une bonne part de la responsabilité du succès de l’événement. En contraste, le festival Downtown Jazz de la Ville-Reine, même lorsqu’il programme plusieurs des mêmes artistes (comme c’est encore le cas cet été), n’a jamais réussi à conjurer pareil climat de fête.

Le Festival de jazz des Beaches, à la programmation nettement moins prestigieuse, y parvient beaucoup mieux.

Bref, peu importe la branche du jazz à laquelle vous vous accrochez, peu importe que vous y alliez pour les bains de foule ou l’immersion dans une expérience d’écoute approfondie, la question n’est pas de savoir s’il convient de vous offrir une parenthèse montréalaise entre le 30 juin et le 12 juillet, mais plutôt combien de jours – et de nuits! – vous y passerez…

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur