Le baiser et l’art

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 12/06/2012 par Gabriel Racle

Dans la palette des moyens de communication, les baisers tiennent une place particulière, qui ne semble guère avoir retenu sous cet angle l’attention qu’ils méritent. Par contre, dans la palette des artistes, les baisers sont à l’honneur. Entre l’art de la communication et la communication par l’art, les baisers devraient donc bien trouver leur place, une place de choix.

Quitte à refroidir certaines ardeurs, puisque l’occasion nous en est donnée, il faut situer les baisers dans la gamme des moyens de communication entre les humains. Ces moyens sont nombreux et leur signification explicite les relations qui peuvent exister entre des personnes. Il est nécessaire de préciser que tout acte de communication comporte normalement deux niveaux, un niveau logique, rationnel, conscient et verbal et un niveau émotionnel, non verbal, paraconscient, souvent tout aussi important et significatif que le premier.

Et ce deuxième niveau revêt une telle importance qu’il peut exister seul, ce qui traduit tout de même une forme, un mode de communication. Certes, ce deuxième niveau est particulièrement visible, perceptible lorsqu’il accompagne la parole. Des jeux de physionomie peuvent s’adjoindre à un simple bonjour, en lui donnant une signification spéciale en plus du ton de la voix. A fortiori, on ne peut que prêter une grande attention à la gestuelle et à l’expression vocale d’un orateur politique, qui contredisent souvent ce qu’il affirme.

Mais un regard a déjà en soi une signification, et les expressions physionomiques qui l’accompagnent sont parlantes: intérêt, admiration, réprobation, etc. Un geste du bras ou de la main peut tout aussi bien être amical qu’hostile ou injurieux. Ces gestes sont souvent provocateurs, au point d’entraîner des réactions, parfois violentes. Ce sont donc bien des modes de communication qui transmettent un message réel.

L’art et le baiser

Les baisers entrent bien dans cette catégorie des communications dites de deuxième niveau, ce qui n’enlève rien aux modalités de leur signification privilégiée. On pourrait épiloguer longuement sue le baiser et définir la signification de ce type de communication: relation affective parents-enfants, relation entre personnes du même milieu familial, relation amicale entre des personnes, relation amoureuse entre deux personnes, à l’expressivité variable bien évidemment.

Publicité

Les artistes se sont intéressés à cette forme particulière de communication entre des personnes et l’ont fixée sur la toile ou sur la pellicule photographique, en transformant en quelque sorte un mode expressif de communication en un mode symbolique de traduction de relations. De réalité communicative, le baiser est devenu un symbole, donc l’image d’une réalité, une relation interpersonnelle, ainsi devenue abstraite, puisqu’en soi le baiser n’est pas un symbole mais une expression communicative.

Et c’est le sens d’un livre à la fois superbe et original qui aborde le thème du baiser à travers les différentes époques de l’histoire de l’art, les différents modes d’expression artistique, des sculptures, des tableaux, des estampes, des photographies, sous des regroupements variés: Serge Bramly et Jean Coulon, Les Baisers, Édition Flammarion, 21 X 28 cm, relié, 256 p., quelque 150 illustrations de chefs-d’œuvre en couleurs et en pleine page.

Quelques thèmes

«Des baisers à la pelle», qui ouvre l’ouvrage avec le très célèbre tableau de Gustav Klimt, Le Baiser, démystifie la présence du baiser, tant parmi les civilisations, que dans les musées. «Le thème du baiser est peut-être universel; il est loin de couvrir l’histoire de l’art, à la différence du thème du regard, par exemple; ou de la main ou du drapé. Certaines périodes et de nombreux artistes l’ignorent.» L’ouvrage qui en regroupe de si nombreuses illustrations n’en est donc que plus précieux.

«Le baiser mythologique» s’explique par une évolution culturelle. «Quand l’art de l’Europe commença à s’émanciper de la tutelle de l’Église, qu’il voulut sortir du cadre de la propagande religieuse et explorer de nouvelles voies, il recourait d’abord aux sujets de l’Antiquité, tels que les avaient transmis les poètes. Leur ancienneté les rendait acceptables.» Après tout, «Éros, c’est la vie».

Publicité

Mais la religion n’est pas oubliée, avec «Les baisers de la Vierge», qui s’ouvre par ces quelques lignes: « Sigmund Freud attribue l’origine du baiser à la relation mère-enfant. La tété du sein maternel conditionne la recherche par la bouche d’un objet extérieur; le baiser permettrait par la suite de remonter le temps; il rétablirait un lien, rouvrirait un accès à un bonheur perdu.»

Des artistes

Au fil des thèmes défilent aussi les artistes qui ont caressé le baiser de leur pinceau ou l’ont saisi avec leur objectif, comme le célèbre baiser de Robert Doisneau, «que l’on dit fabriqué, d’où sans doute son extraordinaire naturel»: Jérôme Bosch, Bruegel l’Ancien, Cézanne, Chagall, Giotto, Le Corbusier, Magritte, Munch, Picasso, Man Ray, Rubens, Rodin, Toulouse-Lautrec et bien d’autres, dont Hokusaî et ses estampes japonaises.

Un joli livre d’art, pour la prochaine Saint-Valentin? Mais… pourquoi attendre?

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur