Et c’était lui, le grand rassembleur? Ce fameux «langage universel» qu’on évoque lorsqu’il est question de louer les vertus fédératrices de la musique? Pour peu que l’on consulte la programmation de presque tous les festivals de jazz de la planète – et c’est particulièrement vrai du Festival International de Jazz de Montréal, qui célèbre son 30e anniversaire du 30 juin au 12 juillet – c’est la conclusion à laquelle on est obligé d’arriver. Hormis quelques genres foncièrement incompatibles (le heavy métal, par exemple), il n’est pratiquement aucune musique qui ne soit la bienvenue sous l’enseigne.
Cela dit, il s’en trouve pour affirmer – et ils ont raison – que l’ubiquité et la popularité des festivals de jazz relèvent plutôt de considérations de marketing et de démographie: éminemment respectable, la bannière du jazz draine les foules de tous les âges et de toutes les couleurs (y compris quelques jazzophiles purs et durs), en plus de rassurer les élus, les forces de l’ordre et les chambres de commerce.
Bref, il est stratégiquement préférable d’inviter un artiste hip hop à un festival de jazz que d’inviter un jazzman à un festival de musique urbaine…
Mais bon: peu importe les motivations, on ne se pose plus la question de savoir ce que font un chanteur reggae ivoirien (Alpha Blondy), une violoniste classique québécoise (Angèle Dubeau), une auteure-compositrice mexicaine (Lila Downs) et un duo techno (Thunderheist) à la programmation du FIJM.
On accepte l’idée qu’il s’agit là d’une grande kermesse œcuménique, et au diable les sectarismes! D’autant que les organisateurs du festival – les infatigables André Ménard et Alain Simard, fidèles au poste depuis le début – n’ont pas été chiches à l’égard de ceux qui souhaitent entendre du «vrai» jazz durant ces dix jours qui feront battre le cœur du centre-ville de Montréal.