L’AFT a donné le coup d’envoi du festival de la BD

400 artistes samedi et dimanche à la bibliothèque

Des bédéistes français, allemand, espagnol, belge et portugais sont venus discuter de leur travail au Théâtre Spadina de l'Alliance française, qui accueille aussi l'exposition de BD «genrée» Héroïnes.
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Publié 10/05/2019 par Alicia Blancher

«C’est une grande reconnaissance pour l’Alliance française de Toronto», confie à L’Express Jean-Grenier Godard. Le directeur général était en effet ravi d’accueillir en avant-première des bédéistes qui participeront au Festival des arts de la bande dessinée de Toronto (TCAF), samedi et dimanche à la Bibliothèque publique de référence de Toronto.

C’est l’événement à ne pas manquer pour les amateurs de BD, qui viennent chaque année par milliers.

Pour cette édition, une trentaine d’éditeurs et plus de 400 artistes seront présents. Parmi eux, on retrouve Gabriel Bá, dessinateur de la célèbre bande dessinée The Umbrella Academy (adaptée en série par Netflix), Junji Ito, un maître du manga d’horreur, Renée Nault, qui a adapté La Servante écarlate en roman graphique, etc. Au programme: conférences, dédicaces, ateliers de dessin et d’écriture.

En l’espace d’une soirée, l’AFT a eu le plaisir de recevoir des auteurs et dessinateurs européens qui participeront au festival, venus parler de leur travail et de leurs œuvres.

Alexandre Clerisse et Nora Krug.

Les discussions, animées en anglais et en français par Peter Birkemoe, l’un des initiateurs du TCAF, ont été l’occasion de découvrir les spécificités de la bande dessinée européenne, tout en admirant la démonstration de dessin en direct par le bédéiste français Alexandre Clerisse et l’illustrateur espagnol David Rubin.

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L’AFT a aussi profité de cette soirée pour présenter l’exposition Héroïnes, consacrée au genre dans la bande dessinée.

David Rubin a dessiné en à peine 30 minutes un portrait, durant la discussion des bédéistes franco-belges.

Combattre les stéréotypes féminins en BD

Près de 180 ans après la naissance de la bande dessinée, les héroïnes se font toujours aussi rares dans ces livres, où les figures masculines représentent près de 70% des héros.

Dans le cadre de l’exposition Héroïnes – une initiative de Lyon BD Festival et du scénariste Jc Deveney – une vingtaine d’auteurs (Yan Le Pon, Jean-Yves Ferry, Hélène Becquelin, etc.) ont dû imaginer et dessiner la représentation féminine d’un héros de bande dessinée de leur choix.

Dessin de Catel: Astérix et Obélix en femmes, Cléopâtre en homme.

À travers ce procédé d’inversion, on peut aisément observer les stéréotypes liés aux figures féminines, qui occupent bien souvent des rôles secondaires.

On remarque par exemple que les héroïnes sont renvoyées à leurs traits psychologiques. En effet, leurs superpouvoirs sont généralement psychiques, ce qui leur permet de compenser leur «infériorité physique». Le corps des hommes, aux muscles saillants, est au service de leur force, tandis que le corps féminin reste un objet de désir sexuel.

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Mais l’image n’est pas le seul véhicule de préjugés. Les schémas narratifs peuvent aussi relayer les femmes au second rang en BD. Il suffit de penser à la «demoiselle en détresse», présente dans de nombreux récits.

Mangas destinés aux jeunes filles

On associe encore davantage ces stéréotypes sexistes aux mangas. Et pourtant, le Japon serait un des pays où la profession d’auteur est la plus paritaire. Les shôjo, mangas destinés aux jeunes filles, sont largement écrits et dessinés par des femmes.

De plus, le yaoi est l’une des rares bandes dessinées dans laquelle le corps masculin est l’objet d’un fantasme féminin. Ce type de manga, pour jeunes filles, relate des romances homosexuelles masculines.

C’est donc une exposition qui permet de réfléchir à ses propres préjugés.

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«On remarque vraiment une grande différence entre les comics, où il y a beaucoup plus de héros masculins, et la bande dessinée franco-belge», a témoigné Stéphanie Hans, dessinatrice pour les maisons d’édition telles que Marvel et DC Comics, qui s’est lancée il y a peu dans la série Die.

Néanmoins cette dernière, ainsi qu’Émilie Plateau, regrettent que les illustrations soient basées sur des personnages qui existent déjà.

Emilie Plateau et Stéphanie Hans.

La bande dessinée comme langage universel

France, Belgique, Allemagne, Espagne… Les bédéistes présents à l’AFT, venus des quatre coins de l’Europe, traduisent pour la plupart leurs œuvres en anglais afin d’élargir leur public. Si la réception peut évidemment varier selon la culture du pays, tous les auteurs se sont accordés à dire que la bande dessinée était véritablement «un langage universel».

«J’ai lu de nombreux mangas sans connaître un mot de japonais», commente d’ailleurs David Rubin.

En effet, selon ce dessinateur espagnol, «le récit se fait à travers les images». Les bandes dessinées sans mot en sont le parfait exemple. Nora Krug, bédéiste allemande, a ainsi partagé son expérience sur un de ses ouvrages adaptés de l’histoire du Petit Chaperon Rouge, qu’elle a réalisé qu’à partir du dessin.

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Peter Birkemoe, animateur des discussions, entouré de Bessora et Émilie Plateau.

Cette particularité de la BD qu’est son universalité se ressent également dans les collaborations artistiques, selon Richard Marazano, qui a travaillé avec des dessinateurs de diverses nationalités (iranien, japonais, italien, etc.).

«Lorsque j’ai collaboré avec Shang Xia, un dessinateur chinois, sur la série S.A.M, j’appréhendais un peu nos différences culturelles pour le travail. Mais c’est l’un des auteurs qui a le mieux adapté mon scénario, alors qu’on ne parlait pas le même langage», a raconté le bédéiste.

Le scénariste et le dessinateur, un couple

Certains bédéistes présents travaillent en collaboration, comme Richard Marazano, tandis que d’autres travaillent en solo, comme Émilie Plateau, qui recherche encore son «âme sœur» au niveau du scénario.

«Il s’agit de travailler avec quelqu’un avec qui on peut danser au moins sur deux ans ensemble, ce n’est pas évident», a précisé Stéphanie Hans.

Un travail d’équipe qui nécessite de l’affinité, mais surtout le respect de l’autre.

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«On ne doit pas tirer la couverture à soi, mais tirer le meilleur de chacun», a insisté Richard Marazano.

Dessin d’Alexandre Clerisse réalisé en à peine 30 minutes.

Tous ces auteurs seront présents au TCAF: l’occasion de découvrir les ficelles d’un métier bien passionnant.

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