La vie au premier degré

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Publié 28/11/2006 par Dominique Denis

Bonne nouvelle: les humoristes québécois n’auront pas besoin d’apprendre les maniérismes de Lynda Lemay pour faire rire le bon peuple, puisque la madone des refrains bien intentionnés s’auto-parodie sans vergogne sur Ma signature (Warner). D’ailleurs, quel intérêt aurait-elle à modifier la recette de son indéniable succès des deux côtés de l’Atlantique, imposant sa griffe sur dix albums échelonnés sur 20 ans de carrière?

Comme d’habitude, on retrouve au menu de Ma signature assez de sujets-choc pour alimenter une saison complète d’émissions de Janette Bertrand (grossesses, mises à pied, maladie d’Alzheimer et divers stigmates sociaux) avec, en guise de contrepoids, quelques exercices qui se veulent humoristiques, comme cette désopilante confession d’une mère qui a honte de son fils devenu mime.

Avec cette approche quasi-journalistique, le choix de sujets est illimité, mais Lynda n’a qu’à les passer dans son collimateur pour qu’ils en sortent identiques, c’est-à-dire uniformément mielleux et truffés de «p’tits ci» et de «p’tits ça (à en juger par l’omniprésence de l’adjectif dans ses textes, on pourrait en croire que Lemay vit dans une maison de poupées).

C’est ainsi qu’on se retrouve avec seize chansons prodigieusement verbeuses qui, dans leur souci de scruter notre intimité et nos tragédies pour susciter une réaction forte, la plume de Lynda Lemay s’avère plus obscène que la pornographie, dont elle partage l’impudeur et la prédilection pour les gros plans.

Du cœur et des couilles

En toute franchise, je me réjouis à l’idée qu’un album des Porn Flakes puisse nous servir d’antidote au poison précité. Riche de l’expérience des désormais légendaires Rock & Roll Orgies au Club Soda de Montréal, le supergroup québécois remet ça en studio, avec un tas de copains, le temps d’un Album du cœur (Famous Remus Records/Sélect) qui se veut à la fois tonique et décapant.

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Prouvant qu’entre bonnes mains, toute chanson peut devenir matière à rock and roll, les Porn et leurs invités remettent Roger Whittaker à l’ordre du jour (Un éléphant sur mon balcon, ici revu par Sylvain Marcel), laissent imaginer ce à quoi ressembleraient les fruits d’une collaboration entre Mitsou et les Stones (Bye bye mon cowboy, dans la version de Plastik Patrik) et rend hommage à Frank & Nancy Sinatra – ou, si vous préférez, à Sacha Distel et Petula Clark – grâce à l’impérissable Something Stupid, in French s’il vous plaît, gracieuseté du tandem Anne Dorval-Daniel Thomas. Et le clou de cette petite sauterie, nous le devons à Marc Labrèche et sa très hospitalière Daniela, dont la décence m’interdit d’énumérer ici les largesses.

Mais la plus belle surprise, c’est de constater à quel point un disque qui n’aurait pu être qu’un caprice de musiciens renouvelle notre plaisir au gré d’écoutes successives. Ceux qui n’ont cure de la musique de Noël pourraient même trouver dans cet Album du cœur le genre de lubrifiant social dont un bon party des Fêtes aura toujours besoin.

Cuir, bourbon et fleur de lys

Malgré les récentes mésaventures des Dixie Chicks au pays de Dubya, on est loin de l’époque où le country était aux gens de droite ce que le folk était aux gens de gauche, qu’il incarnait les valeurs rurales et/ou républicaines, tout en servant de bande-son aux peines d’amour des camionneurs et des résidents de parcs à roulottes.

On peut donc douter de la nécessité pédagogique d’un album comme Quand le country dit bonjour… (MP3 Disques/Sélect), qui, selon son concepteur Mario Pelchat, vise à «redonner ses lettres de noblesse» à cette musique qu’il croit encore victime de préjugés. Pourtant, ce n’est pas une raison de se priver des quelques bonheurs que nous réserve cette collection de vieux classiques revisités par des artistes de la chanson (folk, rock ou autre) qui ont toujours flirté, de près ou de loin, avec le country.

D’entrée de jeu, Daniel Lavoie fixe très haut la barre avec sa reprise de Je m’envolerai (I’ll Fly Away), tandis que Marie-Jo Thério met de côté ses maniérismes pour nous offrir un très sobre La fabrique, une toune que Cabrel avait lui-même piquée à James Taylor.

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Si tout l’album était de cette eau, on tiendrait presque là l’équivalent québécois de la bande-son de O Brother, Where Art Thou?, mais en pêchant par excès d’ironie (Les Respectables) ou par manque de subtilité (Ginette Reno), ou en revendiquant un peu trop ouvertement la naïveté kétaine du répertoire au détriment de chansons plus intéressantes, les complices de cette compil mitigent quelque peu notre plaisir.

Trois divins Messies

Péesse: la semaine dernière, je vous avais promis quelques mots sur le Messie. Ici comme ailleurs, l’oratorio de Handel est un indispensable rite de passage vers Noël, bien qu’il ait originellement été conçu pour être interprété à l’occasion de Pâques.

Parmi la douzaine de versions que nous pourrons entendre à Toronto, j’en retiendrai trois: celle du Mendelssohn Choir qui, avec l’appui de l’Orchestre symphonique de Toronto, déploiera les plus imposantes ressources vocales et instrumentales, et utilisera l’orchestration de Mozart, question de signaler le 250e anniversaire de naissance du compositeur (les 16, 18, 20 et 21 décembre à 20h et le 17 décembre à 15h; Roy Thomson Hall; 416-593-4828).

Dans un autre registre et à une autre échelle, l’orchestre et le chœur de chambre de Tafelmusik rendra à l’œuvre ses proportions d’origine, dans le cadre plus modeste – et plus chaleureux – de l’église Trinity St. Paul (du 13 au 16 décembre, 19h30; 427 Bloor Ouest, 416-964-6337). Enfin, un rendez-vous moins médiatisé mais non moins digne de mention, les Toronto Classical Singers et les Talisker Players investiront le cadre majestueux de l’église Christ Church Deer Park le dimanche 10 décembre à 16h (1570 Yonge; 416-920-5211) pour une seule représentation du chef d’œuvre de Handel.

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