Lalique à Toronto

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Publié 21/02/2006 par Marta Dolecki

L’esprit de l’Art nouveau plane sur le Musée Royal de l’Ontario (MRO). Finesse, opalescence et pureté des lignes: sous l’impulsion de René Lalique, célèbre maître verrier français, vases de table, assiettes et luminaires s’habillent de cristal, se couvrent de feuilles, de fleurs ou, encore, de femmes aux corps laiteux. Ainsi parés, ces mêmes objets perdent leur lourdeur d’attributs de la vie quotidienne pour devenir aussi beaux que des poèmes.

À l’abri dans des caissons de verre protecteurs, une soixantaine de pièces conçues par l’illustre verrier – objets qui datent de 1910 à 1945 –sont savamment exposées au troisième étage, dans l’une des nouvelles salles récemment ouvertes au public à la suite des travaux de rénovation entrepris par le musée.

Cinquante-six des 60 œuvres présentées ont été léguées au MRO par des particuliers, tous Canadiens. La plupart de ces pièces sont autant d’empreintes inscrites dans le temps, chargées de souvenirs et riches en commentaires implicites sur une époque, mais aussi sur les personnes qui les ont possédées.

Le pied enfoncé dans un tapis moelleux, le visiteur peut ainsi venir contempler les œuvres de Lalique, naviguant, au gré des présentoirs, entre un bol couvert de serpents et un flacon de parfum, ou, encore, entre un vase représentant des nymphes et une lampe de table en forme de poisson. Entre deux, il est possible de faire une pause en se laissant couler dans l’un des confortables canapés en cuir qu’abritent les nouvelles galeries.

Dans la salle, un éclairage doux met en valeur tous les articles de verre, les ornements et accessoires que comprend l’exposition intitulée Déco Lalique, en hommage à celui qui fut l’un des principaux chefs de file de l’Art nouveau.

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Qu’ils aient la pureté du cristal ou la neutralité des verres sablés, les objets auxquels René Lalique a apposé sa signature sont facilement reconnaissables, ne serait-ce que dans leur dessin initial qui allie la simplicité de la forme à la vivacité du motif.

L’inventeur du décor moderne

René Lalique est considéré comme l’inventeur du décor moderne. Ses créations évoquent un univers de luxe et de volupté qui, sans être ostentatoire, devient accessible à un plus large public. Ce fait même est rendu possible grâce au mariage de l’art et de la production de masse, selon les préceptes de l’Art nouveau.

Au XXe, les œuvres d’art ne sont plus l’apanage de la classe dirigeante. Les classes moyennes s’enrichissent et commencent elles aussi à vouloir se les procurer. Peu à peu, leurs maisons vont se transformer en espaces lumineux, sobres, où des objets de la table raffinés – vases, assiettes, porte-couteaux – se renvoient en miroir leurs propres images au gré des différents jeux de transparence et de lumière.

Dans ce nouveau marché du luxe de masse, Lalique, en bon esthète, souhaite conserver un souci d’invention formelle. Sous l’influence des poètes et peintres symbolistes, ses motifs de prédilection sont la nature qu’il décline en différentes formes, selon la règle des trois «f» – femmes, faune et flore – autant de thèmes récurrents qui traversent son œuvre.

Au MRO, l’exposition Déco Lalique comprend de beaux vases de table, qui, de grappes de raisin ornant toute la surface à des Bacchantes dansant sur du verre blanc, viennent illustrer l’importance du mouvement de la nature et du corps humain chez l’artiste.

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Un créateur exceptionnel

Avant de révolutionner l’industrie du verre, René Lalique débute une carrière de joaillier en 1885. Très vite, ses bijoux, porteurs d’un univers fantastique et étrange, connaissent le succès.

Plusieurs pendentifs de Lalique sont ici en montre comme ce collier de feuilles de lierre en verre opalescent enfilées sur de la soie à broder ou encore cette broche de verre bleu qui figure parmi les plus belles pièces de l’exposition.

Les petites fioles précieuses qui contiennent les parfums sont autant de mannes à souvenirs déchaînant les passions. À l’époque, des parfumeurs comme François Coty souhaitent faire de la bouteille de parfum un objet de luxe.

Lalique confectionne pour lui d’élégants bouchons de parfum et des étiquettes qui viendront ornementer les bouteilles. Il crée aussi des poudriers pour différentes maisons de luxe françaises. Vers 1905, Lalique décide de se tourner vers le verre qui, dès lors, constituera l’essentiel de sa production.

Ses flacons, bijoux et articles en verre sont présentés à  l’Exposition Internationale des Arts décoratifs de 1925. Le succès qu’il y connaît sonne pour l’artiste l’heure de la consécration et lui garantit une renommée internationale.

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Lalique aujourd’hui

La signature de René Lalique fascine dès lors un public toujours plus large. Au Canada, à la fin des années 20, le magasin de meubles Eaton installe dans sa vitrine la fameuse Boule de Gui, un imposant lustre qui, depuis, a été légué au MRO et constitue maintenant l’un des clous de la présente exposition.

Plus largement, les œuvres conçues par Lalique – des vases aux flacons de parfums en passant par les bouchons de radiateurs – sont courues par les collectionneurs du monde entier. Certains de ces objets peuvent atteindre sur le marché une valeur de 139 000 $ comme ce sautoir en verre opalescent vendu aux enchères par la chanteuse Barbara Streisand.

L’exposition Déco Lalique consacre une section aux imitateurs du maître verrier. Le plus connu est Sabino et ses modèles sont plutôt réussis. Quant à la Maison Lalique, reprise aujourd’hui par le fils et la petite-fille de René Lalique, elle continue de fabriquer de nouveaux modèles dans le domaine du verre de luxe, nous apprend l’exposition.

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