Le country sans frontières de Carol Welsman

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Publié 07/11/2006 par Dominique Denis

La Torontoise Carol Welsman, qui habite maintenant Los Angeles, n’est certes pas la première à avoir fusionné jazz, blues, country et soul – on n’a qu’à penser à Norah Jones et Madeleine Peyroux, qui ont récemment exploité la recette avec le succès qu’on sait.

Pourtant, force est de constater que What’Cha Got Cookin’ (Koch) porte ce qu’il convient d’appeler la griffe Welsman: clarté de l’énonciation, léger sourire dans la voix, et une liberté du phrasé qui ne s’affirme jamais au détriment de la mélodie. Une approche qui sied fort bien à ces classiques du répertoire country qu’elle a choisis et dont elle assure les arrangements, à la tête d’un sextuor qui sait, lui aussi, se mettre au service des chansons plutôt que l’inverse.

On apprécie le côté bluesy du It’s My Party de Lesley Gore (pas vraiment une toune country, mais qu’importe), et sa façon irrésistible de faire swinger Hey Good Lookin’ de Hank Williams, mais c’est dans le registre clair-obscur que la magie opère vraiment: des reprises dépouillées de Everybody’s Talkin’ de Fred Neil et surtout du By The Time I Get To Phoenix de Jimmy Webb laissent entrevoir une vulnérabilité sans artifices, qui font presque regretter que Carol n’aie pas choisi d’exploiter ce registre tout au long de l’album.

En prime, un DVD tourné lors des séances d’enregistrement nous rappelle qu’il existe encore des musiciens capables de conjurer la magie dans des conditions de direct, comme à l’époque où la plupart de ces chansons ont vu le jour.

Un Comeau pour camés

Le plus grand public l’avait découvert il y a cinq ans avec l’album anglais Hungry Ghosts, qui renfermait déjà une pièce en français. Cette fois, le poète et auteur-compositeur de souche acadienne Fredric Gary Comeau a choisi d’explorer pleinement l’autre moitié de sa dualité linguistique.

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De par son alliage subtil d’onirisme et d’érotisme, de désir et de mélancolie, Ève rêve (Tacca/Sélect) n’est pas sans évoquer le Jean-Louis Murat de Dolorès, un parallèle que viennent accentuer des orchestrations feutrées et une voix qui s’élève rarement au-dessus du murmure.

Pas question de glisser cet album dans son baladeur pour aller faire son jogging matinal, mais pour peu que l’oreille s’acclimate aux tableaux embrumés de Comeau, le charme opère. Intoxicant comme le serait la musique de fond dans une fumerie d’opium.

Drôle de Loizeau

Malgré son registre vocal à la Birkin, on aurait tort de comparer Emily Loizeau à ces filets de voix gainsbourgiens pour fans des sixties. En plus de signer toutes les chansons de L’autre bout du monde (Fargo/Sélect), la belle de Belleville (le quartier parisien, pas la municipalité ontarienne) tient le piano et assure la réalisation de ce premier album qui joue la carte du dépouillement.

Trahissant par son humour l’influence de Cyrus Bassiak (la plume derrière les plus belles chansons de Jeanne Moreau), Loizeau soupire ses refrains faussement naïfs en compagnie d’Andrew Bird (ex-Bowl of Fire) et de Franck Monnet, un esthète de la chanson origami.

Pour vous situer, disons que si Fanfreluche s’était tournée vers la chanson pour grandes personnes, cela aurait donné quelque chose qui ressemble à L’autre bout du monde. Autant dire qu’on tient là un disque intrigant, mais qui ne mérite guère qu’on s’y attarde.

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Charlebois s’écartille sur scène

Prolongement live du superbe coffret de quatre CD paru l’an dernier, Tout écartillé, – Au National (La Tribu) permet à Charlebois de revisiter deux douzaines de ses classiques à la tête du groupe de facture plus rock (trois guitares et deux batteries!) auquel il doit sa renaissance artistique des dernières années.

Suivant une entrée en matière quasi-unplugged, qui sied parfaitement à Québec Love et Complainte de Presqu’Amérique, Charlebois et Cie mettent la gomme, tant au registre psychédélique (un ébouriffant California) qu’à celui du rock and roll pur jus (Entr’ deux joints, Mr. Plum, etc.)

Ceux qui se dépêchent pourront se payer le coffret de luxe, qui renferme la version DVD du même show, mais surtout le fascinant documentaire À soir on fait peur au monde, tourné avec les moyens du bord en 1969, et qui, malgré une qualité de son et d’image exécrable, documente fidèlement le phénomène Charlebois à l’époque où notre frisé incarnait la contre-culture made in Québec.

L’inclusion d’une douzaine de clips réalisés en 1976 (période crooner et créole) nous rappelle le peu de temps qu’il avait fallu pour que Charlebois entre dans le mainstream.

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