Le 2e budget Morneau: grand parleur…

Le ministre Bill Morneau place le budget fédéral sous le signe de la formation et de l'innovation.
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Publié 23/03/2017 par François Bergeron

D’abord les chiffres. De nos jours, ils sont presque superflus, voire encombrants, dans les discours annuels du budget comme celui que vient de livrer le ministre fédéral Bill Morneau, «la prochaine étape du plan à long terme du gouvernement pour créer des emplois et renforcer la classe moyenne»…

En 2017-18, le gouvernement canadien se propose de dépenser 333,2 milliards $, soit:

305,4 milliards $ en programmes directs et en transferts aux provinces;

24,7 milliards $ en frais (intérêts) de sa dette de 665,5 milliards $;

3 milliards $ en réserve pour des imprévus.

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Ses revenus (taxes et impôts) s’élèveraient à 304,7 milliards $, ce qui nous donnerait cette année un déficit de 28,5 milliards $.

On se souvient qu’en campagne électorale, en 2015, pour damer le pion au NPD qui promettait un budget équilibré et aux Conservateurs qui venaient d’en déposer un, les Libéraux envisageaient des déficits «modestes» de 10 milliards $ pour stimuler l’économie au cours des trois premières années de leur mandat, avec un retour à l’équilibre à temps pour les prochaines élections.

Les Libéraux disent désormais cibler le pourcentage du PIB représenté par la dette fédérale: 31,6% cette année, qui passerait à 30% en 2022 et qui pourrait continuer de diminuer (lentement), même en empilant les déficits et en gonflant la dette ad vitam æternam.

Tout dépend toujours de la croissance économique canadienne: au-dessus ou en-dessous de 2%.

Détail fascinant: le gouvernement calcule que ses dépenses de programmes, qui représentent 14,5% du PIB cette année, ne représenteront plus que 13,8% dans cinq ans. Ces mêmes Libéraux qui se sont positionnés à «gauche» sur l’échiquier politique nous offrent donc un budget prévoyant une réduction de la taille de l’État dans l’économie canadienne.

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Ce serait formidable si c’était vrai.

Question subsidiaire: qui croit vraiment que le gouvernement canadien ne pourrait pas fonctionner aussi correctement avec 300 milliards $ par année (déficit zéro) qu’avec 330 milliards $?  Après tout, le gouvernement (libéral) ontarien de Kathleen Wynne s’apprête à déposer un budget équilibré, après une décennie de déficits.

Est-ce qu’on pourrait, juste une fois, faire l’expérience d’une décennie de budgets équilibrés ou excédentaires?

Trump

La plupart des analystes et commentateurs ont décrit ce 2e budget Morneau comme «attentiste» face à l’évolution de l’économie américaine.

Il est encore trop tôt pour affirmer que la nouvelle administration protectionniste américaine va torpiller les projets mirobolants de nos gouvernements fédéral et provinciaux. L’IEDM suggérait récemment qu’une renégociation de l’ALÉNA pourrait même libéraliser davantage le commerce canado-américain, notamment dans le secteur agricole.

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En plus d’être décomplexé face au développement des énergies fossiles, Donald Trump veut lancer de grands chantiers d’infrastructures (routes, ponts, murs…) qui, avec une augmentation des budgets militaires et policiers, et des réductions de taxes et d’impôts, feraient exploser une dette américaine déjà inquiétante.

Si Washington arrivait à retarder les retombées négatives de cet endettement, cette effervescence américaine profiterait dans l’immédiat à l’économie canadienne.

budget federal 2017-18

Innovation

Le ministre Bill Morneau affirme que son 2e budget met l’accent sur «l’innovation, les compétences, les partenariats et l’équité», tout en promettant de lutter contre l’évasion fiscale et d’éliminer des mesures «qui profitent démesurément aux riches».

Le budget hausse, de 4 milliards $ actuellement à 9 milliards $ éventuellement, les investissements destinés à aider les travailleurs adultes à se perfectionner ou à mettre à niveau leurs compétences «en vue de s’adapter aux changements au sein de la nouvelle économie», et à aider les jeunes à obtenir les compétences et l’expérience de travail dont ils ont besoin pour commencer leur carrière.

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Par ailleurs, des assouplissements aux règles de l’assurance-emploi permettront aux chômeurs profitant de programmes de formation de conserver leurs prestations, et aux femmes enceintes d’en recevoir plus tôt.

Le budget réoriente des ressources vers les soins à domicile et la santé mentale, et il confirme les récents accords sur le financement des soins de santé qu’Ottawa a conclus avec 12 provinces et territoires. Seul le Manitoba résiste encore à la réduction du taux de croissance des transferts fédéraux: de 6% à 3%… une menace du méchant gouvernement conservateur de Stephen Harper mise à exécution ici par le vertueux gouvernement libéral de Justin Trudeau.

On prend aussi «un virage en vue de l’égalité des sexes» en promettant de tenir compte de cet enjeu dans l’élaboration de toutes les politiques. Les francophones en milieu minoritaire savent ce que ça vaut: une telle obligation à leur égard est déjà inscrite depuis longtemps dans la loi canadienne…

Enfin, on veut «faire progresser la réconciliation avec les peuples autochtones» grâce à des investissements dans l’infrastructure, la santé, l’éducation et la formation des Premières Nations, de même que dans la revitalisation de leurs langues et cultures.

budget federal 2017-18

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Francos

La «Feuille de route» 2013-2018 sur les langues officielles, dotée d’un budget d’environ 1,2 milliard $, n’a pas encore été remplacée par le «Plan d’action» promis par la ministre Mélanie Joly. Le budget Morneau n’en fait donc pas mention.

Un «maigre» 80 millions $ sur 10 ans est ajouté cette année aux infrastructures éducatives des communautés de langue officielle minoritaire. Cela fait dire au lobby politique des francophones hors Québec, la FCFA, que «si on cherche un signe de l’importance que le gouvernement accorde à la francophonie et à la dualité linguistique, ce n’est pas dans le budget fédéral qu’on le trouvera».

La FCFA déplore que dans le chapitre d’introduction du budget sur le 150e anniversaire de la Confédération, «on ne parle même pas de la dualité linguistique».

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Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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