Le Bobó de camaraõ

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Publié 10/10/2006 par Daniel Soha

À Fernanda

Depuis belle lurette, on a l’impression que le Brésil est un pays d’avenir qui a toutes les peines du monde à se convaincre de son présent… mais le temps est une notion si subjective, si culturelle!

Ça fait quelque temps déjà qu’il ne gagne plus les Coupes du Monde de foot avec la même facilité malgré la suprême élégance de ses joueurs et que, au bord du gouffre comme tout un chacun, il est pris par la tentation de faire un grand pas en avant…

Mais le goût qu’il a de la corde raide, la violence de ses contrastes, de ses individus, de ses reliefs et de ses saveurs en font un pays chatoyant et intense, qui échappe à l’ennui que nous inspirent certaines grisailles nordiques ou «jaunailles» tropicales.

Et puis par-dessus tout, envers et contre tout, le Brésil, c’est la fête, c’est la recherche presque désespérée de la gaieté, une soif de jouissance débridée, un sens profond de l’esthétique lié à une instinctive beauté.

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Une langue qui, partie du portugais, l’a dépouillé de son timbre rocailleux et aride pour l’étirer, l’humecter, le parer d’un tempo jazz au cool lascif; Camoês calmement mais méthodiquement violé par Astrud Gilberto, une latinité libérée de ses carcans et explosant sous les tropiques dans la bouche de femmes suaves et voluptueuses, dans leur ondoiement machinal, dans leur sensualité assurée et fière. Une apothéose à Rio: la plus grande party du monde, où une nation se prépare l’année entière à perdre l’esprit et ne consent alors à confier son âme et son présent qu’au rythme de sa musique qui la porte, la transporte, la transcende.

Qu’importe si Orphée y perd Eurydice, puique c’est de toute manière dans l’ordre naturel des choses; ici, c’est la parure qui compte, comme pour ces dames indignes du Bois de Boulogne. Car ici, tout est permis, et le monde se renverse souvent d’un coup de reins ou de percussions, l’organe crée la fonction, la forme crée le fond. Ici, enfin et tout naturellement, on va aux écoles de samba au lieu d’apprendre la culture d’entreprise.

Et la cuisine, direz-vous? Il faut absolument mentionner le plat national: la feijoada ou, littéralement et si l’on restitue en français la texture du mot, quelque chose comme: «fayottade».

Nous résisterons au plaisir de décrire ce cassoulet vaudou et l’ensorcellement qu’il produit; sachez toutefois qu’il inspira à ce point le musicien Heitor Villa-Lobos que celui-ci composa en son honneur un morceau intitulé Fugue sans fin comportant quatre mouvements: «Farine», «Viande», «Riz» et «Haricots noirs».

La création directement alimentée par des aliments, la culture nourrie par la nourriture, littéralement à la petite cuillère. On saute une étape dans le processus de civilisation. Nous résisterons donc au plaisir facile de faire de la feijoada, dont la recette traîne sur tous les comptoirs de cuisine qui se respectent, la vedette si attendue de cette rubrique. Nous nous concentrerons plutôt sur un exquis et méconnu «Bobó de camaraõ», ce qui nous permettra au passage d’éviter une autre tentation: celle de prendre une photo du plat pour la postérité.

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Car si la bouillabaisse ou la paëlla peuvent se prêter à une illustration appétissante, le pauvre «bobó», lui, bien que délice des papilles, évoque dans sa représentation photographique ce qu’il y a de plus diamétralement opposé au processus d’alimentation. Et quand on sait à quel point la parure est importante…

Le «bobó» est représentatif d’une des qualités primordiales de la cuisine brésilienne: celle d’être «nature». En effet, ce pays quinze fois plus grand que la France connaît une variété extraordinaire de modes de vie et d’ingrédients. La cuisine y est donc régionale et s’appuie sur la richesse et la fraîcheur des denrées locales, critère qui a son importance partout, mais qui est ici d’autant plus capital que nous sommes en pays chaud et que les distances sont grandes.

Le Bobó est un plat typique du «Nordeste», et plus particulièrement de Bahía, région côtière riche en poissons et fruits de mer. Il doit être mangé très épicé.

Ingrédients

• 1 kg de crevettes, décortiquées et marinées au préalable dans de l’ail et du jus de citron
• 1 kg de manioc épluché
• 2 oignons émincés
• 4 tomates
• 2 bouquets de coriandre
• 1 bouquet de persil
• du piment à volonté
• du sel
• de l’huile d’olive
• 250 g de lait de coco

Préparation

• Faire sauter dans 6 cuillerées à soupe d’huile d’olive les oignons, les tomates, la coriandre, le persil, et y ajouter du sel.
• Laisser tiédir.
• Passer au mixeur avec un verre d’huile d’olive. Diviser en deux parts égales.
• Faire bouillir le manioc dans de l’eau salée jusqu’à ce qu’il soit ramolli à souhait. L’écraser à la fourchette et y ajouter la moitié de la sauce et le lait de coco.
• Faire chauffer à la poëlle l’autre moitié de la sauce. Y ajouter les crevettes.
• Quand les crevettes sont cuites, y ajouter la crème de manioc.

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Si vous pouvez vous procurer de l’huile appelée «azeite de dendê», en ajouter 4 cuillerées à soupe avant de servir.

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